Le vrac sec, subordonné à l’état de santé de la Chine, n’est pas au top de sa forme après avoir vécu, comme le conteneur, mais sur une durée plus courte, une période d’euphorie. Mais pour certains, il continue d’exercer un certain attrait. L’armateur grec, Danaos, parmi les tout premiers propriétaires mondiaux de navires, vient d’acquérir une participation de près de 10 % (9,99 %) dans le capital de l’exploitant de vraquiers basé aux États-Unis, Eagle Bulk.
D’après les documents versés à la Securities and Exchange Commission (SEC) du marché boursier américain où est coté Eagle Bulk, la société grecque aurait acquis 1,3 million d'actions pour un peu plus de 60 M$.
La valorisation boursière d’Eagle Bulk, qui exploite une flotte de 52 supramax et ultramax, est estimée à 621 M$, deux fois moins quasiment que celle de Danaos.
Deuxième propriétaire de porte-conteneurs à se positionner sur le vrac sec
En investissant le vrac sec, le propriétaire de 68 porte-conteneurs de 2 200 à 13 100 EVP – qui, avec ses huit navires en commande disposera d’une capacité de près de 480 000 EVP –, marche sur les pas de son homologue et compatriote Costamare.
L'autre grand du secteur vient de créer Costamare Bulkers et prévoit d’investir dans le segment jusqu'à 200 M$. L’entreprise a déjà signé des contrats d'affrètement pour 51 vraquiers, dont 39 ont déjà été livrés, indique son rapport financier.
Les revenus maigrelets des opérateurs n’effraient pas. Pourtant, le résultat net d'Eagle Bulk s'est élevé à 3,2 M$ au cours du premier trimestre, contre 53 M$ un an plus tôt. « Nous pensons que le premier trimestre représentera le point le plus bas pour les taux de fret en 2023 », a précisé Gary Vogel, le PDG d'Eagle Bulk, dans le communiqué de presse accompagnant ses résultats financiers du premier trimestre.
Un marché résilient
Le marché de l’affrètement, lui, résiste encore bien à la conjoncture, en raison de l'offre très limitée de navires disponibles et de l'impact de la réduction de la vitesse.
Et tout comme les armateurs, les propriétaires de navires ont amassé ces deux dernières années un petit trésor de guerre d’autant qu’ils ont négocié des contrats à des taux de fret élevés (jusqu’à six chiffres au pic de la crise) et pour des durées plus longues, ce qui permet de disposer d’un trésorerie confortable pour passer le gros temps.
Danaos a encaissé 1,8 Md$ en deux ans
Danaos, qui dispose de 730,8 M$ de liquidités au 31 mars 2023, a ainsi encaissé un bénéfice net de 1,8 Md$ entre 2020 et 2022.
Le bénéfice net de 146,2 M$ pour le premier trimestre de l'année est en forte baisse par rapport à la même période de l'année précédente (331,5 M$). Mais il avait été gonflé au premier trimestre 2022 par le dividende tiré de ses titres dans ZIM dont il était actionnaire (la société s’est retiré depuis). Nonobstant cet élément exceptionnel, les revenus d'exploitation ont encore augmenté de 6 % au premier trimestre pour atteindre 243,6 M$.
Danaos a enregistré 380,7 M$ de revenus contractuels au cours des trois derniers mois, dont 262 M$ liés à des affrètements de trois ans pour six nouveaux navires qui seront livrés au cours du deuxième semestre de 2024.
À l’occasion de la présentation de ses résultats, la société a indiqué que sa flotte était louée à 97,3 % pour cette année et à 73,2 % en 2024 moyennant une durée moyenne d'affrètement de 3,2 ans.
Une demande de transport faible
Sur le marché du vrac sec, la demande reste faible caractérisée par une activité minimale et des taux en baisse. Les conditions sont moroses sur les deux bassins, pacifique et atlantique.
Sur certains segments de navires, un frémissement est toutefois perceptible, indique le Batlic exchange, notamment pour les panamax, où une hausse régulière des taux de fret s’observe après des semaines de chute. Les céréales animent le marché en Atlantique tandis que la demande de charbon indonésien a semblé être le principal moteur pour le Pacifique ces derniers jours.
Le marché des ultramax et supramax est aussi gagné par un changement de sentiment en lien avec une demande asiatique mais qui reste fragile et erratique. Les handysize continuent d’être sanctionnés par une faible demande dans les deux bassins avec des tarifs d'affrètement très bas.
En attendant la reprise de l'économie chinoise
Les opérateurs de vraquiers ont les regards tournés vers la Chine. La semaine dernière, la banque centrale chinoise a abaissé son taux directeur à court terme, pour la première fois en 10 mois, pour aider l'activité de la deuxième économie mondiale dans un contexte d'essoufflement de la reprise post-Covid.
Mais de nombreuses données économiques pour le mois de mai laissent les investisseurs inquiets quant à la santé économique réelle du pays
Les ventes au détail, qui avaient été le point positif de l'économie chinoise au premier trimestre, ont augmenté de 12,7 %, manquant les prévisions de croissance de 13,6 % et s'affichant en baisse par rapport aux 18,4 % enregistrés en avril.
La production industrielle, qui a augmenté de 3,5 % en mai par rapport à l'année précédente, est en retrait par rapport à la hausse de 5,6 % constatée en avril.
Les exportations chinoises se sont contractées pour la première fois depuis trois mois.
« Pour parler franchement, la reprise après la levée des restrictions sanitaires à la fin de l'année dernière n'est pas à la hauteur », a résumé un analyste de PVM Energy.
Adeline Descamps