Le secteur de la croisière prend 13 engagements devant l'État français

Organisé par le Club de la croisière Marseille Provence, le Comité marseillais des Armateurs de France, l’UMF Marseille Fos et en partenariat avec le port de Marseille Fos, le « Blue maritime Summit », qui s’est tenu le 20 octobre, trois ans après la première édition, a élargi sa sphère d’influence et embarqué la quasi-totalité des compagnies de croisière fréquentant les eaux de la Méditerranée française dans un contrat d’engagement au caractère contraignant. Il a été cosigné par le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville, et Marie-Caroline Laurent, secrétaire général de Clia Europe.

Depuis le 17 octobre 2019, date de la première édition d’un dénommé « Blue maritime Summit », il ne s’est rien passé ou si peu. Mais en une seule journée, le 20 octobre, un certain nombre d’engagements ont été pris, plusieurs conventions et chartes ont été signées et tout ou partie de la planète maritime et portuaire orbitant autour port de Marseille Fos (et au-delà) y ont assisté en témoins ou parties prenantes. Fournisseurs et distributeurs d’énergie, motoristes, équipementiers et chantiers navals, armateurs et opérateurs de terminaux, représentés par leurs plus hauts représentants, se sont pressés à Marseille pour la seconde édition de ce sommet qui oblige l’industrie maritime en général et le secteur de la croisière en particulier à faire face aux impacts environnementaux de ses activités. La Villa Méditerranée, conçue « en bord à quai » du port phocéen par l’architecte Stefano Boeri et qui loge aujourd’hui une réplique de la grotte Cosquer, avait été manifestement privatisée pour l’occasion.

Le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville, a considéré l’événement puisque son ministère y a apposé son logo. Loin d’être isolé. Parmi les élus locaux, il ne manquait financement...que le maire de Marseille, Benoît Payant, qui s’est lancé dans une croisade depuis juillet contre les « navires polluants », ne cachant pas sa cible (les paquebots), au moyen d’une pétition pour les interdire dans le port phocéen lors des pics de pollution. Un acte politique, qui clive jusque dans les rangs de sa majorité, alors que la pression sociétale contre la croisière est d’autant plus forte à Marseille qu’il s’agit de l’un des tout premiers ports millionnaires en croisiéristes en Méditerranée.

Quatre engagements pris il y a trois ans

Il y a trois ans, pour la Première, quatre grandes compagnies de croisière – MSC, Costa, RCCL et Ponant représentant 83 % des escales et 95 % des passagers dans les bassins du port de Marseille – s’étaient engagées par une « charte bleue » à recourir au branchement électrique à quai, basculer sur un carburant à 0,1 % ou équivalent pour leurs manœuvres portuaires, à réduire la vitesse à 10 nœuds dès la prise en charge par le pilotage du port, et à positionner de préférence des navires au GNL pour les escales marseillaises de façon à accompagner le développement d'une filière d'avitaillement (devenue une réalité).

La réglementation internationale plafonnant la teneur en soufre des carburants marins à 0,5 % sur toutes les mers du monde n'était, alors, pas encore entrée en vigueur. La Méditerranée ne faisait pas encore l’objet d’une zone d’émissions contrôlées (Eca) comme ce sera le cas en juillet 2025 pour les oxydes de soufre. Le MEPC 78, Comité de la protection du milieu marin, en a acté la création en juin dernier. La Grande Bleue, mer si fréquentée et si malmenée, bénéficiera alors de la même protection que la Baltique, la Manche et la mer du Nord, où depuis longtemps les navires doivent être alimentés par des carburants marins dont la teneur en soufre n’excède pas 0,1 % et les moteurs régis par des normes Tier III. Selon les études, cette seule inscription permettra de réduire de 80 % des émissions par rapport au niveau de référence fixé en 2000. 

Le terminal croisière branché en 2025

2019 avait aussi été l’année où le Grand Port maritime de Marseille Fos s’est engagé, moyennent un investissement de 20 M€, à généraliser l'alimentation électrique à quai, entre 2022 et 2025 pour le Marseille Provence cruise terminal (MPCT), le terminal de croisière, avec deux premiers postes embranchés et cinq points d’alimentation cumulant une puissance de 55 MW. À l’époque, seule la flotte de La Méridionale, et ce depuis 2017, avait fait l’investissement pour arrêter ses moteurs à quai.

Entre-temps, une épidémie a assigné à quai un nombre inédit de paquebots (la flotte actuelle est estimée à 350 unités) après que la Clia, association représentant l’industrie et une flotte de 279 navires, a décidé de se saborder en avril 2020, la pandémie se révélant dévastatrice pour les opérations. Alors que le secteur n’est pas encore complètement sorti de la nasse, les réservations reprenant encore timidement, le 20 octobre a donc mis un terme à cette longue parenthèse.

Un accord inédit, large et contraignant

Au programme, les enjeux de la qualité de l’air et les réglementations environnementales décryptés dans des tables rondes et des ateliers. Et en marge, plusieurs accords ont été annoncés. L’un implique la quasi-totalité des compagnies de croisières (avec toutes leurs marques) naviguant dans les eaux méditerranéennes françaises : Azamara, Carnival Corp. [Carnival Maritime, Costa Croisières, Aida, P&O Cruises, Princess Cruises, Holland America Line, Cunard, Seabourn, NDLR], MSC Group, Norwegian Cruise Line, Royal Caribbean International, Virgin Voyages et l’unique française, qui est aussi marseillaise, Ponant.

La document, intitulé « Charte croisière durable », est présenté comme « inédit au niveau mondial » par le champ « très large » couvert par l’accord (qualité de l’air, protection de la biodiversité, valorisation et le traitement des déchets et des eaux usées, mesures en cas de pics de pollution), son périmètre (façade maritime méditerranéenne française), son pragmatisme (harmonisation des chartes existantes) et le caractère volontaire de ceux qui s’engagent dans cet accord dit « contraignant », anticipant sur les réglementations futures.

93 % des paquebots construits dans des chantiers navals européens

Construit autour de 13 engagements (cf.plus bas), il a été cosigné par Hervé Berville et Marie-Caroline Laurent, secrétaire général de CLIA Europe. « Les efforts des armateurs vont participer à l’atteinte des objectifs environnementaux en Méditerranée. Cette collaboration, qui constitue une étape vers le navire zéro émission, contribuera par ailleurs à la compétitivité de nos chantiers navals », a déclaré habilement le porte-parole du gouvernement, Hervé Berville, qui compte s’appuyer sur le chapelet de mesures pour anticiper la mise en place de la zone Seca. 

Plus de 90 % des paquebots (93 %) sont en effet construits dans des chantiers navals européens et représentent 80 % de la valeur des carnets de commande tandis que 10 Md€ d’investissements sont prévus sur les cinq prochaines années en France, selon les données du secrétariat d’État à la mer.

GNL et branchement électrique à quai

Pour l’heure, onze paquebots carburent au GNL et il y en aura 23 de plus dans les quatre ans à venir, soit la moitié des navires actuellement commandés, a indiqué la porte-parole de la CLIA en Europe. « L’industrie a conscience que le GNL ne peut être qu’une étape vers les carburants complétement décarbonés. Le biogaz et le e-fuel sont des options à moyen terme avec l’hydrogène utilisé sous forme de piles à combustibles, complétées par des solutions chimiques », explique-t-elle. Par ailleurs, assure Marie-Caroline Laurent , 40 % des 279 paquebots qui composent la flotte des membres de l’organisation, sont équipés pour le branchement électrique à quai. « Pour nous, ce n’est plus un sujet si tant est que les ports en soient équipés ».

Et que question de la répartition des investissements entre l’autorité portuaire et l’exploitant du terminal soit clarifiée. Cela semblait l’être aux Assises Ports du futur pour Lamia Kerdjoudj, secrétaire général de la Feport, l’organisation européenne qui représente les intérêts de quelque 1 225 opérateurs portuaires privés : « Non, il ne revient pas aux opérateurs de terminaux d’investir en lieu et place des établissements portuaires », a-t-elle tranché.

Selon Marie-Caroline Laurent, une vingtaine de ports de croisière sont équipés au niveau mondial. « Si cette solution nous permet d’abattre 10 % de nos émissions, pour le port, en revanche, c’est 80 % », rappelle-t-elle. « On a en revanche besoin d’un cadre clair et sécurisé pour investir ». Ainsi, pour elle, cette charte signée avec l’État est un « signal structurant qui reconnait et accompagne les efforts existants » mais qui cautionne aussi « les besoins d’investissement dans des carburants et technologies durables »

Adeline Descamps

Les treize engagements contenus dans la Charte croisière durable

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