Le canal de Panama ne vient toujours pas à bout de la sécheresse qui contribue à l’évaporation des deux lacs artificiels, dont dépend l'alimentation en eau de ses écluses – celui d'Alajuela (qui menace la pêche) et du Gatun (trafic maritime) –, et dont la baisse de niveau est toujours plus inquiétante.
Après plusieurs restrictions annoncées depuis le début de la saison sèche, l'Autorité du canal de Panama (ACP) est à nouveau contrainte de contingenter les accès aux navires, imposant aux néo-panamax (jusqu’à 14 à 15 000 EVP, 19 à 20 rangées de conteneurs) une limite en tirant d’eau.
Passages et tirant d'eau limités, surtaxes assurées
Depuis août, le passage des navires est circonscrit à une moyenne de 32 navires par jour avec ou sans réservations (10 par les nouvelles écluses néo-panamax, et 22 navires dans les anciennes) contre 36 à 40 par jour en temps ordinaires.
Le tirant d’eau à 13,3 m pour les écluses récentes et 12,06 m pour les anciennes, qui avait été annoncé préalablement, avait alors été reconduit et devrait rester en vigueur pendant les 10 prochains mois.
Des mesures à durée prolongée
À partir du 1er novembre, le nombre de transits journaliers sera réduit d'une unité, neuf par les écluses néo-panamax, réservées aux grands navires (des porte-conteneurs jusqu’à 14 à 15 000 EVP ou des méthaniers), et 22 par les plus vieilles, que seules les unités de 294,1 m de longueur hors-tout et de 32,3 m de large avec un tirant d'eau de 12 m, peuvent franchir.
L’ensemble des mesures annoncées « resteront très probablement en vigueur tout au long de la saison sèche 2024 », indique l'ACP.
Jusqu’à présent, les autorités panaméennes avaient plutôt maintenu la jauge de passages pour ses premiers clients, les méthaniers et porte-conteneurs. Mais en bornant le tirant d’eau, elles contraignent ces derniers à se délester de boîtes avant de passer et de les transborder par le rail.
Ce qui suppose un nombre de traversées supplémentaires pour transporter la même quantité de marchandises. Une situation qui peut « arranger » les transporteurs de conteneurs rattrapés par une surcapacité aiguë mais déranger les exploitants de méthaniers à l'approche des frimas.
Bien d’autres navires ont préféré emprunter des voies alternatives plus longues et plus coûteuses, par le cap Horn, à la pointe de l'Argentine, ou par le Cap de Bonne Espérance, contournant l'Afrique du Sud.
Système de réservations revu
En outre, des changements seront apportés au système de réservation, introduisant la condition d'exploitation 5, qui restreint à 30 le nombre de réservations dont huit dans les nouvelles écluses.
La condition 3, qui avait été préalablement actionnée, restera en vigueur du 4 au 31 octobre, régulant à 14 leur nombre contre 23 en temps normal dans les vieilles écluses. Une mesure, qui permet de gérer les files d'attente et de s'assurer que les navires, qui n'ont pas été réservés, puissent transiter dans des délais raisonnables.
Le dispositif a plutôt bien fonctionné jusqu'à présent. Il y a actuellement, selon l’ACP, 93 navires en attente aux deux extrémités de la voie navigable dont 81 panamax et 12 néo-panamax contre 97 en septembre 2022 (dont 26 néo-panamax). Il y en avait 162 le 8 août avec un temps de transit moyen s'élevant à une dizaine de jours contre trois à la même période de l'an dernier.
En revanche, compte tenu de la nouvelle limite de tirant d’eau, la surtaxe pour l'eau douce, redevance s'appliquant à tous les navires de plus de 38 m de long, a été revue à la baisse depuis le 1er octobre
200 M$ de recettes en moins
La restriction du nombre de transits intervient alors que le canal de Panama pourrait connaître une augmentation du nombre de méthaniers à l'approche des mois d'hiver pour des pays importateurs comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud et désormais l'Union européenne.
Les paquebots, qui étaient en pause saisonnière, reviennent aussi en Amérique du Nord pendant les mois d'hiver en passant par le canal en octobre et novembre.
Dans sa note sur l'année fiscale, l'Autorité du canal de Panama projette des recettes amputées de 200 M$ au cours de l'année fiscale qui a commencé le 1er octobre, mais elle note que le nombre de passages reste élevé.
La moindre restriction n’est pas neutre. La voie interocéanique de 80 km de long voit passer chaque année 3,5 % du trafic maritime mondial, soit 14 239 navires en 2022 (518 Mt), apportant plus de 3 Md$ au budget panaméen. Il est estimé qu'entre un tiers et la moitié du trafic de conteneurs américain, dont la valeur est estimée à 70 Md$, transitent chaque année par ce choke point.
Adeline Descamps
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