Alors que la guerre opposant Israël au Hamas palestinien est entrée ce 7 mars dans son cinquième mois, et un peu moins de quatre mois après le début des attaques contre des navires marchands dites ciblées par les Houthis en soutien au mouvement islamiste actif dans la bande de Gaza, une énième agression a fait trois morts, au moins quatre blessés, dont trois dans un état critique.
Le gouvernement philippin a déploré la perte de deux de ses ressortissants tandis que deux autres sont « grièvement blessés », a-t-il rapidement indiqué après l'incident.
C'est la première attaque meurtrière depuis le début des offensives à la mi-novembre et ce, quelques jours à peine après le premier dommage matériel avec le naufrage du Rubymar, coulé à la suite de deux tirs de missiles, et susceptible de provoquer une catastrophe écologique. Son chargement à base de sulfate de phosphate d'ammonium représente une menace pour les eaux territoriales du Yemen, s'alarme le pouvoir officiel. Sa soute percée a déjà provoqué une marée noire.
Intervention de la force multinavale
L'annonce a été faite le 7 mars par le commandement américain pour le Moyen-Orient (Centcom). La veille, le Centcom avait fait état d'une attaque au moyen d'un missile balistique antinavire lancé depuis les territoires contrôlés par les Houthis contre un vraquier battant pavillon de la Barbade, mais alors non identifié, que l'équipage (21 marins) avait dû abandonner.
De son côté, l'agence de sécurité britannique UKMTO, sous tutelle de la Marine nationale, avait indiqué que le vraquier avait été « touché et avait subi des dommages » sans autres précisions, tout en évoquant une intervention de la force navale multinationale déployée dans le cadre de l'opération Prosperity Guardian visant à sécuriser le passage des navires marchands dans la région.
D'après l'UKMTO, le commandant du vraquier aurait été contacté par une entité se revendiquant de la marine yéménite pour l'ordonner de changer de cap.
Dans un communiqué sur les réseaux sociaux, comme à son habitude, le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Saree, a confirmé que le navire avait été « touché par des missiles après le rejet par l'équipage de messages d'avertissement ».
Opacité sur l'identité du navire
L'identité du vraquier est désormais connue. Il s'agit du True Confidence, un vraquier battant pavillon de La Barbade (depuis 2021), contrôlé par des intérêts libériens (True Confidence Shipping SA) et dont la gestion est assurée par une société grecque (Third January Maritime) mais dont la propriété semble à nouveau poser problème.
Comme pour le rubymar, dont le propriétaire n'est toujours pas clairement établi quinze jours après l'incident, les principales sources d'informations concernant les attaques maritimes en mer Rouge, à savoir le Centcom, l'UKTMO et la société de sécurité maritime Ambrey dont les informations sont discutables, sont confuses et contradictoires.
La société britannique de sécurité maritime Ambrey affirme que le vraquier appartient à une compagnie américaine. Mais un porte-parole américain du Centcom a assuré de son côté qu'il était lié au Libéria (ce que la base de données confirme).
Pour le MSC Sky II, touché par un missile suivi d'un incendie, les dirigeants d'Ambrey l'avaient de prime abord attribué à ZIM. MSC a confirmé ensuite qu'il appartenait à sa flotte.
Au-delà, cette confusion témoigne surtout des montages parfois opaques et dédaléens derrière lesquelles se dissimulent les réelles propriétés des navires.
En dépit des missions et des appels internationaux
En quelques jours, et en dépit du déploiement de forces navales et de missions qui se superposent, les Houthis continuent d'être relativement efficaces dans la gestion de leur chaos.
Cinq missiles balistiques antinavire ont été tirés au large du Yémen ces deux derniers jours, dont deux ont atteint leur cible, le True Confidence et le MSC Sky II, tandis qu'un autre a été abattu.
La chambre internationale de la marine marchande (ICS), le Bimco (exploitants de navires, 60 % de la flotte mondiale en capacité), la Clia (représentant l'industrie de la croisière), l'Ecsa (armateurs européens), Intercargo (armateurs de vraquiers). Iintertanko (exploitants de pétroliers), l'International Marine Contractors Association (services maritimes dans l'offshore) et l'OCIMF (Oil Companies International Marine Forum, sociétés pétrolières internationales) ont réagi vivement face à la gravité des derniers faits.
Pertes inacceptables
« La fréquence des attaques contre la marine marchande souligne la nécessité urgente pour toutes les parties prenantes de prendre des mesures décisives pour préserver la vie des marins civils innocents et mettre un terme à ces menaces », rappellent les associations qui avaient déjà uni leur voix en février pour demander la libération des 25 marins du porte-voitures Galaxy Leader, détenus depuis le 19 novembre par les Houthis.
« Les associations professionnelles expriment leur profonde inquiétude face à la perte tragique de vies humaines et aux blessures subies par l'équipage du True Confidence, totalement inacceptables, rappellent-elles. « Les navires marchands dont l'équipage est composé de marins civils et qui s'inscrivent dans le commerce mondial ont le droit de traverser la région sans être menacés », croient-elles nécessaires de rappeler.
Adeline Descamps
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