La période des négociations dans le cadre du renouvellement des contrats est achevé, comme chaque année le 20 février, et les P&I Club (Protection and Indemnity Clubs), ont obtenu satisfaction.
Après plusieurs années difficiles pour ces mutuelles d’assurance maritime qui permettent de couvrir certains risques insuffisamment ou non garantis par les polices d’assurance maritimes classiques (particulièrement les dommages causés au tiers et, notamment, à l’environnement, où la responsabilité civile de l’armateur entre en jeu), la conjoncture s'améliore.
Pour rappel, au début de chaque exercice, le conseil d’administration du P&I Club, constitué des principaux armateurs, se réunit pour décider du montant des primes qui est appelé, à titre provisionnel, à hauteur d’environ 80 % du total des sinistres payés au cours de l’année précédente. Si cette somme s’avère insuffisante à la fin de l’exercice, il est procédé à un rappel de primes pour clore les comptes. En cas de sinistralité moindre, le surplus des cotisations perçues initialement alimente le fonds de réserve du club.
2 millions de GT de plus pour UK
Les assureurs britanniques ont été parmi les premiers à annoncer le succès de leurs renouvellements pour 2024. Dès le 21 février, UK a fait part d’une croissance annuelle globale du tonnage inscrit de quelque 2 millions de GT (tonnage brut), sans préciser le tonnage global. Le club est porté par les nouvelles constructions, tant de la part des membres actuels que de nouveaux adhérents.
« L'accent mis par le club sur la qualité a entraîné la perte d'une partie du tonnage renouvelé, en particulier dans le secteur peu performant de la responsabilité des affréteurs », a signalé à cette occasion William Beveridge, directeur de la souscription au sein du UK Club.
« Nos réserves libres sont parmi les plus solides du secteur et nous nous attendons à ce que des retours sur investissement sains renforcent encore le bilan ». Pour faire face à l’augmentation des plafonds de garanties (exigée par les conventions internationales sur la limitation de la responsabilité des armateurs), les P&I Clubs ont dû se doter de réserves financières (« free reserves ») libres de tout engagement, contrôlables par les agences de notation.
Primes de plus de 825 M$ pour NorthStandard
Également britannique NorthStandard, né de la fusion de North et du Standard Club il y a un an qui lui confère une part de marché de plus ou moins 20 %, soit autant que le leader du secteur, Gard, les recettes des primes ont dépassé 825 M$ pour l'année se terminant en février 2024, contre 796 M$ au moment de la fusion. Le tonnage mutualisable a augmenté pour atteindre 256 millions de GT.
Les branches spécialisées, qui représentent environ 20 % de l'encaissement total de l'assureur, ont également enregistré une croissance au cours de l'année.
Ce dernier s'attend à annoncer un excédent de souscription et un ratio combiné inférieur à 100 % (qui était de 95 % pour l'année 2022-23), avec un retour sur investissement positif qui viendra s'ajouter aux réserves libres du club.
« Alors que l'actualité fait d’une mer libre et ouverte un défi, les derniers douze mois depuis le lancement officiel de NorthStandard n'ont fait qu'amplifier le rôle essentiel que joue le système P&I dans le commerce mondial », a indiqué Paul Jennings, l’un des deux directeurs généraux du groupe.
Plus de 100 millions de GT pour West
West a signalé pour sa part que 99 % des membres avaient renouvelé portant le tonnage mutuel à plus de 100 millions de GT contre 96 millions il y a un an.
« Ces renouvellements placent le club dans une position financière solide pour l'avenir, soutenue par la prévision d'un ratio combiné inférieur à 100 % », s’est félicité Tom Bowsher, le directeur général du club qui a lancé l’an dernier la protection contre la guerre et la piraterie en 2023.
+ 8,9 % pour London P&I Club
Le London P&I Club a pour sa part enregistré une croissance du tonnage mutuel de 8,9 % par rapport à l'année d'assurance 2022/23 « à la suite d'une expérience favorable des sinistres et d'un rendement positif des investissements » explique Reto Toggwiler, le directeur de la souscription du P&I.
116 millions de GT pour Skuld
Pour le Norvégien Skuld, que l’on promet régulièrement à la fusion avec son compatriote Gard en vue de créer un super-club scandinave, a également fait part d’un « renouvellement réussi » de ses polices pour 2024/25. Le tonnage brut de la mutuelle a augmenté de 11 % pour atteindre un niveau sans précédent de 116 millions de GT, remplissant ainsi tous les objectifs de renouvellement fixés par son conseil d'administration.
Trop de P&I ?
Ståle Hansen, le PDG de la mutuelle, fait partie des rares dirigeants à considérer qu’il y a trop de clubs au sein de l’IG Group alors qu'un consensus prévalait sur l’idée qu’il y a de place pour tous et que la taille n'avait pas de vertu particulière… En 2010, il disait qu’il pourrait tomber à cinq ou six d'ici 2025.
Force est de constater qu’hormis la fusion de deux géants l’an dernier, les précédentes tentatives de consolidation ont avorté. NorthStandard est aujourd'hui deux fois plus importants que Steamship, Japan, Skuld, West, UK et Britannia, dont la part de marché oscille entre 7 et 10 % chacun, et loin devant American, Shipowners, London et Swedish, avec 1 à 4 % du marché mondial.
La dernière expérience de fusion, entre UK et Britannia, a avorté en 2016 pour des raisons restées à la discrétion des deux parties. Avant de fusionner avec Standard l’an dernier, North n’en était pas à sa première expérience. En 1998, il a absorbé le Newcastle P&I Club, augmentant ainsi son tonnage inscrit de 5 millions de tonnes brutes. Deux ans plus tard, la compagnie a repris la mutuelle maritime la plus célèbre pour avoir assuré le Titanic, le Liverpool & London P&I Club, puis en 2014, elle a fusionné avec Sunderland Marine, un spécialiste de la couverture P&I de chalutiers, ferries et barges fluviales.
Moins de concurrence
Ces dernières années, quelques voix se sont davantage fait entendre pour vanter les avantages de la consolidation, permettant une « utilisation plus efficace du capital » (et donc avec une effet sur les tarifs), assurant une base financière plus large, paramètre qui contribue à diluer la volatilité et à faire face à l’augmentation des sinistres de grande valeur.
Mais diminuer le nombre de clubs signifie aussi moins de concurrence. Il n’est pas certain que l’idée plaise aux armateurs.
Adeline Descamps