La mobilité des marins reste un problème et la crise de la relève d’équipage s’est exacerbée tout au long de ces mois « covid » dans une sorte d’indifférence du monde terrestre et d’aveuglement des États quant aux conséquences sociales et économiques. L’association des opérateurs de vrac sec Intercargo alerte alors que certains affréteurs auraient empêché des changements d'équipage bien que l'armateur ait accepté d'assumer les coûts.
L'affréteur est-il en droit de préciser que les équipages du pays A ne seront pas acceptés à bord d'un navire affrété à temps ? Pourra-t-on établir des listes d'équipages « médicalement plus sûrs » ? Sera-t-il légitime d’interdire certains marins sous prétexte qu’ils viennent de régions du monde où la « santé est moins bien documentée » ? Voire d’insérer une clause de « non changement d'équipage » dans les chartes-parties, exigeant des propriétaires qu'ils prennent en charge les coûts associés à la relève d’équipage, devenue onéreuse du fait des protocoles sanitaires à respecter pendant la pandémie avant embarquement et après débarquement… C’est ce à quoi fait référence Intercargo, l'organisation professionnelle représentant les intérêts des opérateurs du secteur du vrac sec, dans son communiqué de colère.
La crise de la relève d’équipage n’intéresse toujours pas le plus grand monde mais les soupçons de discrimination qui pèsent sur certains affréteurs à l'encontre de marins issus de certains pays d'Asie du Sud-Est, traités comme « toxiques » pendant les 14 jours qui suivent le changement d'équipage, pourraient cette fois provoquer un sursaut de réaction. Les remontées d’informations ont en tout cas fait bondir Intercargo.
« Nous avons appris que, dans un certain nombre de cas, des affréteurs du secteur ont empêché des changements d'équipage indispensables pendant la durée de l'affrètement, bien que l'armateur ait accepté d'assumer les coûts associés, indique Intercargo. Il est décevant de constater que les affréteurs ne comprennent pas ou ne souhaitent pas assumer la responsabilité qui leur incombe dans le cadre d'un affrètement à temps ».
Des marins fort sollicités du fait du fonctionnement en tramping
L’organisation professionnelle condamne d’autant plus fermement ces pratiques qu’elle est consciente de la charge qui pèse sur les marins opérant sur des vraquiers, dont le fonctionnement en tramping génère des escales bien plus nombreuses que dans la ligne régulière par exemple. Les marins sont donc bien plus sollicités. « Ils travaillent sous pression. Ils doivent bénéficier de repos pour pouvoir exploiter un navire conformément aux instructions de voyage des affréteurs : charger et décharger la cargaison, ballaster et déballaster, laver, sécher et présenter les cales, ouvrir/fermer les panneaux d'écoutille et effectuer la multitude de tâches connexes pour assurer la sécurité de l'exploitation du navire ».
Clause de « non changement d’équipage »
En arbirtre la principale association internationale d’armateurs, le BIMCO, a élaboré une procédure qui vise à partager une partie de la charge financière générée par les transferts. Reste à savoir si elle est utilisée...
Pour Intercargo, cette question dépasse la seule responsabilité sociale de l'entreprise ou les responsabilités environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) de l'affréteur. Elle masque un manquement bien plus grave : « un manque évident d'appréciation de l'une des plus grandes crises humanitaires qui a affecté le secteur maritime ».
Les vraquiers représentent 43 % de la flotte mondiale (en tonnage) et représentent peu ou prou 55 % du transport maritime international. Les membres de l’association gèrent une flotte de 2 400 navires, soit plus de 25 % du port en lourd de la capacité mondiale.
A.D.