Le fuel lourd interdit de séjour en Arctique ?

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En dépit de l’opposition de la Clean Arctic Alliance, qui s’était bruyamment exprimée en amont du MEPC 76, le projet d’amendement à l’annexe I de MARPOL sur l’emploi du fuel lourd en Arctique a été approuvé en l’état. L’ONG ne désarme pas pour autant. 

Le HFO interdit de séjour dans l’Arctique en 2024 ? Non, pas vraiment. En mars, les États membres s’étaient mis d’accord à l’OMI sur des projets d’amendements de l’annexe I de MARPOL visant à interdire l’utilisation et le transport de fioul lourd (HFO) par les navires dans les eaux arctiques à partir du 1er juillet 2024. Ces textes devaient être soumis au Comité de la protection du milieu marin (MEPC 76) en vue de leur approbation pour ensuite être adoptés au MEPC 77 au printemps 2021. Excepté les unités de services qui sont de facto exemptées, les navires qui répondent à certaines normes de construction (double coque notamment) devront se conformer à ces normes à partir du 1er juillet 2029.

La séquence avait fait vivement réagir la Clean arctic alliance, une coalition de 18 ONG, déplorant les « failles du règlement » (les exemptions) alors que « l’OMI travaille déjà sur cette question depuis neuf ans ». L’ONG estime notamment que ce laxisme a permis, entre 2015 et 2017, une croissance de 30 % du nombre de navires transportant du fioul lourd.

Interdiction qui n’a que le nom

« Le réchauffement climatique ayant déjà des répercussions importantes dans la région arctique en permettant un trafic maritime accru, les États membres de l’OMI doivent adopter une position plus ambitieuse dès cette année, en débarrassant l’Arctique du HFO dès 2024 », avait réagi Sian Prior, un des conseillers de l’association.

Plus récemment, fin septembre, à l’occasion d’un webinaire organisé par la Clean arctic alliance, Dave Walsh, porte-parole de l’association, avait donné le ton : « si le projet de règlement est adopté dans sa version actuelle par l’OMI, le terme d'interdiction sera usurpé ». La Clean arctic alliance avait alors indiqué qu’elle ne soutiendrait pas le texte tel qu'il est actuellement rédigé et appelé les États membres de l'OMI à le modifier avant qu'il ne soit approuvé. « Il est essentiel que l'interdiction du HFO dans l'Arctique entre en vigueur rapidement, afin de fournir à l'Arctique le niveau de protection dont il a si désespérément et urgemment besoin. »

Peu de navires concernés par l’interdiction

En s’appuyant sur une étude de l’International Council on Clean Transportation, l’association considère que le projet de règlement revient à exempter et/ou accorder des dérogations à 74 % des navires alimentés au fuel lourd. « Par conséquent, seuls 30 % des navires de transport et 16 % de ceux propulsés au HFO seront réellement interdits dans le cadre de la proposition actuelle lorsque la nouvelle norme entrera en vigueur en 2024. Les trois quarts des navires sillonnant l'Arctique pourront continuer à naviguer comme si de rien n'était », font-ils valoir.

Le MEPC 75, qui s'est tenu du 16 au 20 novembre, a néanmoins validé la mouture initiale. Plus précisément, en vertu de la nouvelle réglementation, cinq États côtiers de l'Arctique – la Russie, la Norvège, le Danemark, le Canada et les États-Unis – auront la possibilité d'accorder des dérogations aux navires battant leur propre pavillon lorsqu'ils opèrent dans leurs propres eaux.

Système à deux niveaux

L'alliance craint un système à deux niveaux d'application et de protection de l'environnement dans l'Arctique, « car le règlement n'est pas neutre du point de vue du pavillon et a des conséquences négatives sur l'environnement dans les mers territoriales et les zones économiques exclusives de l'Arctique. »

« En conséquence, l'utilisation du fuel lourd dans l'Arctique va probablement continuer à augmenter jusqu'à ce que l'interdiction prenne pleinement effet en 2029. Non seulement l'interdiction ne protège pas suffisamment l'Arctique, mais elle contribue en fait à une plus grande exposition aux risques associés à l’emploi de ce carburant », a commenté l’ONG.

La Clean arctic alliance réitère ses appels auprès des États membres de l'OMI, espérant un durcissement des interdictions avant son adoption officielle l'année prochaine tout en les invitant à s’inspirer de l’initiative de la Norvège, qui a récemment décidé de proscrire la haute teneur en soufre dans les eaux encadrant le Svalbard, archipel de la Norvège situé dans l'océan Arctique, à l'ouest du Groenland.

Adeline Descamps

 

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