Euronav : Alexandre Savery en PDG et la famille aux manettes

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Alexandre Saverys, président de la CMB

Alexandre Saverys, président de la CMB

Crédit photo ©CMB
La sortie du capital de Frontline et du magnat du transport maritime John Fredriksen étant effective, Alexandre Saverys est devenu le nouveau PDG de l’armateur belge de pétroliers. Deux autres Saverys occupent des fonctions stratégiques. Le conseil de surveillance est complètement remanié. Place nette à tous les étages de la gouvernance.

Étape prévue par les dernières informations en provenance d’Euronav. Frontline, l’armateur norvégien de pétroliers, et Famatown Finance, le véhicule financier qui gère les participations de l’homme d’affaires chyprio-norvégien John Fredriksen, a effectivement cédé les 26,12 % du capital et 58 millions d’actions qu’ils détenaient dans le capital d’Euronav à la Compagnie maritime belge en échange d’une partie de sa flotte (24 VLCC d’une valeur de 2,35 Md$, soit 98 M$ l’unité).

Échange de navires contre des actions était la solution qui avait été ficelée en octobre entre les deux actionnaires principaux pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvaient pour deux raisons principales : l’échec de la fusion entre les deux plus grands transporteurs de pétrole Frontline et Euronav et leurs différends stratégiques. 

Avec d'un côté, le magnat du transport maritime, John Fredriksen (Frontline, International Seaway, OSG, General Maritime, DHT, Gener8 Maritime), artisan du projet de fusion avorté, adepte de la création de valeur et des économies d’échelle, intéressé par Euronav que pour consolider son ancrage dans le transport de brut. Et de l’autre, Alexandre Saverys, l’héritier d’une famille d’armateurs originaire d’Anvers, à la tête du groupe CMB (Bocimar dans le vrac sec, Delphis dans le conteneur, Bochem dans les produits chimiques, Windcat Workboats, opérateur de Crew Transfer Vessels, CMB Tech), qui voulait précisément détourner Euronav du transport pétrolier.

Sortie définitive

La vente des participations actée, la CMB détient désormais 49,05 % des actions et des droits de vote d’Euronav aux côtés du management, conservant ses 8,23 %.

Le groupe devient ainsi le maître absolu de l’armateur belge de tankers qu’il avait contribué à créer il y a près de trois décennies, avant de s’en dégager progressivement et de réduire sa participation à quelques parts (moins de 5 % en 2020).

L’entreprise belge était revenue dans le jeu à la suite des raids opérés concomitamment par John Fredriksen sur quelques grands acteurs du secteur, Euronav certes mais aussi International Seaways, emportant sur le marché libre 16,6 % des titres de ce grand acteur américain dans le transport de brut.

Frontine, plus grand armateur mondial de VLCC

De son côté, selon les termes de l'accord, avec sa flotte désormais fixée à 89 navires pétroliers, Frontline devient le plus grand armateur indépendant de très grands pétroliers au monde coté en bourse, sa capacité passant de 12,5 à 19,7 millions de tpl avec une flotte de 46 VLCC.

Remaniement des instances de gouvernance

En conséquence, la gouvernance change. Quatre des cinq membres du conseil de surveillance, parmi lesquels John Fredriksen, ont démissionné, excepté Patrick Molis, un proche d’Alexandre Saverys, que ce dernier avait réussi à faire entrer à l’occasion d’une des dernières tentatives de déstabilisation des organes de gouvernance.

Patrick Molis – à la longue carrière en tant que directeur général de grandes sociétés du secteur (Worms & Cie, Ponant et actuel président de la Compagnie nationale de navigation, mais aussi Heli-Union, opérateur de maintenance d'hélicoptères), et membres de conseils d'administration (CMN, La Méridionale…) – est rejoint par Catharina Scheers et Bjarte Bøe.

Avec Julie De Nul, Patrik De Brabandere, directeur général de la CMB et membre du conseil d'administration de CMB.TECH et Marc Saverys, ils forment le nouveau conseil de surveillance. Patrick De Brabandere était déjà le candidat de la famille Saverys quand cette dernière a obtenu un siège supplémentaire au conseil d'administration en mars 2023.

Montée en force des Saverys

Lieve Logghe, qui a remplacé Hugo de Stoop, l’ex-PDG poussé au départ, Brian Gallagher (relations institutionnelles, figure historique de la société) et deux autres dirigeants quittent l'entreprise.
Deux autres (ex)-membres du conseil d'administration resteront néanmoins au sein de la société dans leurs fonctions respectives, mais sortent du conseil.

En lieu et place, la famille Saverys arrive en force : Alexandre (Saverys) est rejoint par Ludovic (Saverys) en tant que directeur financier (actuel directeur financier de CMB SA et directeur général de Saverco SA) et Michael (Saverys) à la direction des affrètements (actuel directeur de l'affrètement de Bocimar International, membre du Comex de CMB SA).

À la direction commerciale est nommé Maxime Van Eecke, qui occupe cette fonction pour le groupe CMB.

Benoit Timmermans, aujourd'hui directeur de la stratégie du groupe et membre du comité exécutif, rejoint Euronav en tant que directeur de la stratégie.

« L'accord avec Frontline et Famatown résout l'impasse stratégique et structurelle d'Euronav et permet à un nouveau conseil d'administration et à une nouvelle équipe de direction d'écrire un nouveau chapitre, indique Alexandre Saverys dans le communiqué. Dans l'immédiat, l'objectif est de maintenir la société dans sa catégorie, tout en nous engageant dans une voie de diversification et de décarbonation ».

CMB souhaite diversifier la flotte d'Euronav afin de réduire progressivement la part des revenus issus du transport de pétrole brut et de faire de la place à des actifs maritimes qu'il estime plus durables, « à l'épreuve du temps », navires à faibles émissions de carbone, à l'hydrogène ou à l'ammoniac.

Après cession de ses 24 VLCC à Frontline, Euronav dispose d'une flotte de 19 VLCC et 26 suezmax.

Adeline Descamps

 

Euronav a réalisé 114,5 M$ de bénéfices au cours du troisième trimestre

La bataille d’actionnariat qui a animé l’entreprise pendant près de deux ans et qui prend fin avec le point d’entente trouvé en octobre entre les deux rivaux Alexandre Saverys et John Fredriksen, ferait presqu’oublier qu’Euronav est avant tout une entreprise avec des résultats financiers.

En l’occurrence, l’armateur belge de tankers est porté par les fondamentaux de son marché qui « s'adaptent aux réductions supplémentaires de la production et des exportations décidés par les membres de l'Opep » (60 % du commerce mondial du pétrole).

Lors de la dernière réunion de l'Opep+ en juin, l'Arabie saoudite s'est engagée à réduire fortement sa production de 1 million de barils par jour en juillet, en plus d'un accord plus large à limiter l'offre jusqu'en 2024, de façon à stimuler les prix du pétrole en baisse. La décision a eu les effets escomptés : poussé les prix du baril vers 100 $ le baril vers la fin du troisième trimestre, « ce qui a probablement été un facteur de réduction des prévisions de la demande », indique la direction de l’entreprise.

Pour le troisième trimestre, l’armateur belge de tankers a publié un chiffre d’affaires de 278,3 M$ (contre 223,5 M$ au cours de la même période en 2022) et un résultat net de 114,5 M$ contre seulement 16,4 M$ l'année dernière.

Tarifs d'affrètrement en baisse

En revanche, les tarifs d’affrètement ont baissé tout au long du trimestre. Les taux des VLCC sont passés, en un an, de 40 000 à 30 000 $/j à fin septembre, et les suezmax de 30 000 à 20 000 $/j.

« Quatre facteurs ont été à l'origine de cette évolution : la réduction de l'activité du secteur des raffineries en raison du lancement des programmes de maintenance ; la réduction des stocks ; de nouvelles réductions de la production et des exportations de l’Opep+, renforcées par l'Arabie saoudite ; et un certain ralentissement de la demande ».

Jusqu'à présent, au quatrième trimestre, les VLCC d'Euronav, négociés dans le pool Tankers International, ont rapporté 34 000 $/j avec 49 % des jours disponibles, et les suezmax, ) 34 000 $ avec 52 % des jours disponibles fixés.

Les VLCC et suezmax pourraient bénéficier d'une forte reprise d’ici la fin de l’année, les affréteurs se précipitant pour sécuriser l'approvisionnement en prévision d'une éventuelle aggravation des conflits en cours.

A.D.

 

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