L'État argentin reprend la main sur la partie amont du Paraná afin de sécuriser les exportations de maïs et de soja. Il prévoit aussi des travaux pour drainer les trafics, conteneurs et grains, vers les ports argentins. Au détriment de Montevideo.
L'Argentine reprend son projet d'hydrovoie sur le Paraná, laissé dans les tiroirs depuis quelques années. Le fleuve voit passer 70 % des exportations du pays et même 85 % de celles de grains. Or, ses riverains ont passé les derniers mois à en scruter les niveaux qui, du fait de la sécheresse, ont atteint des records à la baisse. Durant l'été, le tirant d'eau n'était plus que de 0,80 m à Santa Fe, empêchant toute navigation et laissant apparaître de vaste plages de vase.
Le projet remis sur la table vise à l’approfondir et à l’élargir. Le gouvernement fédéral a confié l’administration de la voie aquatique et la gestion des travaux à un consortium, Hidrovías Sociedad del Estado, formé par l'État et les provinces concernées (l'État en détient 51 % des parts sous l'égide des ministères des Transport, de l'Industrie et de l'Agro-industrie, le solde réparti entre les six collectivités à hauteur de 7 % chacune).
La concession du Système de navigation principal est actuellement entre les mains de la firme belge Jan de Nul et de l'argentine EMEPA. Elle sera prolongée d'un an, jusqu'à mai 2022, afin de donner au consortium le temps de se mettre en place.
La concession elle-même restera privée mais sous le contrôle du consortium. Les ouvrages à venir devront contribuer au développement des ports des rives du fleuve, de Santa Fe jusqu'à la frontière avec le Paraguay, pays enclavé pour lequel l'hydrovoie est vitale. La priorité est évidemment donnée au dragage du fleuve.
79 Mt de grains
Sur la partie aval de l'hydrovoie, depuis Timbúes à son embouchure du Río de la Plata, la sécheresse n'a pas eu la même incidence. Les terminaux du Grand Rosario ont continué à charger du soja et du maïs. Ces installations, toutes privées et qui s'étendent sur quelque 70 km le long du fleuve, constituent aujourd'hui le plus important nœud agro-exportateur de la planète. L'an dernier, ils ont permis d'expédier 79 Mt de grains, de farines et d'huiles végétales destinées au biodiesel. Le maïs à lui seul a vu sa production passer de 15 à 50 Mt au cours des cinq dernières années, dont 30 Mt pour l'exportation. De nouveaux terminaux, de plus en plus gigantesques, continuent de voir le jour tandis que le fleuve continue de remplir son office et de mener les grains vers la mer.
Mais ça coince à nouveau autour du Río de la Plata où des tensions sporadiques existent entre pays riverains. Dernier sujet de conflit en date, le dragage du chenal Magdalena au milieu de l'estuaire, projeté unilatéralement par l'Argentine pour un coût de 350 M$. Le chenal serait d'abord creusé à 11 m de profondeur, puis à 15 m dans un deuxième temps. Son tracé est proche du littoral argentin et s'éloigne de celui de l'Uruguay. L'objectif non avoué de ses promoteurs argentins est de capter les trafics, conteneurs et grains au profit des ports argentins. Montevideo, jusque-là utilisé par les deux pays, a tout à perdre.
Myriam Guillemaud Silenko