Des pluies tropicales divines se sont abattues sur Panama alors que l’autorité du canal (ACP) s’apprêtait à étendre ses restrictions de tirant d’eau à l’encontre des plus grands navires en raison de la sécheresse qui sévit le long de la côte Pacifique dont est en partie responsable El Niño.
Le gestionnaire de l'isthme interocéanique avait annoncé la semaine dernière restreindre le passage des néo-panamax – les 14 000 EVP qui peuvent transiter par les nouvelles écluses mises en service en 2016 –, à 13,3 m, imposant des contraintes de poids. Une mesure prévue pour entrer en vigueur le 19 juillet.
Les panamax, qui eux ne peuvent passer que par les anciennes écluses, devaient également être soumis à des règles plus strictes dès le 9 juillet.
La sécheresse, cet ennemi
In fine, l’autorité du canal ajourne pour l'heure ces mesures. Les pluies devraient déverser entre 70 mm et 80 mm de précipitations dans le bassin du canal de Panama au cours des 72 prochaines heures, selon le service météorologique du pays.
Plus que Suez, le principal ennemi de Panama est la sécheresse. Le déficit hydrique fait baisser chaque année le niveau d’eau dans les lacs qui alimentent le canal.
Le gestionnaire annonce de façon chronique des restrictions de passage et des surtaxes. Une mesure qui n’est pas neutre. L’infrastructure de 80 km de long, qui fait la jonction entre l'Atlantique et le Pacifique, voit passer chaque année 3,5 % du trafic maritime mondial, soit 14 239 navires en 2022 (518 Mt), apportant plus de 3 Md$ au budget panaméen.
Evaporation du Lac Gatún
Le changement climatique à Panama se traduit par une évaporation plus marquée du lac Gatún, qui fournit en eau le système d'écluses, et par une baisse de 2,40 m de son niveau.
Pour disposer des volumes d'eau nécessaires, des lacs immenses et artificiels, aménagés lors de la construction du canal, font office de réserve.
Or, chaque passage de navire dans les écluses les plus anciennes nécessite 190 000 m3 d'eau douce. Et 35 navires en moyenne empruntent chaque jour le canal. Les nouvelles écluses, conçues pour être plus économes, réutilisent une partie de ces volumes mais ont besoin d'un complément de 76 000 m3.
Effet papillon
Les pétroliers, les vraquiers et les porte-conteneurs sont les plus impactés par ces mesures chroniques.
La problématique de Panama rend actuellement plus coûteux le transport des boîtes entre l’Asie et la côte Est des États-Unis, où une partie du fret conteneurisé a basculé pour éviter les perturbations qui ont émaillé la côte ouest, d'abord les deux ans d’engorgement en raison de la pandémie puis les mouvements sociaux alors que la convention collective encadrant le travail des dockers dans une petite trentaine de ports ouest-américains était échue depuis plus d’un an.
Selon un rapport de CNBC, 40 % du trafic de conteneurs de/vers les États-Unis et 73 %, toutes marchandises confondues, transitent par le canal de Panama chaque année. Les mesures prises jusqu'à présent dans les tirants d'eau ont contraint les porte-conteneurs de décharger une partie de leurs cargaisons pour les expédier par voie ferrée. Les méthaniers, deuxième client du canal, ne sont pas concernés par ces restrictions.
Si l'autorité du canal de Panama a levé ses limites de chargement, elle aurait discrètement réduit le nombre de passages à 30 ou 32 navires par jour, indique CNBC. En principe, 34 à 36 navires transitent chaque jour par les écluses panamax.
Adeline Descamps