Les dernières images sont tout aussi terribles que celles qui ont jalonné chacun des treize derniers jours au cours desquels l’on a assisté en direct à un navire âgé d’à peine trois mois en train de se consumer. Les experts de la société de sauvetage néerlandaise Smit ont mis un terme à leurs opérations sur le X-Press Pearl de 31 600 tpl, a déclaré un porte-parole de la marine sri-lankaise. Les sauveteurs étaient montés à bord du navire le mardi 1er juin pour tenter de le remorquer loin des côtes mais ont échoué en raison de l'état de la mer.
La poupe du navire a touché le fond marin le 2 juin à 21 m de profondeur, 11 km au large de Pamunugama au nord de la capitale, tandis que la proue était alors encore à flot. « Nous avons le regret de vous informer que, bien que les sauveteurs aient réussi à monter à bord du navire et à attacher un câble de remorquage, les efforts pour déplacer le navire vers des eaux plus profondes ont échoué, et la partie arrière du navire touche maintenant le fond à une profondeur de 21 m. À 15 h, heure du Sri Lanka, la partie avant du navire reste à flot et de la fumée s'échappe des cales à marchandises n° 1 et 2 », a indiqué l’armateur dans une actualisation.
Déploiement en force
Près de deux semaines après le début de l'incendie et neuf jours après l'abandon du navire, les efforts et les moyens déployés – ceux de la société néerlandaise SMIT, les neuf navires sri-lankais, trois navires indiens et des avions de l’Air Force du Sri Lanka – auront été vains pour venir à bout de l'incendie déclaré le 20 mai sur le feeder de 2 700 EVP de l’armateur X-Press Feeders. Le navire immatriculé à Singapour se rendait du Gujarat en Inde à Colombo au Sri Lanka lorsqu’un départ de feu a été signalé.
Ouverture d’une enquête criminelle
Le Criminal Investigation Department a demandé une ordonnance du tribunal pour interdire au capitaine, au chef mécanicien et au second mécanicien du navire de quitter le pays le temps de l’enquête. Les autorités locales ont ouvert une enquête criminelle sur l'incendie et la pollution. Les trois officiers ainsi que des représentants du port, de l'Autorité de protection de l'environnement marin (MEPA) et d'autres personnes ont déjà été entendus. Les enquêteurs veulent faire la lumière suite aux révélations de la presse selon lesquelles une fuite d’acide nitrique dans les conteneurs avait été détectée au cours de la traversée alors que le capitaine aurait néanmoins pris la décision de jeter l'ancre au large de Colombo.
L'exploitant et propriétaire du navire a réfuté les allégations selon lesquelles le navire se serait vu refuser l'entrée dans les ports de Hazira en Inde et Hamad au Qatar. « Des demandes ont été faites aux deux ports pour décharger un conteneur sur lequel avait été décelée une fuite d’acide nitrique mais il n'y avait pas d'installations spécialisées ou d'expertise immédiatement disponibles pour traiter le problème », a opposé l’armateur.
Dommages écologiques en cours d'évaluation
Une nappe de pétrole était visible à proximité des plages de Negombo, à environ 40 km de la capitale. Il n'y a toutefois aucun signe de fuite de fuel pour l’instant. Selon la marine, un navire des garde-côtes indiens sur zone est doté des équipements nécessaires pour traiter toute fuite de pétrole. Il y a 100 t de pétrole à bord en plus des 278 t de fuel et 50 t de gasoil dans ses soutes.
Le déversement de millions de granulés de polyéthylène échappés des conteneurs a déjà recouvert 80 km du littoral de l'ouest de l'île. Les dommages écologiques sont en cours d'évaluation mais la MEPA estime qu’il s’agit de la plus grave catastrophe écologique de son histoire
81 conteneurs étiquetés dangereux
Selon les informations contenues dans les rapports d’accident du Lloyd’s, sur les 1 486 conteneurs, 81 étaient identifiés en dangereux, dont 25 emplis d'acide nitrique. L'essentiel de la cargaison aurait été détruit par les flammes. Les débris s'échouent dans une région identifiée comme une zone de pêche importante et aujourd’hui interdite à la navigation sur 80 km.
L’événement en rappelle un autre, de triste mémoire récente. Il y a même pas un an, le pétrolier New Diamond avait brûlé pendant une semaine entière au large de la côte orientale du Sri Lanka après une explosion dans la salle des machines qui avait tué un membre d'équipage. Une marée noire de 40 m de long s'en était suivie. Le Sri Lanka avait exigé des propriétaires du supertanker 17 M$ pour régler les frais de nettoyage.
Adeline Descamps