Joint venture entre Proman, deuxième producteur mondial de méthanol et Stena Bulk, armateur de pétroliers et de vraquiers, Proman Stena Bulk reçoit le premier des six pétroliers Middle Range (MR) dans un environnement de marché qui n’est plus tout à fait celui dans lequel l’entreprise évoluait quand les navires ont été commandés en 2019. Alors que les autres devraient suivre dans les mois qui viennent, l’exploitant des navires devra faire le gros dos en attendant les jours meilleurs.
Depuis au moins vingt mois, les armateurs de pétroliers opèrent dans un marché complètement déprimé. Les tarifs journaliers pour un suezmax se situent autour de 20 000 à 21 000 $ par jour alors que le seuil de rentabilité est au moins de 23 000 $ par jour. L'année dernière, la moyenne était de 11 000 $ par jour. Autant dire qu’il faut avoir les poches très profondes pour survivre et une foi à toute épreuve pour non seulement s’engager dans de nouvelles commandes dans un contexte aussi incertain mais surtout avec des technologies qui présentent encore de nombreux points d’interrogation quant à leurs conditions d’exploitation et les réglementations auxquelles elles seront assujetties
Multiplication des expériences avec des navires conceptuels
C’est pourtant le choix opéré par l’armateur suédois Stena Bulk (flotte de 100 à 120 pétroliers), qui s’est engagé à la neutralité carbone d'ici 2050. Depuis 2015, le transporteur a éprouvé une quantité de tests avec le méthanol mais pas exclusivement. Il mène différentes expériences à bord de navires dits « conceptuels ». « On parle d'ammoniac, d'hydrogène, de batteries et de méthanol. Personne ne connaît la réponse, mais nous voulons être curieux dans tous les secteurs pour voir où cela mène », a indiqué Erik Hånell, PDG de Stena Bulk dans un entretien au média danois Shipping Watch. « Grâce à cela, nous pouvons voir un peu plus loin que les autres avec le méthanol, à court et à long terme. C'est une technologie qui fonctionne et qui peut devenir neutre en carbone lorsque nous aurons mis en place le méthanol vert. »
Stena Bulk et Proman Shipping estiment qu’avec la réception de leur premier pétrolier au méthanol, une étape clé pour la transition énergétique du secteur des pétroliers sera franchie.
Chargement de méthanol à Ulsan
Le Stena Pro Patria, d'une capacité de 49 900 tpl, a été construit en Chine à Guangzhou par le même chantier qui a construit les navires IMOIIMAX de Stena, des vraquiers et pétroliers hybrides électriques et modulaires. Il est le premier des six pétroliers – les Stena Pro Marine et Stena Promise doivent être livrés dans le courant de l'année –, commandés par la nouvelle coentreprise et seront détenus à 50/50 tout en étant exploités dans le cadre d'un affrètement à long terme par Proman Shipping. L'année dernière, Proman a ajouté à la commande trois autres navires de la même classe, dont il sera propriétaire et exploitant.
Le premier fleuron a effectué sa première escale à Hong Kong avant de se rendre à Ulsan, en Corée du Sud, où il doit charger du méthanol. Il se rendra ensuite à Trinité-et-Tobago où est prévue la cérémonie de baptême.
Avec une consommation annuelle prévue de 12 500 t de carburant, Stena Proman prévoit que le Stena Pro Patria réduira les émissions d’oxyde d’azote (NOx) de 60 % et les émissions de CO2 par rapport aux carburants marins conventionnels, tout en éliminant les dioxydes de soufre (SOx).
Équipé de la dernière génération de moteurs bicarburants MAN, le navire devrait bénéficier en outre bénéficié des avancées technologiques dans les moteurs et ainsi, d’une combustion contrôlée en continu, d’un réglage optimisé et d’un générateur d'arbres énergétiques. « Les lignes de la coque ont aussi été redessinées pour optimiser la consommation de carburant », est-il précisé.
Incertitudes sur la disponibilité et l’approvisionnement
Alors que Maersk, avec sa commande de huit porte-conteneurs au méthanol de 16 200 EVP, est resté longtemps isolé, CMA CGM, grand adepte du carburant de transition GNL, a récemment fait part de sa commande de ses six premiers porte-conteneurs au méthanol de 15 000 EVP.
L'une des questions clés, cependant, reste la disponibilité et l'approvisionnement en méthanol sur lequel Maersk avance ses pions. Stena Proman souligne toutefois que le méthanol est déjà disponible dans plus de 100 ports dans le monde, y compris dans les plus importants hubs de soutage.
Adeline Descamps