Par un communiqué, le transporteur taïwanais a mis un terme aux spéculations en révélant le 11 juillet son engagement financier en faveur de 24 porte-conteneurs de 16 000 EVP, tous à double motorisation et prêts pour le méthanol.
Les courtiers, dont Maersk Broker, avaient éventé au printemps la consultation lancée par Evergreen auprès des chantiers.
Le numéro six mondial dans le transport maritime de conteneurs y consent un investissement colossal de plus de 4 Md$ moyennant un prix unitaire annoncé entre 180 et 210 M$, selon la déclaration faite à la Bourse de Taipei.
Les constructeurs sud-coréens emportent la mise
Seize d’entre eux ont été confiés au constructeur sud-coréen Samsung Heavy Industries (SHI), qui pourrait ainsi encaisser entre 2,8 et 3,3 Md$ s'il parvient à honorer la commande. Les chantiers navals du pays sont sous pression, handicapés par une pénurie de main d'œuvre et une problématique de disponibilités face à une demande de construction qui a explosé.
Les huit autres seront construits par le japonais Nihon Shipyard.
La situation tendue entre Taïwan et la Chine disqualifiait sans doute d'emblée les chantiers chinois.
Enjeu de la 5e place
Outre le choix du méthanol, ce futur apport de plus de 840 000 EVP à la flotte d'Evergreen d’une capacité actuelle de 1,67 MEVP propulse directement le numéro six mondial de ligne conteneurisée à la 5e place, actuellement occupée par le transporteur allemand.
Avec ses 312 000 EVP en commande, Hapag-Lloyd se verra distancé de pas moins de 320 000 EVP par le Taïwanais.
Un carburant qui a de quoi convaincre
Compatibilité avec l’infrastructure d’avitaillement, technologie relativement mature en tant que méthanol gris, coût de construction modéré par rapport à un navire au GNL ou à l’hydrogène qui nécessitent des réservoirs cryogéniques, manipulation bien moins toxique et dangereuse que pour l’ammoniac : le méthanol est un carburant convaincant.
Evergreen rejoint ainsi le cercle des armateurs ayant amorcé la constitution d’une nouvelle flotte au méthanol. Et avec ses 380 000 EVP au méthanol, il vient troubler le jeu entre Maersk et CMA CGM.
Maersk, qui a été le premier à passer commande, est aussi le premier à être livré. Il a réceptionné le 10 juillet le premier porte-conteneurs alimenté au méthanol, qui sera mis en scène en septembre dans une grande opération de communication, en présence des plus hauts représentants politiques du Danemark.
CMA CGM s’y intéresse aussi, de façon plus récente. Les groupes danois et français sont au coude à coude avec chacun 24 navires totalisant une capacité peu ou prou similaire de l'ordre de 350 000 EVP.
Avec 13 navires pour 300 000 EVP, Cosco/OOCL joue dans la même catégorie. Le leader mondial, MSC regarde ailleurs et s'intéresse davantage à l'ammoniac.
130 navires
Selon DNV, le carnet de commandes pour les navires au méthanol atteint les 130 unités, à livrer au cours des cinq prochaines années, alors alors que le carnet de commandes se limitait à 24 unités en fin d'année dernière.
Le méthanol conventionnel (gris) est actuellement disponible dans plus de 120 ports et il existe plus de 90 installations de production de méthanol dans le monde, avec un approvisionnement annuel de près de 100 Mt de méthanol, indique l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).
D'ici 2050, l'e-méthanol et le bio-méthanol devraient représenter environ 80 % de la production totale et pourraient atteindre 500 Mt par an. Selon Platts Analytics, en 2030, il devrait représenter 34,3 % de la demande de combustibles de soute, contre 18,6 % pour l'hydrogène et 14,7 % pour l'ammoniac.
Adeline Descamps
