Troisième ajustement de services pour Brittany Ferries en quelques jours. La compagnie bretonne a publié ce 17 mars de nouveaux aménagements dans ses lignes et les horaires. Ils suivent en cela les décisions prises successivement par les États européens de fermer, pour une période initiale de 30 jours, les frontières extérieures de l’espace Schengen pour les passagers. Sans passagers, les lignes régulières sont progressivement suspendues. Brittany Ferries cesse cette fois sa rotation Caen-Portsmouth avec le Normandie qui est momentanément (au moins jusqu’au 9 avril) condamnée (fret + passagers) avec un dernier départ le 19 mars au départ de Portsmouth. Le Connemara effectuera également son dernier trajet entre Portsmouth et Bilbao le 18 mars. Le Connemara ne chargera plus que du fret et est repositionné sur une ligne entre Cherbourg et Portsmouth à partir du 20 mars. Le Mont Saint-Michel actera son dernier départ avec des passagers de Portsmouth vers Caen le 19 mars. Ensuite, seul le fret sera embarqué sur Mont Saint-Michel. Le Cap Finistère partira une dernière fois avec des passagers le 21 mars de Santander. Il sera ensuite dédié au transport de marchandises.
La compagnie indique que désormais, « les passagers et les conducteurs de fret seront priés de rester dans leur cabine » et que les passagers doivent attester du caractère indispensable du voyage. Jusqu’à présent, Brittany a suspendu une petite dizaine de lignes.
DFDS, nombre de passagers réduits
La compagnie danoise DFDS, qui a cessé ses traversées entre Copenhague et Oslo depuis le 14 mars, a également annoncé ce 17 mars réduire la voilure. Pour les routes Dieppe-Newhaven, Calais-Douvres et Dunkerque-Douvres, le nombre de passagers autorisés sera réduit de 50 % jusqu’au 6 avril 2020 a minima. En ce qui concerne le transport de fret, le spécialiste européen du short sea continuera à assurer les traversées « à la fréquence et la capacité nécessaires afin que les biens vitaux puissent être acheminés aux magasins et entreprises », indique la compagnie, qui a décidé à ne pas procéder à des changements d'équipage en raison du coronavirus.
Le Danemark, qui fait partie des pays qui ont décidé de fermer leurs frontières, a rapidement instauré un système temporaire de compensation salariale pour aider les compagnies à couvrir les coûts des impacts sociaux. Les compagnies, dont l’activité est paralysée par l’épidémie, peuvent recevoir un remboursement allant jusqu'à 75 % des salaires des personnels inemployés pendant trois mois, du 9 mars au 9 juin.
Plus Stena, la descente est brutale. L’armateur suédois a annoncé 950 suppressions de postes. « En raison de la situation actuelle, nous n'avons pas d'autre choix que d'ajuster nos opérations et nos coûts pour limiter la baisse de la demande et assurer la continuité de nos opérations de fret », a déclaré Niclas Mårtensson, PDG de Stena Line. Les postes visés par les suppressions concernent neuf navires battant pavillon suédois ainsi que dans deux sociétés filiales, Stena Line Travel Group et Retail & Food Services.
P&O, activités maintenues
Pour l'instant, du moins, P&O Ferries maintient ses services, soulignant que ses navires transportent chaque semaine quelque 44 000 pièces de fret entre le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Europe, considérées comme des biens essentiels et vitaux (selon la définition européenne). Pour éviter la propagation du virus, la compagnie indique par ailleurs que ses navires sont désormais équipés d’une climatisation 100 % naturelle et qu’elle applique strictement les consignes de précaution sanitaire. À bord des navires, les équipes sont organisées de façon à assurer les quarts de jour et de nuit tandis qu’à terre les employés sont en télétravail, quand cela est possible. Un tiers seulement du personnel travaillent actuellement dans les bureaux, a déclaré la PDG Janette Bell dans un communiqué.
L’UE en approche coordonnée
Les compagnies s’adaptent ainsi aux dernières décisions des différents pays qu’ils desservent. La Commission a appelé le 17 mars à une restriction temporaire des voyages non essentiels à destination de l’UE. La présidente Von der Leyen en a informé les partenaires du G7 lors d’une visioconférence, qui s’est tenue le 16 mars : « L’interdiction devrait être en place pour une durée initiale de 30 jours, qui peut être prolongée si nécessaire. Des dérogations sont proposées pour notamment les résidents de longue durée dans l’UE, les membres de la famille des citoyens européens, et les diplomates. Le personnel essentiel, comme les médecins, les infirmières, les travailleurs de soins de santé, les chercheurs et experts qui aident à faire face au coronavirus, ainsi que les personnes transportant des marchandises et les travailleurs frontaliers pourront également continuer à être autorisés à entrer dans l’UE. »
Bruxelles invite en outre les chefs d’État ou de gouvernement à adopter une approche coordonnée, en accord avec les pays de l’espace Schengen non-membres de l’UE, « afin d’atténuer les effets socio-économiques négatifs » de la crise sanitaire. Au menu : assouplir les régimes d’aides d’État et les cadres budgétaires pour permettre aux États membres d’instaurer des régimes de subventions directes (ou d’avantages fiscaux), d’accorder des garanties d’État subventionnées sur des prêts bancaires ainsi que des prêts publics et privés à taux d’intérêt bonifiés.
La France, dans la récession
La France va plonger dans la récession cette année, n’a pas caché Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, à l’issue de l’intervention du président de la République annonçant le confinement. Le PIB du pays devrait reculer de 1 % en 2020 alors que la croissance était attendue de 1,3 %. Le gouvernement, qui craint une avalanche de faillites, a sorti des tiroirs quelque 45 Md€, dont 32 milliards valorisés en reports ou annulations de charges sociales et fiscales, déjà en place depuis plusieurs jours. Les seules dispositions de chômage partiel pour les salariés contraints de cesser de travailler devraient se solder par une facture de 8,5 Md€ sur deux mois.
L’UE a également édictée les lignes directrices relatives au maintien de la disponibilité des biens et des services essentiels, à la libre circulation de toutes les marchandises et aux contrôles aux frontières. Bruxelles rappelle notamment que la priorité doit être donnée « aux services de transport d’urgence, au moyen par exemple de voies réservées », tandis que les mesures de contrôle ne doivent pas compromettre la continuité de l’activité économique et la circulation des employés du secteur des transports doit être assurée aux frontières extérieures et intérieures.
Adeline Descamps