Depuis un an désormais, Marfret a équipé un de ses navires polyvalents, le Marfret Niolon, d’ailes rigides Ventifoil, conçues par le fabricant néerlandais Econowind. Objectif : économiser jusqu’à 15 % de carburant sur la traversée de l’Europe vers les Antilles et l’Amérique du Sud. Pour Guillaume Vidil, incarnant la troisième génération à diriger cette entreprise à l’actionnariat familial depuis sa création dans les années 50, il ne s’agit pas seulement d’un projet d’assistance propulsive à la voile, mais d’une démarche commerciale déjà à l’œuvre depuis près de deux ans. Une manière de montrer que les flux précèdent le choix d’une propulsion alternative.
Le Marfret Niolon est exploité depuis fin 2020 sur une ligne transatlantique entre Anvers, Le Havre, la Guyane et les Antilles françaises. « Une ligne à tout faire, qui a trouvé son marché pour compléter les lignes conteneurs transatlantiques et les lignes ro-ro entres les différentes îles des Antilles », précise Guillaume Vidil, Marfret renouant ainsi avec les con-ros exploités sur les Antilles-Guyane dans les années 1980.
Une réduction de 10 à 15 % vers la Guyane
Le choix du Niolon tient précisément à son parcours, qui permet de profiter des alizés sur une bonne partie de la route, mais aussi à son chargement breakbulk et roulier. Les boites contenant les ailes rigides trouvent ainsi facilement une place en pontée, sans empiéter sur l’espace utile aux marchandises transportées.
En novembre 2021, un premier conteneur de 40 pieds fourni par Econowind a pris place en pontée. Après une série de tests, un second l’a rejoint en janvier 2022 pour le premier voyage depuis Anvers jusqu’à Pointe-à-Pitre.
Principale particularité du dispositif : lorsqu’elles ne sont pas utilisées, les ailes rigides Ventifoil, hautes de 13,3 m, sont rétractables dans un conteneur opentop. En fonction des conditions météorologiques, un simple appui sur une télécommande permet de hisser les voiles. Avec deux ailes rigides par conteneur, le Marfret Niolon équipé ainsi de quatre voiles offre une réduction de carburant de 10 à 15 %. Du moins sur le trajet vers la Guyane, puis pour la remontée vers les Antilles. Sur la route depuis les Antilles vers l’Europe, les vents ne sont pas aussi favorables à la navigation sous voile, le trajet retour se fait donc exclusivement au moteur.
Système plug and play
« Pour ces transports breakbulk, il n’y a pas de contrainte de vitesse comme pour les lignes conteneurisées qui ont des rendez-vous à jour fixe dans les terminaux à conteneurs, détaille Guillaume Vidil. Nous offrons à nos clients la fréquence d’un départ toutes les six semaines, soit huit voyages par an, ce qui nous laisse encore du temps pour la maintenance, les aléas météo, voire une escale supplémentaire à la demande d’un client ».
Manifestement, la simplicité d’utilisation du système a séduit : « Le conteneur se fixe en pontée sur les coins iso, se branche comme un reefer. C’est du plug and play ! La conteneurisation est un des avantages du produit, car il permet de renvoyer l’unité à l’usine rapidement en cas de problème. »
Troisième version
Alors que le prototype est à bord ainsi qu’une version améliorée, la troisième version « arrive bientôt ». Avec l’objectif d’établir un cahier des charges pour une future construction neuve, qui intégrera au mieux cette technique. Le moteur du Marfret Niolon, construit au Danemark il y a 32 ans, n’avait en effet pas été prévu, lors de sa conception, pour naviguer à vitesse réduite. Ce sera le cas de son successeur.
« La route vers l’assistance propulsive à la voile a démarré chez Marfret ; elle sera longue, mais nous sommes contents de l’avoir emprunté », conclut Guillaume Vidil, qui reste sceptique quant à l’idée qu’une navigation décarbonée puisse attirer davantage de clients. « En revanche, grâce à un financement ingénieux du dispositif, l’investissement est amorti par l’économie de carburant ».
Étienne Berrier
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