La semaine fut compliquée pour l’armateur belge de tankers Euronav qui avait quelques échéances en bourse. En début de semaine, la Compagnie Maritime Belge (CMB), qui a repris la main sur la société en fin d'année dernière, a annoncé qu'elle avait acquis 80,51% des titres d'Euronav au terme de son offre de reprise, portant la participation totale de la CMB dans le capital de l'armateur belge de tankers à 88,61 %.
Or, le règlement de l’indice belge Bel 20 stipule que si l'acquéreur détient plus de 85 % des actions, la société acquise devra sortir de l'indice d'Euronext. Le maximum autorisé ayant été dépassé, la CMB a été contrainte de sortir après seulement deux jours de cotation.
Plusieurs analystes ont considéré que les actionnaires, en apportant massivement leurs titres à cette offre, ont désavoué la stratégie de verdissement de la flotte de la société.
Un dividende généreux
Deux jours plus tard, le mercredi 20 mars, le conseil de surveillance a annoncé qu’il
proposera à l'assemblée générale annuelle des actionnaires du 16 mai prochain un dividende de 4,57 $ par action. La distribution se fera en grande partie par le biais d'une réduction de capital fiscalement avantageuse qui, contrairement à un dividende normal, ne sera pas soumise au précompte mobilier de 30 %.
La décision, particulièrement généreuse, a manifestement surpris les marchés. L’action a rebondi le 21 mars, oscillant dans la journée entre 13,60 € et 14,12 €, et ce, au lendemain d'une séance au cours de laquelle le titre a touché son plus bas niveau depuis janvier 2023.
Cette fois, certains analystes ont perçu la démarche comme une tentative de les « faire revenir à bord ». Interrogé par les médias belges, un analyste d'ING, estime pour sa part que « le principal bénéficiaire du dividende sera la CMB, qui devrait recevoir 800 M€ servant probablement à payer une partie de la dette contractée pour l'acquisition d'Euronav ».
Nouveau chapitre à écrire
Dans son communiqué portant sur le dividence, la direction d'Euronav, assurée désormais par la famille Saverys, qui a contribué à la création de la société il y a des décennies avant de se retirer du capital puis d'y revenir pour contrer les manœuvres de Frontline et de son actionnaire redouté John Fredriksen, ne parait pas déstabilisée.
« Un nouveau chapitre s'écrit et en avant toute pour exécuter la stratégie de création de valeur », est-il indiqué. Alexander Saverys, aux manettes, défend une stratégie visant à réduire progressivement la part des revenus issus du transport de pétrole brut et faire de la place à des actifs maritimes à faibles émissions de carbone.
Stratégie de verdissement de la flotte
Dans ce cadre, il fait le ménage dans la flotte. Euronav a ainsi vendu pour un montant de 83,5 M$ trois de ses très grands transporteurs de brut (plus de 300 000 tpl) de construction 2008 et 2009 et a commandé deux newcastlemax ainsi qu’un VLCC supplémentaire au chantier naval de Qingdao Beihai en Chine.
Les navires seront livrés au cours des premier et deuxième trimestre de 2027. Le carnet de commande d’Euronav et CMB.Tech auprès du constructeur chinois consolident à ce stade cinq VLCC et 24 newcastlemax. Tous les navires seront configurés pour recevoir l'ammoniac le cas échéant.
L'armateur vient d'être livré du quatrième newcastlemax ECO (210 000 Tpl), qu’il a nommé Mineral France (la série porte le nom de pays européens). Six autres devraient être livrés cette année.
Les deux entreprises exploitent désormais une flotte de 153 navires, parmi lesquels, outre des pétroliers, des navires opérant dans les secteurs du vrac sec, du transport de conteneurs, de produits chimiques, en support à l'éolien offshore et des pétroliers.
Parmi ses premiers gestes, en tant que président du groupe, Alexander Saverys avait présenté un plan qui prévoit l’achat de 120 navires (autres que des pétroliers) et à faible émission de carbone, dont le financement doit être assuré par la vente de 24 navires pour 2,35 Md$ à Frontline. Ce point est un des termes de l'accord inespéré entre les deux adversaires empêtrés dans un écheveau juridique.
Adeline Descamps
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