Le vrac sec submergé par l'arrivée de nouveaux navires

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Alors que la querelle entre l'Australie et la Chine et l'effondrement des exportations brésiliennes de minerai de fer plombent la reprise naissante du vrac sec, le secteur fait face à un afflux de nouveaux navires. Parallèlement, le marché de seconde main est particulièrement dynamique.

Fidèle à sa réactivité extrême aux soubresauts du monde, le vrac sec est de nouveau abonné aux montagnes russes. Fin novembre, le segment a été fauché dans son élan haussier par de sombres perspectives, en lien avec la chute de la demande de charbon par la Chine et avec les nouvelles restrictions sanitaires en Europe, qui pèsent en général sur la production manufacturière et industrielle et donc sur le minerai de fer.

Après avoir atteint un sommet début octobre, les taux de fret spot pour tous les vraquiers ont replongé alors même que la demande de minerai de fer est restée forte en octobre. La Chine a notamment importé 107 Mt, ce qui représentait une hausse de 15 % par rapport à l'année précédente. Intéressant pour le secteur, le géant asiatique a diversifié son sourcing et la décision profite aux pays plus éloignées, tels que le Brésil et l'Afrique du Sud. L’approvisionnement par des pays plus éloignées est toujours une bonne nouvelle pour les armateurs qui voient ainsi leur trafic augmenter. Mais l’embellie sur le minerai de fer n’a pas pu compenser l’effondrement des livraisons de charbon à la Chine (- 13,7 Mt en octobre, en baisse de 27 % par rapport à septembre), à peine la moitié du niveau d'octobre 2019. 

MSI note en outre que la demande de panamax et de handymax qui s’est exprimée pour les expéditions de soja américain vers la Chine a atteint son pic saisonnier. Les expéditions devraient toutefois connaître une saison prolongée du fait de la concrétisation de la première phase de l’accord commercial entre la Chine et les États-Unis (la Chine prévoit d'importer plus de 36,5 Md$ de produits agricoles américains).  

Les tensions entre la Chine et l’Australie mettent le vrac sec sur le qui-vive

Entre 53 et 66 navires au mouillage

Plus affectés que les vraquiers de plus petite taille, les taux de change au comptant des capesize sont plombés depuis quelques semaines par les tensions croissantes entre Canberra et Pékin, le Premier ministre australien Scott Morrison ayant demandé une enquête sur les causes de la pandémie qui a éclaté dans la ville chinoise de Wuhan. En représailles, la Chine a déjà sanctionné le bœuf (importations suspendues), les céréales (droits de douane prohibitifs), le vin (enquêtes commerciales) et le charbon. Or, sur les 18,9 Md$ d’achats de charbon en 2019, près la moitié provient d'Australie. 

Les conséquences de cette brouille diplomatique sont devenues ubuesques. D’après la société spécialisée dans les données sur les matières premières Kpler et l’agence d’informations économiques et financières Bloomberg, entre 53 et 66 capesize et panamax attendent, depuis des semaines, au large des ports de vrac Jingtan et Caofedian au nord-est de la Chine, faute de pouvoir décharger leurs cargaisons dont la valeur est estimée à 500 M$.

La Russie est l'un des grands pays gagnants de l'interdiction du charbon australien. Au cours des dix premiers mois de l'année, ses importations maritimes vers la Chine ont bondi de 40 % par rapport à l’an dernier. Mais selon certains courtiers, le géant européen n’a pas la capacité de se substituer au tonnage australien. La Chine pourrait donc être contrainte de s’approvisionner au Canada et aux États-Unis, ce qui en soi représenterait également un allongement des routes maritimes. 

Des situation contrastées selon les catégories de navires 

Selon les données du Baltic Exchange, indicateur du prix du transport des principales matières premières sur 23 routes maritimes, les taux moyens d'affrètement à temps des plus grands vraquiers voisinent actuellement les 12 000 $/j, un niveau bas. 

Sans compenser les pertes du premier semestre, les revenus moyens du marché spot des panamax, supramax et handysize ne sont jamais tombés en dessus de la ligne de flottaison qu’est leur seuil de rentabilité (coûts d'exploitation et de financement). Les capesize ont en revanche enregistré de grandes fluctuations de taux et ont navigué, à certains moments de l’année, sans couvrir leurs charges d’exploitation.

Livraisons massives

Quant à l’équilibre entre l’offre et la demande, indicateur fondamental dans le transport maritime, les analystes ne semblent pas avoir accès aux mêmes données. Il y a à peine quinze jours, MSI estimait que le carnet de commandes des vraquiers (petits tonnages) était à son plus bas niveau depuis avril 2004, avec 59,2 Mtpl à la fin octobre, soit l'équivalent de 6,6 % de la flotte mondiale. Seuls 12 navires ont été commandés en octobre, contre 26 nouvelles commandes au cours du même mois de l'année dernière. 

Dans sa dernière publication, le Bimco indiquait au contraire que « le marché va connaître cette année le plus grand afflux de nouveaux navires au cours des quatre dernières années. » Jusqu'en novembre, les chantiers navals ont ainsi livré l’équivalent de 42,2 tpl. 

L'association, qui représente les armateurs de tous les segments de marché, s'attend à ce que la livraison de nouveaux navires atteigne cette année le niveau le plus élevé depuis 2016. Parallèlement, près de 12,5 Mtpl ont été retirés du marché. La croissance nette du tonnage devrait donc se stabiliser à un peu moins de 4 %. Plus de la moitié des navires envoyés à la casse sont parmi les plus grands : 24 VLOC pour une capacité totale de 6,7 Mtpl. 

Semaine fructueuse pour le marché de l’occasion

Pour l’expliquer, le Bimco fournit quelques arguments.  « Ce qui est livré cette année a fait l'objet de contrats signés entre 2017 et 2019, et ce dans un marché où tous les chantiers navals ont commencé à enregistrer moins de commandes. Ils ont été signés avec des conditions financières laissant à l’armateur le soin de régler à la livraison », explique Peter Sand, l’économiste du Bimco. Or, les chantiers n’ayant reçu que peu de commandes cette année et pour lesquels les armateurs n'ont eu à payer que 10 à 20 % de la valeur du contrat à la signature, « ils ont accéléré les livraisons pour empocher les montants dus. D’où les livraisons en nombre ». Le Bimco estime que le carnet de commandes s'élève actuellement à près de 50 millions de tpl, dont la moitié sera livrée en 2021.  

La semaine dernière, le marché de l’achat et vente a également connu une semaine fructueuse, avec un grand nombre de navires qui ont changé de mains dans tous les segments de taille et quel que soit l’âge.

Adeline Descamps  

 
 

 

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