Après avoir rempli des missions d’intérêt général en rapatriant des résidents bloqués aux quatre coins de la planète, les navires à passagers reprennent progressivement le chemin de la mer. Et sans plus attendre la levée toujours hypothétique des restrictions sur les voyages internationaux, certaines compagnies de croisière prennent le parti de jouer leur saison sur une approche nationale.
Nous étions à peine en avril quand la seule compagnie française de croisière a annoncé qu’elle allait recentrer son offre estivale sur la France, elle qui d’ordinaire envoie ses navires d’exception battant pavillon français dans les endroits les plus reculés du monde, là où précisément « personne ne va ». Il fallait alors une foi de charbonnier pour croire à une hypothétique saison. À l’époque, si sortir de nos biotopes confinés ne faisait aucun doute, personne ne se hasardait alors à évoquer une date. A fortiori pour le transport de passagers et la croisière, secteur parmi les plus tardifs à reprendre car très dépendant de la liberté de circuler, des possibilités de rassemblement et d’ouverture des frontières.
En toile de fond, au même moment, Carnival Corp., le leader mondial avec 50 % du marché mondial et dix des marques parmi les plus connues de la planète, faisait entrer un fond saoudien pour injecter 369,3 M$ dans ses caisses. Également à cours de cash, Norwegian sollicitait une ligne de crédit de 1,55 Md$. L’autre grande major américaine, Royal Caribbean, cherchait pour sa part à obtenir un prêt de 2 à 3 Md$ de façon à tenir un an sans activité, n’hésitant pas à gager ses navires.
65 croisières intérieures
L’étau du confinement ne s’est toujours pas desserré – il est toujours interdit à tout navire de croisière, de faire escale, de s'arrêter ou de mouiller dans les eaux intérieures et la mer territoriale françaises, il faudra donc obtenir l’aval des autorités national, préfectoral et portuaire – et les conditions de la reprise ne seront connues que le 22 juin, date de l’étape 3 du confinement. Mais cela n’a pas dissuadé la compagnie de luxe basée à Marseille de présenter sa nouvelle offre le long des côtes françaises et au départ de Bordeaux, Le Havre, Saint-Malo, Marseille et Nice. À partir du 4 juillet, elle exploitera cinq navires pour 24 itinéraires en Bretagne et en Manche, 12 dans le golfe de Gascogne, 14 en Provence et 15 vers la Corse. Soit, en tout, quelque 65 propositions.
L’armateur fluvial CroisiEurope a également annoncé une reprise en août avec une offre « canaux et rivières » sur la Seine, le Rhône, la Loire et la Gironde.
Rampe de relance
Les françaises ne sont pas les seules à espérer sauver la saison en jouant l’approche domestique. Des compagnies étrangères envisagent également ce concept comme une voie possible de rétablissement des services en attendant la levée des restrictions internationales en matière de libre-circulation.
Alors que la Norvège continue de fermer ses frontières aux voyageurs internationaux, les compagnies scandinaves SeaDream et Hurtigruten ont toutes deux annoncé qu'elles reprendront la navigation en juin « pour les Norvégiens et peut-être pour la communauté scandinave au sens large ». SeaDream, l'opérateur de deux yachts de 112 places, envisage des séjours de 7 et 12 jours le long de la côte norvégienne jusqu'à Tromsø, au-dessus du cercle arctique.
Le norvégien Hurtigruten, qui propose depuis longtemps des destinations côtières, prévoit son premier départ de Bergen avec le MS Finnmarken le 16 juin. Les Richard With, Trollfjord et Midnatsol reprendront également leurs itinéraires initiaux à partir de Bergen le long de la côte norvégienne, en traversant le cercle arctique jusqu'au port de Kirkenes au nord. L’armateur se résout cependant à limiter le nombre de passagers sur chaque navire et, en sus des procédures sanitaires désormais entrées dans les mœurs, il fermera sa restauration libre-service.
Au Royaume-Uni, Viking Cruise, première compagnie de croisières à avoir suspendu ses activités avant même l'initiative de l'ensemble du secteur, a laissé entendre qu'elle pourrait organiser des destinations intérieures avant la fin de l'été. D’autres sociétés ont suggéré qu'elles pourraient reprendre leurs activités avec des croisières vers « nulle part », c'est-à-dire uniquement du temps en mer.
Missions d’intérêt général
En attendant, les liaisons maritimes reprennent peu à peu et les opérations de rapatriement s’activent. Le Jean Nicoli de Corsica Linea a rapatrié, mi-mai, 480 français de Tunisie. Le Danielle Casanova de la compagnie corse a également effectué deux missions à Alger et à Tunis. Le Girolata de La Méridionale a fait de même au Maroc avec quelque 500 ressortissants français. Ponant a lui aussi été missionné pour permettre à des résidents bloqués en Nouvelle-Calédonie de regagner leurs foyers à Wallis et Futuna. C’est à bord du Lapérouse, affrété par les services de l’État, que 112 personnes ont pu être libérées. « Après cinq jours de navigation depuis Nouméa pour rallier Mata Utu, le navire est resté au mouillage neuf jours afin de terminer une quatorzaine maritime dans le respect des consignes imposées par les autorités sanitaires et de nos procédures », a indiqué la compagnie, qui a sans doute hâte de reprendre ses activités économiques originelles.
Adeline Descamps
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