Le transporteur maritime taïwanais de conteneurs doit se résoudre à une opération plus compliquée qu’initialement prévu pour renflouer son Ever Forward. Le porte-conteneurs long de 334 m et d’une capacité de 11 112 EVP s’est échoué le 13 mars dans la baie de Chesapeake, au large de l’île Gibson, peu de temps après avoir quitté Baltimore, dans le Maryland. Le navire se dirigeait vers Norfolk, en Virginie, où il était attendu le 17 mars.
Les autorités portuaires avaient immédiatement rassuré en indiquant que le navire n’obstruait pas le passage dans le canal de Craighill tout en recommandant aux exploitants de navires de modifier leur itinéraire le temps de la remise à flot opérée par les garde-côtes américains soit achevée. En attendant, selon le U.S. Coast Guard Mid-Atlantic, les navires ne peuvent circuler dans un seul sens et à vitesse réduite.
Empilement en hauteur des conteneurs
Après une série d'inspections et un examen des conditions de navigation dans la baie de Chesapeake, les experts de Donjon Smit, une coentreprise entre Donjon Marine et Smith Salvage America – société de sauvetage désignée par Evergreen –, ont soumis un plan à la cellule de commandement placée sous la supervision du capitaine David O'Connell, commandant du secteur des garde-côtes du Maryland. L’opération de renflouement du navire transportant 4 964 EVP prévoit des travaux de dragage et compte sur le cycle des marées pour ramener le navire dans le chenal de navigation.
Selon le porte-parole, l’opération est compliquée par le fait que le porte-conteneurs est embourbé (la proue serait à près de 4 m hors de l'eau) et par l’empilement en hauteur des navires. Ce qui suggère que des boîtes pourraient devoir être déchargées avant l’opération. En fin de semaine, l’intervention a en outre été entravée par les conditions météorologiques sur le site, notamment « un épais brouillard ».
Aucune pollution
Evergreen a pour sa part précisé qu’il était nécessaire de draguer autour de l’Ever Forward afin d’améliorer la flottabilité de la coque et de dégager l'hélice et le gouvernail pour le repositionner dans le chenal. « Une fois l’opération effectuée, la quantité d'eau de ballast sera ajustée pour réduire le poids du navire et l'opération de renflouage commencera en utilisant à la fois les remorqueurs et la puissance de son moteur principal », indique la compagnie taïwanaise, qui n’indique pas de calendrier.
Toutes les quatre heures, l'équipage du porte-conteneurs échoué effectue des sondages de tous les réservoirs, cales et vides, contrôle les tirants d’eau et la position du navire afin de s’assurer de sa stabilité. Les inspections sous-marines effectuées par l'équipe de sauvetage n'ont révélé aucun dommage apparent ni aucun déversement de fuel ou trace de pollution.
Étrange concordance des temps
L’enquête devra déterminer les causes de l’incident mais la tempête hivernale qui a traversé la région au moment de l’échouement n’y est sans doute pas étrangère. Les vents forts du nord-ouest et de l'ouest chassent l'eau de la baie et font baisser les marées, ont indiqué les météorologues.
Les mouvements pendulaires dans le transport maritime ont parfois d’étranges résonnances. Il y a un an, à quelques jours près, le 23 mars 2021, l’Ever Given, porte-conteneur de 400 m de long et d’une capacité de plus de 20 000 EVP, s’est encastré dans la rive sablonneuse du Canal de Suez. L’incident, probablement causé par un arrêt moteur en raison des conditions météorologiques, a créé un engorgement monstrueux aux deux extrémités de la voie de passage essentielle au transit du fret entre Asie et l’Europe. Plus de 400 navires et entre 25 et 30 Mt de marchandises ont ainsi été bloqués pendant près d’une semaine. La suite est connue. L’incident aura une grande part de responsabilité dans les perturbations et la congestion portuaire que le monde éprouve aujourd’hui.
Adeline Descamps