Deux ans après avoir lancé sa propre compagnie aérienne tout-cargo CMA CGM Air Cargo, et moins d’un an après être entré au capital d’Air France KLM, dont il est devenu le premier actionnaire privé à hauteur de 9 % avec un siège au conseil d’administration, CMA CGM concrétise l’alliance avec le transporteur aérien franco-néerlandais qu’il avait évoquée à l’occasion de sa prise de participation en mai 2022.
Air France KLM (via EVP Cargo) et le troisième armateur mondial de porte-conteneurs (avec CMA CGM Air Cargo), ont obtenu l’ensemble des autorisations réglementaires, excepté pour l’Amérique du Nord (États-Unis, Mexique, Canada), – en cours d’instruction –, la Russie, la Turquie et l'Ile Maurice.
D’une durée de dix ans, à compter de ce 1er avril, le contrat de collaboration, qui vise à commercialiser conjointement des capacités afin d'accroître leur échelle et leur rayon d’action, prend la forme d’une joint-venture commerciale, dont le statut juridique, la répartition des pouvoirs, des coûts, des investissements, des bénéfices et autres contours (demandés) sont naturellement tenus à la discrétion des deux entreprises
Une flotte de dix freighters
La coentreprise gérera une flotte de six freighters – six de CMA CGM Air Cargo (quatre A330-200F et deux 777F), tous basés à terme à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (certains des Airbus sont encore en opération à Liège avec Air Belgium) et six pour le groupe Air France (trois B747-400 de KLM, deux B777-200 d'Air France et le 747-400 converti de la néerlandaise Martinair), basés à Paris-Charles de Gaulle et à Amsterdam Schiphol.
Le partenariat commercial porte également sur les capacités en soute des avions de ligne, soit plus de 160 long-courriers.
Les deux compagnies ont par ailleurs des commandes en cours, à raison de six pour l’entreprise marseillaise (deux B777 et quatre A350F dont la livraison est attendue entre 2024 et 2026) et huit pour le transporteur aérien (dont quatre A350), mais pour ce dernier destinés notamment à renouveler la flotte actuelle. Il ne s’agit donc pas de capacités en sus comme pour CMA CGM.
Manque à gagner du marché américain
Les avions pourront toutefois être déployés de manière indépendante par les transporteurs sur des destinations ne relevant pas de leur coopération.
Ainsi Air France-KLM a l’exclusivité sur le marché américain, là où CMA CGM Air Cargo a opéré quelques mois avant de suspendre ses réservations en décembre afin de fréter ses appareils à des expressistes, notamment à DHL Express et Qatar Airways Cargo. Une décision prise en réaction à la baisse de la demande de transport dans une conjoncture saturée par des « sentiments négatifs » selon l’expression des marchés.
Gestion en fonction de la rentabilité
Cette dernière année, la division cargo du groupe de transport de logistique, petit entrant sur le marché, a géré « en fonction des besoins de nos clients et des autorisations réglementaires », rétorque la société. Et de la rentabilité, est-on tenté d’ajouter. Il est en effet plus lucratif de louer les avions à un prix forfaitaire.
Peu de temps après sa création, en mars 2021, CMA CGM Air Cargo, dirigée par Guillaume Lathelize, avait initié plusieurs routes depuis sa base de Liège vers l'aéroport O'Hare de Chicago (une fois par semaine), JFK à New York (une fois par semaine) et Atlanta (quatre fois). Le groupe avait confié la gestion de quatre de ses appareils à Air Belgium tandis que le groupe ECS avait été chargé, en tant qu'agent général de vente, de la commercialisation de sa capacité, la gestion des réservations et le traitement des expéditions pour les clients autres que Ceva Logistics, le commissionnaire « maison ».
En mai, la jeune compagnie aérienne annonçait des services combinés mer-air vers des destinations moyen-orientales : Dubaï, hub aérien entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, Beyrouth et Istanbul. Il était ensuite question de Séoul, de Hong Kong et de Shanghai.
Aujourd’hui, il est difficile de connaître dans le détail les destinations lancées, suspendues ou abandonnées. Mais de façon certaine, CMA CGM Air Cargo ne dessert plus le continent nord-américain et a frété quelques-uns de ses avions. Elle assure en revanche des vols vers Shanghai.
Virage stratégique offensif
Avec l’officialisation du pool avec Air France, le groupe marseillais imprime une nouvelle étape dans le virage stratégique particulièrement offensif entrepris pour servir son projet de logistique intégré, garant selon l’entreprise d’un service de meilleure qualité et plus fiable. Et ce faisant, de s'ouvrir le marché d’un fret de plus grande valeur (produits pharmaceutiques, denrées périssables, express, etc.), qui nécessite une prise en charge au petit point en raison de sa sensibilité.
Expérience et expertise d’Air France-KLM
Mais dans l’immédiat, le groupe marseillais se place surtout sous l'aile expérimentée d’Air France-KLM, bénéficiant de l'amplitude de son réseau (couverture, opportunités de correspondances dans le monde entier, horaires), de ses infrastructures dans les aéroports et de sa plateforme en ligne dédiée (« myCargo »). Depuis le 20 mars, les clients peuvent, via ce guichet numérique, réserver et combiner des vols opérés par Air France, KLM, Martinair et CMA CGM Air Cargo.
Une autre ambition
Les deux groupes de transport partagent une autre ambition, font-ils valoir : le « zéro net carbone » d'ici 2050 dont procède le renouvellement de leur flotte, « avec des commandes fermes d'avions de nouvelle génération » (notamment l'A350F), et l'usage des carburants d’aviation durables, le fameux SAF (sustainable alternative fuel).
Adeline Descamps
