Comme prévu, les États membres du Comité de protection du milieu marin (MEPC), qui se réunit jusqu'au 20 novembre par visoconférence, ont approuvé le projet de proposition que leur a soumis le groupe intertechnique sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. Une version que les partisans d’une ligne dure jugent édulcorée. La convention Marpol s’enrichit de deux amendements. Il reste à gérer l’UE et les États-Unis qui entendent introduire leur propre réglementation carbone.
L'approbation est sans surprise car c’est dans cette instance que se jouent les vraies négociations, le MEPC, vitrine politique, étant en réalité une chambre d’enregistrement. Et en l’occurrence, le compromis avait été arraché à l’issue d’une semaine éprouvante fin octobre (
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Les groupes de travail s’étaient donc mis d’accord sur un projet de texte actant les mesures à mettre en œuvre pour garantir une réduction une réduction, par rapport à 2008, de 40 % de l'intensité de carbone d'ici 2030. Or son contenu était loin d’avoir fait l’unanimité et avait suscité un vif rejet, notamment de la part des ONG environnementales. À l’issue de la session, WWF, Transport & Environment, Pacific Environment et Seas at Risk n’ont pas hésité pas à qualifier l’accord de « violation aux objectifs de l’accord de Paris ». Pour les associations environnementales, « la proposition ne permettrait, au mieux, de réduire les GES que de 0,65 à 1,3 % d'ici 2030, ce qui signifie que les émissions de la flotte mondiale actuelle augmenteraient encore d'environ 14 % cette décennie. »
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Marpol s’enrichit de deux amendements
La France elle-même, représentée par Annick Girardin, ministre de la Mer, avait également estimé que le « résultat n’est pas à la hauteur des attentes car il ne garantit pas l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat ni de la stratégie de l’OMI ». Mais sans pour autant aller jusqu’à s’en désolidariser. « Nous avons tenté d’emporter le niveau d’ambition le plus élevé possible tout en limitant le risque d’échec, qui n’aurait pas permis l’approbation de mesures à la prochaine session du MEPC de novembre 2020 et une mise en œuvre à partir de 2023 », avait justifié le ministère de la Mer.
Validé ces dernières heures par le MEPC, le texte peut emprunter son chemin juridique en vue d’être adopté lors du MEPC 76 en juin 2021 et promulgué en 2023. La convention Marpol va donc recevoir deux amendements qui obligent les navires à combiner une approche technique (comment le navire est réaménagé et équipé) et opérationnelle (comment le navire fonctionne) pour réduire leur intensité carbone.
Le premier amendement est un indice d'efficacité énergétique concernant cette fois tous les navires, ceux de la flotte existante (EEXI), alors que les réglementations de l’OMI ne concernaient jusqu’à présent que les constructions neuves. Cet indicateur sera calculé pour chaque navire et par rapport à un niveau de référence.
Le second introduit un nouvel indicateur, appelé CII (carbon intensity indicator), qui déterminera le facteur de réduction annuel nécessaire pour assurer une amélioration continue de l'intensité de carbone du navire. Le delta entre son CII réel et son CII requis permettra de noter les navires suivant une graduation de A à E (similaire à ce que les consommateurs pourraient voir lors de l'achat d'un lave-vaisselle) en fonction de leurs performances réelles : la note A pour un navire à faible intensité carbone et E pour forte intensité carbone.
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Contraintes supprimées
Et c’est cette grille qui avait perturbé les séances et suscité un mécontentement de plusieurs pays, en partie parce qu'elle n'oblige pas les armateurs à procéder à des améliorations en une seule fois. Les navires non conformes pourront continuer à être sous performants pendant trois années consécutives avant même d'avoir à déposer un plan d'amélioration et pourront facilement jouer la carte de la sous-performance indéfiniment en assurant une année de conformité tous les trois ans, disent déjà les Cassandre. Toutes les clauses de contraintes en cas de non-conformité – telles que le renforcement de la rigueur de l'EEXI voire la révocation de la déclaration de conformité d'un navire – ont été supprimées.
La France aurait souhaité des mesures de coercition plus fortes. La version retenue inquiète les adeptes d’une ligne plus dure car l’appréciation va relever de l’État du pavillon sans critères objectifs et éléments factuels pour vérifier. Tout reposera donc sur la relation entre le pavillon et l’armateur, ce qui n’est pas sans soulever des questions concernant les différences de traitement, de concurrence potentielle.
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Adeline Descamps