Depuis la commande de ses premiers porte-conteneurs au méthanol vert en 2021, Maersk poursuit son inlassable quête de l’elixir décarboné pour sécuriser l’avitaillement de sa future flotte, à ce jour composée de 19 porte-conteneurs. Officiellement et hors rumeurs du marché qui lui prêtent à nouveau une commande de huit porte-conteneurs supplémentaires à double motorisation de 8 000 EVP avec le méthanol.
Avitaillement critique
Si le coût de construction est un point critique (Maersk essuie les plâtres), l'l’approvisionnement en méthanol vert est un défi, la disponibilité et les volumes du nouveau carburant n'étant pas garantis, encore à la date de livraison de la petite flotte d’ici 2025-2026
Depuis plusieurs années, l’armateur s’y emploie, fait son marché et bétonne son réseau au moyen de contrats d’achat long terme. En s’engageant ainsi sur des volumes sur plusieurs années, le groupe danois entend donner des signaux à l’industrie pour amorcer la pompe et contribuer à rendre le futur carburant plus compétitif, sans attendre qu’un mécanisme-relais compense le différentiel entre les énergies fossiles et les alternatives vertes.
730 000 t sécurisés
Il en a signé déjà une bonne dizaine. Il vient de contracter avec European Energy pour réserver un volume supplémentaire de 300 000 t de méthanol vert à partir de 2025/2026. Pour son feeder, Maersk avait déjà négocié avec Reintegrate, filiale du même groupe danois d’énergies renouvelables, pour s'assurer les 10 000 t d'e-méthanol dont il aura besoin.
Cet énième accord fait suite aux réservations effectuées auprès de SunGas Renewables. Carbon Sink, CIMC ENRIC, Debo Energy, European Energy, Green Technology Bank, Orsted, Proman et Wastefuel.
Cela devrait lui permettre de sécuriser au moins 730 000 t de méthanol par an d’ici 2025.
Premier coup de pioche
La dernière annonce concerne Ørsted, autre géant de l'énergie, majoritairement détenu par l'État danois, qui vient de donner le premier coup de pelle à sa future usine de production d'e-méthanol pour les navires à Örnsköldsvik, dans le nord de la Suède. Baptisée Flagship One, elle doit entrer en production en 2025 avec une capacité initiale de 50 000 t d'e-méthanol par an.
L'année dernière, Ørsted et Maersk ont signé un protocole d'accord sur la livraison de 300 000 t par an à partir de 2025.
Développé à l'origine par la société suédoise Liquid Wind, spécialisée dans les biocarburants, l'usine produira finalement de l'e-méthanol en combinant de l’hydrogène vert produit à partir de l'électricité renouvelable et du CO2 biogénique capté à Hörneborgsverket.
Un coût encore élevé
Si le méthanol d’origine fossile revient entre 100 et 250 $ la tonne, le bio-méthanol se situe dans une fourchette entre 320 et 770 $/t, selon les paramètres. En améliorant les process, les coûts pourraient être réduits, entre 220 et 560 $/t, indiquent des organismes tels que l’Institut du méthanol.
Quant au e-méthanol (complètement vert), son coût de production varie selon le prix de ses deux « intrants », CO2 capté et électricité verte. Il est estimé entre 800 à 1 600 $/t en supposant que le CO2 provienne du captage et stockage du carbone. Mais si le CO2 est obtenu par captage direct dans l'air, dont les coûts sont actuellement de 300 à 600 $/t, il reviendrait alors entre 1 200 à 2 400 $/t.
115 navires au méthanol en commande
Selon la société de classification DNV, il y a actuellement dans le carnet de commandes mondial (ferme et sans double carburation), 904 navires au GNL, 180 au GPL, 115 au méthanol et 27 à l'hydrogène.
Le marché est en ébullition. Cosco a confié en avril quatre autres contrats de construction « méthanol » de 16 000 EVP au chantier du groupe chinois, Shipping Heavy Industries Yangzhou (CSHIY), qui devrait délivrer entre mi-2025 et fin 2025 ou début 2026.
La commande porte sur un mix entre des « ready for » et des doubles carburations. Seul le quatrième de la série est conçu pour fonctionner au méthanol dès le premier jour, les autres pourront être configurés le cas échéant.
CMA CGM envisagerait une nouvelle commande de dix unités de 24 000 EVP dotés d'une propulsion bicarburant au méthanol.
Sans les intentions prêtées à CMA CGM et à Maersk, le « carnet de commandes méthanol » du Français compte 24 navires totalisant 336 000 EVP. Celui du Danois, 19 unités pour un peu moins de 300 000 EVP.
Si CMA CGM transforme les intentions en actes, son carnet de nouvelles constructions atteignant 1,15 MEVP, il serait alors en mesure de déloger Maersk pour devenir le numéro deux mondial.
Adeline Descamps