Les taux d'affrètement pour les navires polyvalents et les colis lourds ont dépassé les sommets enregistrés en 2008, relèvent les dernières données contenues dans le Drewry's Multipurpose Shipping Forecaster. Selon l'indice de l'affrètement à temps de Drewry (moyenne pondérée des taux d'affrètement à temps de la flotte de marchandises diverses et de colis lourds), les taux annuels moyens pour une période d'un an devraient être supérieurs en juillet de quelque 65 % à ceux de juillet 2020, de près de 50 % à ceux de juillet 2019 et dépasser leur dernier pic de 2008.
Les taux d'affrètement de la flotte de breakbulk et de heavylift ont été sévèrement sanctionnés au cours de la dernière décennie. Ces couteaux suisses des mers ont été sacrément malmenés par les porte-conteneurs qui ont siphonné leur fret pour remplir les boîtes quand le transport maritime de conteneurs était déprimé. Cette concurrence accrue a contenu les taux en fond de cale pendant la majeure partie des dix dernières années.
Crise de l’offre
Depuis quelques mois, les vieux conventionnels reprennent de l’ascendant à la faveur d’une crise de l’offre. Ils sont précieux, constituant une force majeure alors que le marché manque cruellement de navires pour répondre à l’inoxydable demande de transport qui s’exprime sur la plupart des grandes routes Est-Ouest.
Alors que le marché entre dans la seconde moitié de l'année, traditionnellement la plus forte pour le conteneur, la flotte a quasiment épuisé toutes ses ressources. Sur la base du dernier relevé d'Alphaliner, les porte-conteneurs de 12 500 EVP et plus ne comptaient que trois navires commercialement inactifs et aucun en réparation. Parmi eux, le détenu Ever Given, qui a obtenu sa sortie de prison, et deux navires fraîchement libérés des cales sèches. La flotte inactive se limitait au 5 juillet à 157 navires pour 558 291 EVP. Par rapport à la précédente enquête du spécialiste de la ligne régulière, réalisée à la mi-juin, c’est encore six unités de moins, soit 87 230 EVP de capacité.
La pénurie de tonnage rend les porte-conteneurs particulièrement onéreux. Parmi les contrats conclus dernièrement, une unité de 5 000 EVP a été fixée à 160 000 $ par jour, un navire de 2 700 EVP à 120 000 $/j, un 2 000 EVP négocié à 90 000 $/, ou encore un 1 700 EVP à 87 000 $/j. Certains de ces navires couvrent des périodes jusqu'à 12 mois. Ce sont des niveaux proches de la bulle. Et aucun indicateur n’indique un assagissement. L’indice SCFI est proche de 4 000 points, son niveau le plus élevé depuis 2009. Il ne devrait pas faiblir d’ici octobre au moins, ce qui exerce une pression supplémentaire sur l'offre déjà resserrée.
Flotte liée aux projets industriels et tertiaires
« Les contraintes de capacité dans les secteurs concurrents, dues à la pénurie des conteneurs, à la congestion des ports et à une demande refoulée pendant l’épidémie, se conjuguent pour créer une tempête parfaite pour la flotte polyvalente », indique Drewry.
L’analyste prévoit que la demande en polyvalents et en heavy lift devrait augmenter de quelque 11,5 % en 2021 par rapport à 2020, avant de ralentir à un rythme régulier de 3,5 % par an jusqu'en 2025. « Le renforcement de l'activité économique de la Chine stimule la production d'acier brut dans la région et, par conséquent, la demande de produits manufacturés et de vrac. À cela s'ajoutent les mesures de relance budgétaire et l'amélioration des conditions sanitaires aux États-Unis, qui entraînent un rebond sans précédent des dépenses de consommation et de l'activité immobilière dans ce pays. »
Dans ses nuances et réserves, le britannique ne dissone pas par rapport aux échos ambiants qui ombragent les perspectives : le très contagieux variant Delta, suffisamment menaçant pour exercer une pression à la baisse… « Cela entraîne des trajectoires de reprise de plus en plus divergentes, creusant l'écart entre les pays développés et les pays en développement, par rapport aux attentes d'avant la pandémie », résume le britannique.
Pour le secteur polyvalent, cette reprise divergente reste un maillon faible, car les besoins en marchandises diverses et en fret lourd souvent liées à des projets, sont souvent induits par la reprise de la construction et des infrastructures dans les pays en développement.
Adeline Descamps