Un mois après que la Compagnie maritime belge (CMB), propriété de la famille Saverys, ait pris son contrôle dans le cadre d'un accord avec son rival norvégien Frontline, Euronav va consacrer la moitié des fonds tirés de cette opération pour acheter CMB.Tech.
Après la clôture des marchés boursiers, le vendredi 22 décembre, la CMB et l’armateur belge de pétroliers ont annoncé avoir conclu un protocole permettant à Euronav d'acquérir 100 % des actions de la filiale du groupe créé par la famille Saverys pour un prix d'achat total de 1,15 Md$ en espèces.
Pour sortir de l’impasse dans laquelle les actionnaires de Frontline et d’Euronav se trouvaient à la suite de l’échec de la fusion entre les deux plus grands transporteurs de pétrole, et des différends stratégiques entre les deux principaux protagonistes, l’homme d’affaires chyprio-norvégien John Fredriksen (qui contrôle Frontline) et Alexandre Saverys (CMB), un accord avait été scellé en novembre sous la forme d’échange de navires contre des actions.
Frontline a ainsi cédé les 26,12 % qu’il détenait dans le capital d’Euronav à la CMB en échange d’une partie de sa flotte, soit 24 VLCC d’une valeur de 2,35 Md$, laissant à Euronav une flotte de 19 VLCC et 26 suezmax.
À l’issue de cette opération, le groupe CMB (Bocimar dans le vrac sec, Delphis dans le conteneur, Bochem dans les produits chimiques, Windcat Workboats, opérateur de Crew Transfer Vessels, CMB.Tech), qui a contribué à la création d’Euronav, en est redevenue le maître absolu avec 49,05 %.
Des actifs plus durables, « à l'épreuve du temps »
À peine arrivé aux commandes, Alexandre Saverys prend l'initiative d'une opération visant à mettre en œuvre sa stratégie de diversification et de décarbonation.
Le dirigeant souhaite diversifier la flotte d'Euronav afin de réduire progressivement la part des revenus issus du transport de pétrole brut et de faire de la place à des actifs maritimes qu'il estime plus durables, « à l'épreuve du temps », selon son expression, navires à faibles émissions de carbone, à l'hydrogène ou à l'ammoniac.
CMB.Tech, filiale du groupe CMB, conçoit, construit, possède et exploite une flotte diversifiée de 106 navires à faible émission carbone dont 46 sont en cours de construction (navires de soutien à l’éolien, vraquiers, porte-conteneurs, chimiquiers, remorqueurs et transbordeurs, etc.) avec des moteurs hybrides diesel-hydrogène et diesel-ammoniac, ainsi que des moteurs monocarburant à hydrogène. L'entreprise vient de livrer l’Hydrotug1, un remorquer bicarburant avec le diesel et l'hydrogène au port d'Anvers.
Opération financée par la vente des 24 VLCC
« Le tonnage plus ancien des pétroliers d'Euronav offre d'excellentes opportunités de recycler le capital au fil du temps vers des marchés finaux et contrats plus attractifs et diversifiés. En outre, le portefeuille actuel de clients d'Euronav se situe au cœur de la transition énergétique et recherche des services de transport maritime par pétroliers à faible émission de carbone », indique le communiqué de l'entreprise.
La transaction, approuvée par le conseil de surveillance d'Euronav et financée par la vente des VLCC à Frontline, comprend 2,5 Md$ de dettes renouvelables (dettes bancaires, dettes de leasing et dettes des chantiers navals). Ce montant comprend à la fois la dette financière nette existante de 510 M$ et le total des engagements de capitaux nominaux en cours de 1,986 Md$.
Sur ces engagements à payer dans les trois ans, 1,625 Md$ ont été garantis et seront reconduits. Les 361 M$, correspondant au solde des engagements de capitaux non financés, seront financés par les liquidités propres d'Euronav.
Pas de sortie des marchés boursiers
La transaction sera soumise à l’approbation des actionnaires d'Euronav au cours de l'assemblée générale extraordinaire en février.
La CMB n’a pas l'intention de réaliser un « squeeze out » (« retrait obligatoire ») qui intervient en principe après une offre publique d'achat. L’entité future sera donc maintenue sur Euronext Brussels et sur le New York Stock Exchange.
Dans le cadre de l'acquisition des actions Euronav auprès de Frontline/Famatown Finance (49 % des actions en circulation et 53 % des droits de vote), la CMB avait été contrainte de lancer une OPA sur les actions restantes.
Changement de dénomination
Les actionnaires devront également se prononcer sur le changement de dénomination sociale d’Euronav en CMB.Tech. L'appellation Euronav serait conservée comme nom de marque pour sa division pétrolière.
Euronav a commandé tout dernièrement trois VLCC et quatre suexmax.
Adeline Descamps
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