Le canal de Panama s'offre un record pour son retour à un fonctionnement quasi-normal

MSC Marie

 L’Ever Max, un porte-conteneurs de 17 312 EVP, n'est plus le plus grand navire à avoir traversé l'isthme centraméricain. Il a été détrôné le 30 août par le MSC Marie et ses 17 640 EVP.

Crédit photo ©ACP
Le gestionnaire du canal de Panama peut enfin changer de registre de communication en annonçant un record de capacité avec la traversée du MSC Marie et ses 17 640 EVP. Depuis de longs mois, il n’a pris la parole que pour émettre des restrictions de passages et de tirant d'eau, engendrant contraintes, perturbations et congestions. Son problème demeure : trouver de nouvelles sources d'eau.  

Tout un symbole. Alors que le gestionnaire du canal de Panama lève progressivement les barrières en termes de jauge émises depuis de long mois pour ne pas aggraver son déficit hydrique, il annonce à grands renforts de communication un record de capacité franchi le 30 août.

En provenance du port mexicain de Manzanillo, le MSC Marie, un porte-conteneur de construction récente de 17 640 EVP, long de 366 m et dont la largeur permet 51 rangées de boîtes, est devenu le premier néo-panamax de cette taille à transiter par les écluses les plus récentes (2016) de l’isthme centraméricain. Il déloge l’Ever Max, un navire de 17 312 EVP exploité par Evergreen, qui avait raflé le titre lors de son passage inaugural en août 2023. Pour son passage record, le péage de plus de 1,3 M$ n'aura pas été pour autant offert à l'armateur italo-suisse.

Changer de code sémantique

L’administration du canal peut enfin changer de registre. Depuis de longs mois, sa situation hydrique aggravée par le phénomène météorologique de sécheresse intense El Niño, le gestionnaire de la voie navigable n’a pris la parole que pour émettre des restrictions de passages. Ce qui a engendré des perturbations non négligeables. Au pic de la congestion, jusqu’à 100 navires ont fait la queue et attendu jusqu'à 21 jours pour traverser le canal.

Sans le phénomène cyclique, qui a depuis été relayé par El Niña (se caractérisant par une augmentation des précipitations), le raccourci entre l’Asie et les États-Unis, qui permet de passer de l'océan Pacifique à la mer des Caraïbes en moins de dix heures, subit de plein fouet le réchauffement climatique.

Il s'est traduit ces dernières années par une évaporation plus marquée des deux lacs artificiels qui fournissent en eau le système de ses écluses, celui d'Alajuela (qui menace la pêche) et de Gatun (trafic maritime). Pour chaque passage, il faut déverser environ 200 millions de litres d'eau douce dans l'océan, que le canal puise dans un bassin hydrographique formé par les deux lacs.

Or sans eau, pas de navires ni devises étrangères. En 2023, les droits de passage et prestations ont rapporté 3,34 Md$ de recettes à l’État panaméen, soit 20 % de ses ressources.

Fin des limites

Après s’être engagé en février à ne plus émettre de jauges de passage au moins jusqu'en avril-mai, date du début de la saison des pluies, l'administrateur a commencé à autoriser plus de passages quotidiens depuis le 1er juin, relevant le niveau à 32 navires contre les 27 en vigueur depuis le 25 mars, seuil qui avait déjà été rehaussé par rapport aux 24 de janvier. Les pluies « divines » du dernier trimestre de l'année 2023 avaient permis de ne pas restreindre le passage à 20 navires seulement.

Alors que 35 navires sont autorisés à passer depuis le 5 août, les autorités panaméennes ont annoncé un nouvel assouplissement à compter de septembre, soit 36 passages journaliers.

Parallèlement, la saison des pluies ramenant progressivement les réservoirs à leur niveau optimal – le lac Gatun était en août à 25,91 m et Alajuela à 66,21 m –, le tirant d'eau maximal autorisé a été porté le 7 août à 49 pieds (14,94 m), contre 45 pieds en mai (13,7 m). Il aura été revu à quatre reprises. Le seuil est désormais proche de son fonctionnement normal, à 50 pieds.

En raison de ces contraintes, les grands porte-conteneurs ont dû transborder les boîtes à travers l'isthme par train tandis que les méthaniers s’en sont détournés. La congestion a par ailleurs été réduite. Selon le système de notification du canal, au 31 août, 41 navires attendaient de pouvoir transiter, dont 7 sans réservations pour un temps d'attente moyen de moins d'un jour vers le Nord (contre 23 jours en fin d'année 2023) et de 1,5 jour vers le Sud (contre 16,4 j).

La situation s’améliore mais le nombre de navires aux écluses (récentes et anciennes) s'est élevé à 8 022 (données arrêtées en juillet) pour l’année fiscale en cours (octobre 2023-september 2024) contre 10 856 pour l’année précédente.

Nouvelle grille tarifaire

Grâce à l'augmentation des créneaux de transit, le Panama prévoit d'augmenter ses recettes de près de 20 % pour l'année fiscale 2024/25, gageant sur 5,6 Md$. Fin août, l'administrateur a en tout cas présenté une nouvelle méthode d’attribution des créneaux qui entrera en vigueur en octobre pour tous les segments de marché à l'exception du GNL et du GPL. Elle comprend un ajustement des tarifs dès ce 1er septembre.

« Il s'agit d'améliorer les niveaux de service, de mieux gérer l'offre et la demande et d'optimiser les opérations. De plus, à partir du 1er janvier 2025, des ajustements aux frais, des changements dans la structure tarifaire et l'introduction de nouveaux tarifs seront mis en œuvre », est-il indiqué dans la note aux clients.

La nouvelle grille tarifaire comprend notamment des frais visant à décourager les annulations de dernière minute et à « fournir des alternatives de transit aux navires qui n'ont pas obtenu de créneau alors qu’ils sont déjà dans les eaux du canal, dans le but d'optimiser la capacité de la voie navigable et de minimiser les temps d'attente », se défend l'administrateur.

Des alternatives à Panama ?

Les déboires du canal de Panama, qui voit chaque année quelque 14 000 navires le traverser, font les affaires de ses voisins. Une ligne ferroviaire de fret transocéanique dans le sud du Mexique fait partie des projets de développement économique emblématiques du président Andres Manuel Lopez Obrador, tandis qu'en Colombie, un corridor terrestre reliant les océans Atlantique et le Pacifique est débattu depuis des années.

Mais à ce stade, l’ennemi public numéro un du canal reste l’eau. Le conseil d'administration de l’ACP (Autorité du canal de Panama) a présenté en septembre 2023 une proposition au gouvernement qui pose deux options. La première consiste à définir le bassin versant du canal et de modifier ou d'étendre les limites établies par une loi de 2006. La seconde demande est d'éliminer les restrictions imposées au canal pour la construction d'un nouveau réservoir.

Dans une dernière mise à jour, il évoque désormais « l'identification de sources d'eau alternatives à partir des 51 bassins versants et lacs du Panama ainsi que des projets qui peuvent augmenter la capacité de stockage ».

En attendant, l’administrateur n’a d’autres choix que la sobriété pour ne pas épuiser ses réserves et l’optimisation de son stockage.

Adeline Descamps

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