Les car-carriers attendent la mutation de l’industrie automobile

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Sortie de route de l’industrie automobile frappée par l’arrêt brutal des lignes de production en Chine puis par les mesures de confinement prises en Europe. La crise sanitaire a mis à mal cette filière et bouleversé la logistique. Elle a également eu pour effet d’accélérer la mutation du secteur. Entre verdissement des flottes et relocalisations industrielles, la pandémie rebat les cartes.

« Le transport maritime de véhicules automobiles a été le secteur le plus touché par la pandémie avec l’arrêt des usines européennes Renault-Nissan en 2020, faute de recevoir les composants », explique Isabelle Ryckbost, déléguée générale de l’association des ports européens. Le pic de la dépression s’est en effet fait sentir mondialement et uniformément en mars et avril 2020 pour les armateurs du secteur. La reprise progressive à compter de l’été 2020 a permis de minorer en partie les pertes.

L'année 2021 s’annonce plus complexe encore pour les exploitants, tenus de respecter les contrats malgré la chute des volumes. « Certaines usines, en raison de la pénurie des semi-conducteurs, décident de fermer avec des préavis très courts d’une semaine, nous privant de visibilité. Nos plannings sont désorganisés dans un contexte de déséquilibre des flux. Seuls les vans et les utilitaires sont à la hausse compte tenu de l’explosion des livraisons à domicile », détaille Florent Duquesnoy, directeur logistique de Neptune Lines.

Pénurie de navires

Si le marché des transporteurs de voitures reste surcapacitaire en Europe, les constructeurs automobiles peinent à trouver les navires disponibles, notamment en sortie de Chine. Cette demande asiatique impacte le marché mondial, faisant grimper le coût d’affrètement journalier de 20 à 25 %. « La supply chain constitue un élément clé de l’industrie automobile. Mais la pandémie a désorganisé cette logistique habituellement très synchronisée. Des milliers de camions porte-voitures se sont trouvés coincés sur la route. Nous avons dû faire preuve d’agilité et trouver de nouveaux outils avec nos fournisseurs et avec les ports. »

Pour Jean-François Salles, vice-président Supply Chain Alliance chez Renault-Nissan-Mitsubishi, la digitalisation permet d’échanger des informations avec les prestataires. « Compte tenu des risques géopolitiques, la distribution va drastiquement évoluer. Nous allons reconsidérer le panel de fournisseurs. L’efficacité de la supply chain dépend de chaque maillon. L’alliance de Renault avec Nissan évite les transports à vide mais nous devons tendre vers un transport décarboné ».

Dans le souci de décarboner sa supply chain, le constructeur a signé en 2018 un partenariat avec Neoline, la compagnie nantaise qui opèrera un roulier à voile, dont la mise en service est prévue en 2022  entre l’Europe du Nord et les États-Unis. « Nous sommes promoteurs des routes vertes de bout en bout avec le ferroviaire et en développant le transport maritime », complète le dirigeant.

Passage au vert

La transformation française de l’industrie automobile reflète la lame de fond qui bouleverse le secteur. Choix géopolitiques, verdissement des flottes, les stratégies des constructeurs s’affûtent depuis la pandémie. Des relocalisations proches des bassins de consommations devraient s’accentuer. Le 7 juin dernier, Bosch a ouvert à Dresde en Allemagne une usine de semi-conducteurs.

« Le marché des véhicules électriques augmente en raison des incitations fiscales et de la demande des consommateurs. C’est notamment le cas de la Norvège, observe Dan Nash. Pour le responsable ro-ro et car-carriers chez VesselsValue, « les producteurs de voitures électriques vont exiger à terme que leurs véhicules soient acheminés sur des navires émettant zéro carbone. Les porte-véhicules LCTC (Large Car and Truck Carrier), PCTC (Pure Car and Truck Carrier), PCC (Pure Car Carriers) seront les premiers à passer au vert. Ils seront suivis de près par les ro-pax qui effectuent des trajets courts pour lesquels les revenus des passagers sont le moteur du chiffre d’affaires ».

Impact des Tesla

L'impact sur la valeur des navires demeure la grande inconnue, reconnait-il. Les armateurs signalent une difficulté croissante à vendre des petits tonnages millésimés, notamment en Europe ». Dan Nash glisse ainsi que la capitalisation boursière de Tesla atteint les 500 Md€, soit plus que les huit plus grands constructeurs automobiles réunis.

En mai 2021, le groupe d’Elon Musk a sélectionné Zeebrugge comme point d’importation de 11 527 Tesla de type 3S expédiées depuis Shanghai. Des milliers de véhicules électriques blancs y stationnaient début juin 2021. Cette arrivée massive sur le marché pose la question des équipements portuaires mais également de la sécurité à bord des navires. Le risque d’incendie étant plus important que pour des véhicules à essence. Armateurs et constructeurs négocient en ce moment même les standards de chargement des véhicules électriques comme par exemple le niveau de charge de la batterie.

Verdissement des car-carriers

En France, les ports s’équipent progressivement de bornes électriques alimentées par des panneaux photovoltaïques. « Nous avons gagné 18 ha de terre-plein sur la mer, et CAT a remporté le marché pour opérer entre 150 000 et 170 000 véhicules par an », annonce Arnaud Rieutort, directeur commercial du port de Sète qui entre 2019 et 2020 a vu le trafic chuter de 106 000 à 76 000 véhicules. Le port prévoit également de proposer du courant de quai lors des escales de Neptune Lines. Un projet que l’armateur du Pirée souhaiterait élargi au port de Marseille-Fos. 

Grimaldi a pris livraison en juin 2021 du Grande California, son septième PCTC de 7 600 CEU ou, alternativement, 5 400 mètres linéaires de matériel roulant et 2 737 CEU. Ces navires, les plus grands en exploitation à ce jour dans le monde, sont positionnés entre la Méditerranée et l'Amérique du Nord.

En 2020, la production automobile mondiale a chuté de 15,1 % avec 77 millions d’unités produites. Une chute marquée par des disparités régionales. En Chine, la production a baissé de 4,2 % sur l’ensemble de l’année (23 millions d’unités) avec une reprise au deuxième semestre 2020 tandis que la production automobile en Europe a chuté de 21 %. 

Nathalie Bureau du Colombier

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