Maersk finit par toucher à l’intouchable. Hamburg Süd, l’une des plus anciennes marques de l'industrie dont l’histoire remonte à 1871, date à laquelle elle a été fondée par des marchands hambourgeois et anglais, va s’effacer progressivement pour opérer à terme sous la bannière de l’armateur danois de porte-conteneurs. Sans qu’il ne soit précisé si les coques rouges des navires du transporteur d’outre-Rhin allaient être repeintes en bleu. Lors de son acquisition en 2017, à une époque où la consolidation battait son plein, l’acquéreur Maersk avait alors déclaré que ce « serait une grande erreur » que de le faire.
Le groupe a fait connaître le 27 janvier ses intentions concernant la marque la plus emblématique de son portefeuille de ligne et qui, durant les temps difficiles d’avant Covid lui a permis de maintenir à flot ses ratios. Hamburg Süd n’est pas la seule compagnie de la galaxie A.P Moller Maersk à être concernée. La réorganisation va également concerner Alianza, Sealand et Twill mais aussi les sociétés récemment acquises dans la logistique.
Depuis 2019, dans le cadre de sa stratégie de logistique intégrée, l’armateur de porte-conteneurs danois a multiplié les acquisitions, totalisant à ce stade quelque 6 Md$ d’investissement, afin d'acquérir des actifs à terre dans le domaine de l’entreposage (Performance Team), de la gestion sous douane (KGH Customs Services), la distribution BtoB et BtoC (LF Logistics), du traitement de commandes (Visible SCM, B2C Europe, Huub), de la mode (ICL), de la livraison du premier et dernier kilomètre (Pilot Freight Services) et de la logistique de projet (Martin Bencher Group rachetée en août).
Dans la logistique aérienne, le groupe danois a mis la main sur le transitaire allemand Senator International pour 644 M$, à propos duquel Maersk a annoncé il y a quelques jours la dilution dans Maersk Air Cargo.
Vers une logistique véritablement intégrée
Le moment semble venu pour le Danois de faire un pas de plus vers une marque unifiée afin de fournir à ses clients une logistique véritablement intégrée. En réalité, le groupe danois a entamé le processus de réorganisation de ses marques, il y a quelques années, après avoir cédé bon nombre de ses activités pétrolières (Maersk Tankers, Maersk Oil et Maersk Drilling) pour se recentrer sur le transport maritime de conteneurs, les services portuaires et la logistique terrestre.
En 2018, Maersk avait annoncé le regroupement de ses marques régionales Sealand (acquise en 1999), Seago Line (pour l'Europe et la Méditerranée) et MCC Transport (pour l'Asie) sous un seul nom, Sealand. Les marques Aliança, Hamburg Süd et Safmarine n’avaient pas été touchées.
En septembre 2020, le groupe s’est attelé à mettre d’équerre la division Ocean (transport maritime) et le secteur logistique. Dans ce cadre, le transitaire Damco et la spécialiste de l’Afrique du Sud, Safmarine, ont été intégrés à Maersk. À l’époque, la compagnie Hamburg Süd était déjà dans le viseur mais seul son back office avait rejoint celui de Maersk « pour avoir des équipes plus centrées sur le client ».
Le manutentionnaire portuaire (APM Terminals) et les filiales Maersk Container Industry (fabrication de conteneurs), Maersk Supply Service, Maersk Training et Maersk Line Ltd et Svitzer (remorquage) ne sont pas concernées par les derniers mouvements, ces entreprises étant régies par un « modèle commercial différent ».
Plus d’options de connectivité et de multimodalité
« La structure actuelle de notre marque ne reflète pas la manière dont vous, nos clients, structurez votre chaîne d'approvisionnement, ni votre besoin de visibilité de bout en bout. Notre objectif est d'unifier nos marques et notre organisation afin de mieux refléter la réalité votre chaîne d'approvisionnement, en offrant davantage d'options de multimodalité et de connectivité, le tout sous un même toit », justifie l’entreprise dans une note à ses clients.
La Danoise précise que toute action sera précédée d’un examen approfondi afin de déterminer l'avenir de chaque marque dans les différentes zones géographiques. « Chaque marque est différente dans son organisation, les services qu'elle offre et sa portée géographique. Elles suivront donc un calendrier de transition qui leur sera propre. Il est en cours de finalisation », précise l’armateur dans une « foire aux questions ».
Impact sur l’emploi ?
Enfin Maersk précise, au besoin, que l’opération n’est pas motivée par des raisons financières et sera sans incidence sur le coût des services. « En créant une marque unique et unifiée, notre objectif n'est pas d'augmenter les prix ».
Reste une inconnue : les jours de certaines sociétés en tant qu'unités indépendantes étant comptés, les répercussions sur les emplois du groupe sont difficilement maîtrisables à ce stade mais rien n’est indiqué à ce propos.
Cette décision n’est pas sans rappeler celle de CMA CGM qui veut aussi s’imposer comme un « transporteur global ». En octobre 2020, le groupe français avait annoncé qu’APL, une marque presque deux fois centenaire (ex-NOL), allait disparaître des lignes transpacifiques pour se concentrer sur des activités de niche aux États-Unis alors que ANL (desserte de l’Océanie) et NOL ont été fondues dans CMA CGM. Une reconfiguration de sa galaxie de marques avait précédé cette opération qui a touché une autre compagnie iconique.
Adeline Descamps