Les tarifs journaliers des VLCC donnent le mal de mer

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Les turbulences économiques, la faiblesse de l'activité industrielle et le lent réveil de la Chine perturbent le segment des pétroliers dont les tarifs font le yo-yo : 100 000 $ en novembre, 40 000 $ en février, 100 000 $ en mars, 40 000 $ en avril et à nouveau au firmament, proches des 100 000 $.

Imprévisibles, les VLCC surprennent souvent les marchés. Les taux spot moyens pour les très grands transporteurs de brut avec leur capacité de 2 millions de barils de pétrole ont allégrement franchi les 80 000 $ par jour tandis que les plus récents et efficients sur un plan énergétique ont dépassé la barre des 91 000 $/j, a relevé Clarksons.

En mars dernier, ils avaient de la même façon surpris les marchés en franchissant un tarif à 100 000 $ la journée.

Réactifs, les tankers réagissent toujours vivement à leur environnement. Alors qu’ils foraient à environ 25 000 $ par jour au printemps 2019, les tensions entre la Chine et les États-Unis sous l’administration Trump les ont propulsés à 150 000 $ à l'automne de la même année.

Sensibles, les superpétroliers absorbent les à-coups de l’époque. Au plus fort du pic épidémique, au printemps 2020, alors que le pétrole ne valait plus un sou face à une demande mise sous cloche, leurs tarifs ont littéralement explosé à près de 250 000 $/j, étant devenus des denrées recherchées pour stocker le pétrole bradé qu’il serait aisé d’écouler au moment de la reprise à prix d’or.

Lire aussi : Sanctions contre le pétrole russe : pourquoi cela ne s'est pas passé comme prévu

Arrivée de nouveaux acteurs sur le marché

Ils ont encore prouvé dernièrement leur plasticité. La guerre en Ukraine et les sanctions qui s’en sont suivis – embargo maritime de l’UE sur le pétrole puis les produits pétroliers, et plafonnement du pétrole par la coalition G7, UE et Australie –, ont renouvelé la carte des flux de pétrole import/export, dopé les tonne-milles (volume multiplié par la distance) et… crée un appel d’air auprès de nouveaux acteurs, motivés par les primes offertes par le transport de cargaisons sanctionnées, que les propriétaires traditionnels ne sont plus disposés à transporter.

Le brut russe s'est ainsi déployé sur du long-courrier pour atteindre la Chine et l'Inde, ses nouveaux clients, et le diesel russe a aligné les milles jusqu'à l’Afrique du Nord, l'Asie et l'Amérique du Sud. Les pétroliers de petite taille, qui desservent traditionnellement les routes du bassin atlantique et l'Europe, ont dû faire de la place aux VLCC.

De même, les pays européens ont remplacé les barils russes par des approvisionnements long-range en provenance des golfes du Persique et du Mexique. Ce faisant, l’allongement des distances a dopé la demande de VLCC dont le nombre a explosé sur les destinations européennes.

« Une bonne guerre et ça redémarre »

Dès le deuxième trimestre 2022 a été constatée une forte augmentation des chargements de VLCC inter-atlantiques, et ce niveau d'activité élevé s'est maintenu depuis. Depuis lors, ce nouveau schéma semble s’ancrer.

L’adage « une bonne guerre et ça redémarre », que l’on entend souvent dans les colloques, ne s’est jamais démontré avec autant de force que ces deux à trois dernières années.

Les tensions géopolitiques ont toujours sorti le secteur de sa torpeur. Sans la guerre en Ukraine, les exploitants des VLCC, suezmax et aframax seraient peut-être encore à espérer sortir de la sous-rentabilité – 10 000 $ la journée –, à laquelle ils ont été cantonnés entre le mois d’août 2020 et 2022.

Yo-yo des taux

Mais les cycles sont rarement des lignes droites. Ces derniers mois, les taux ont donné le mal de mer : 100 000 $/j en novembre dernier, 40 000 $ en février, 100 000 $ en mars, 40 000 $ en avril et à nouveau vers les cîmes aujourd’hui.

Manifestement, la menace d’une récession économique dans plusieurs pays développés et le très lent réveil de la Chine perturbent le segment.

L'Opep, en maître des horloges et des capacités

Début juin, confrontés à la baisse des prix du pétrole et à une surabondance imminente de l'offre, les pays de Opep+, qui regroupe l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (dont la Russie), ont convenu de nouvelles réductions de production en plus des 2 Mb/j déjà actées et des 1,6 Mb/j, annoncées à la surprise générale en avril et qui ont pris effet en mai.

Les prix du Brent, qui ont dépassé la barre des 85 $ le baril après l’annonce, ont chuté en dessous de 75 $ sous la pression des inquiétudes concernant la croissance économique et la demande mondiale. 

Des perspectives encourageantes

Malgré les inquiétudes macroéconomiques en marge, l'équilibre entre l'offre et la demande dans le secteur reste très favorable aux propriétaires au moins jusqu'en 2024. Selon Clarksons, il y a actuellement 901 VLCC en service et seulement 10 en commande.

Huit seront livrés d'ici la fin de l'année, aucun l'année prochaine et un en 2025 et 2026. Les commandes représentent 1,1 % de la flotte en exploitation.

Toutefois, les commandes sont reparties dernièrement. La société de courtage Compass Maritime a indiqué que Maran Tankers, propriété de la famille Angelicoussis, et Capital Maritime ont commandé chacun quatre Suezmax avec quatre options. Seatankers, propriété de John Fredriksen, a signé pour deux pétroliers de cette catégorie tout comme Euronav qui a en outre exercé des options pour deux autres. La famille grecque Procopiou a commandé 10 LR2 avec deux options.

Une demande supérieure à l'offre

 Selon l'AIE, la combinaison d'une forte croissance de la demande mondiale de pétrole et des contraintes de production de l'OPEP+ pourrait faire en sorte que la demande dépasse l'offre de près de 2 Mb/j au cours du second semestre de l'année.

« Il reste à voir si cela se matérialisera ou non, car il existe des sensibilités tant du côté de la demande que de l'offre », nuance Gibson.

Les turbulences économiques et la faiblesse de l'activité industrielle pourraient nuire à la demande, « tandis que la vigueur des exportations russes de brut et de produits pétroliers au moment où les membres de l'Opep du Moyen-Orient supportent le poids des réductions effectives de la production, pourrait entraîner des frictions entre les membres de l'OPEP+ », ajoute le courtier.

Des valeurs à la fête

Tout est à l’avenant. « Les valeurs des nouvelles constructions dans tous les secteurs sont au plus haut depuis 14 ans », indique VesselsValue. 

Deux commandes de VLCC ont été passées par Dynacom Tankers au début du mois dans le cadre d'un accord en bloc pour 115 M$ chacun. Il s'agit des premières commandes de construction de VLCC passées depuis janvier de cette année, la dernière série datant d'août 2022, fait observer la société d’évaluation de la valeur des navires.

 « Soutenus par la demande chinoise, les taux spot des VLCC ont plus que triplé depuis le début du mois de juin, passant de 22 358 $/jour à 74 768 $/jour, soit une augmentation d'environ 246 %, dépassant les revenus des suezmax et des aframax ».

Adeline Descamps

 

Les armateurs renouent avec la rentabilité

Au premier trimestre, les armateurs se sont refaits une santé, renouant progressivement le fil avec les bénéfices et la distribution de dividendes tout en étant encore boudés par les cours boursiers.

L’un des grands du secteur, le Norvégien Frontline, qui a rompu les amarres d’avec Euronav avec lequel il devait fusionner, a présenté au quatrième trimestre 2022 le revenu net trimestriel le plus élevé depuis le deuxième trimestre de 2008, avec 240 M$. Pour le premier trimestre, 87 % des jours disponibles de sa flotte de VLCC ont été contractés au taux moyen de 58 300 $ tandis que 77 % de ses suezmax ont été fixés à 72 400 $/j et 68 % des LR2 (capacité de 80 000 à 119 999 tpl)/aframax à 63 900 $/j. Les résultats de son rival historique Euronav ont aussi créé la surprise.

Les bénéfices, les taux et les dividendes de Scorpio Tankers sont également en hausse et sa dette en baisse. L'entreprise a déclaré un bénéfice net de 193,2 M$ pour le premier trimestre 2023, contre une perte nette de 84,4 M$ au premier trimestre 2022. L'armateur avait, à l’issue des trois premiers mois de l’année, sécurisé 39 % de ses LR2 à 53 000 $/j pour le deuxième trimestre, 35 % de ses MR (25 000 à 54 999 tpl) à 37 000 $/j. Nonobstant la volatilité du marché, les analystes (Evercore notamment) ont estimé que ces taux garantissaient un résultat de flux de trésorerie pour le deuxième trimestre 2023 bien supérieur aux attentes.

DHT a également présenté des taux solides pour les pétroliers avec 65 % des capacités offertes sur le spot de ses VLCC à 70 300 $/j.

L’Américaine International Seaways, qui partage avec la Belge Euronav et la Norvégienne Frontline un grand actionnaire, John Fredriksen, a annoncé pour sa un bénéfice net de 173 M$ pour le premier trimestre de l’année contre une perte nette de 13 M$ un an auparavant. Le profit ainsi accumulé sur les deux derniers trimestres de 2022 et le premier de cette année s'élève à plus de 500 M$.

Les revenus tirés de la fixation de ses transporteurs de brut se sont élevés à 129,3 M$ à fin mars, contre 36,5 M$ pour le premier trimestre 2022. Une augmentation principalement attribuable à une hausse des taux spot, ses VLCC, suezmax et aframax ayant gagné 46 400 $, 58 200 $ et 50 800 $ par jour, respectivement, contre 12 300 $, 13 600 $ et 13 200 $ par jour un an auparavant.

Ayant aussi enregistré des niveaux historiquement élevés au quatrième trimestre 2022, Teekay Tankers, qui exploite une flotte de 25 suezmax et 19 aframax/LR2, s’est montré très confiant lors de la présentation de son exercice trimestriel. Le PDG indique une augmentation de la demande en tonnes-milles de 12 % en 2022 par rapport à l'année précédente pour les seuls pétroliers de taille moyenne.

A.D

 

 

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