Maintenant que le Conseil de l’UE a statué sur le plan Climat Énergie, les négociations vont pouvoir démarrer avec le Parlement européen, dont les membres avaient fini, et non sans âpres négociations, par se mettre d’accord sur une version finale il y a quelques jours.
Les derniers conseils, sous la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), des ministres de l’Énergie, de l’Environnement et des Affaires économiques et financières se sont tenus les 27 et le 28 juin à Luxembourg. Ils ont permis aux États membres – à l’issue de négociations marathon de 16 heures – d’adopter une position commune (appelée « orientation générale) sur la feuille de route climatique européenne « Fit for 55 » présentée par la Commission européenne le 14 juillet 2021. Cet arsenal législatif de 13 propositions, dont plusieurs concernent le transport maritime, vise une réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et la neutralité climatique en 2050.
Cette phase, où les deux co-législateurs devaient de part et d’autre se mettre d’accord sur un texte final, a pour l’heure arrêté des positions mais il ne s’agit aucunement de décisions finales. Les négociations vont désormais démarrer en trilogue – entre la Commission, le Parlement et le Conseil –, la Commission ambitionnant de conclure les négociations d’ici à la fin de l’année pour que les textes issus des compromis deviennent des actes législatifs applicables à tous les États membres d’ici 2024.
Consensus général
Au cœur des discussions pour ce qui concerne le shipping, l’intégration dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS en anglais ou SCEQE en français), qui ne concerne jusqu’à présent que des industries fortement polluantes (aciéries, cimenteries). Dans une déclaration faite à 2h50 du matin, les États européens ont donc validé, sans surprise l’intégration du transport maritime.
Les émissions prises en compte dans ce dispositif graduel (à compter de 2023 et jusqu’en 2026) concerneraient tous les voyages opérés entre les ports européens (pour les navires de 5 000 GT) et 50 % de ceux exploités entre un port européen et un autre d’un tiers État dans un premier temps avant de concerner l’intégralité des parcours.
Mais l’idée de faire payer le transport maritime pour sa pollution – principe clef de ce système qui gage sur l’effet incitatif à moins polluer – faisait consensus. Le secteur lui-même ne le conteste pas même s’il aurait préféré que ce marché se décide et s’arbitre au niveau international au sein de l’OMI de façon à éviter une superposition de normes réglementaires et les effets de bord, notamment en terme de compétitivité.
Des compensations
Étant donné que les États membres fortement tributaires du transport maritime seront par nature plus affectés, le Conseil est convenu de redistribuer 3,5 % du plafond des quotas mis aux enchères à ses membres plus fragilisés. En outre, l'orientation générale tient compte des spécificités géographiques et propose « des mesures transitoires pour les petites îles, la navigation hivernale et les trajets sous obligation de service public ».
Aussi, les émissions autres que le CO2 seront intégrés dans le MRV (système de surveillance, de déclaration et de vérification) à partir de 2024 tandis qu’une clause de révision a été ajoutée pour leur inclusion ultérieurement dans le SCEQE. Pour rappel, depuis le 1er janvier 2018, les propriétaires de navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 sont tenus de renseigner les émissions de CO2 de leurs navires, par voyage et sur une base annuelle.
Fonds de décarbonation ?
En revanche, dans la déclaration finale, il n’est nullement question de la création d’un fonds visant à financer la décarbonation du secteur. Les eurodéputés ont voté la semaine dernière en faveur d’un dispositif abondé à 75 % par les allocations générés par l’ETS afin de compenser en partie l’écart de compétitivité entre les carburants conventionnels et les alternatives décarbonées qui restent à développer car elles n’existent pas à ce jour à l’échelle. La neutralité climatique dans le transport maritime ne se concrétisera pas sans une rupture technologique dans les systèmes de propulsion, les carburants, les infrastructures d’avitaillement... Aucune des énergies dites à émissions nulles n’existe actuellement sur étagères. Que ce soit l’hydrogène, le méthanol, l’ammoniac, qui emportent tous les suffrages, elles nécessitent beaucoup d’efforts financiers et de developpement avant de pouvoir les hisser à un stade industriel.
Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et la création des deux Fonds d’innovation et de modernisation faisaient partie des sujets les plus délicats à aborder. Ils ne concernent le transport maritime qu’à la marge. Le Conseil a confirmé la proposition de mettre fin aux quotas gratuits initialement alloués aux entreprises de certains secteurs pour ne pas les défavoriser par rapport aux importations venant de pays tiers. En échange, une taxe carbone aux frontières de l’UE [MACF pour mécanisme d'ajustement carbone aux frontières] prévoit d’appliquer le même prix du CO2 aux importations de biens produits hors UE.
Les ministres européens prônent à ce propos une application progressive sur une période de dix ans, entre 2026 et 2035 (le consensus trouvé au Parlement crante le début de l'application en 2027). Cependant, le Conseil a accepté une réduction plus lente au début et un taux de réduction accéléré à la fin de cette période de 10 ans. L'accompagnement de la décarbonation de ces secteurs sera possible via le Fonds d'innovation. Quant au Fonds de modernisation, les projets de gaz naturel ne seront en principe pas éligibles mais une mesure transitoire permet aux bénéficiaires du Fonds de continuer à financer des projets de gaz naturel sous certaines conditions.
Adeline Descamps
Les 13 propositions du paquet Fit for 55 qui ont fait l’objet de négociations
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