Les porte-conteneurs sans emploi ont poursuivi leur ascension, établissant un nouveau record historique de 551 unités pour 2,72 MEVP au 25 mai, soit 11,6 % de la capacité de la flotte mondiale. Les deux partenaires de l’alliance 2M, Maersk et MSC, sont les plus actifs dans l’inactivité avec 854 000 EVP retirés du marché.
Un tiers de la flotte de la compagnie sud-coréenne HMM, un quart de celle de PIL ou encore près de 15 % de celle de Yang Ming sont actuellement inactives. À eux deux, les partenaires de l’alliance 2M, Maersk et MSC, totalisent la majeure partie de la capacité retirée, soit 854 000 EVP. Une donnée à relativiser car elle n’est pas à attribuer à la seule faiblesse de la demande. Un moitié de cette capacité soustraite au marché se trouve en cales sèches pour des travaux de mise en conformité à la réglementation sur le soufre. La compagnie italo-suisse MSC a notamment une part importante de ses porte-conteneurs dans des chantiers en Chine et en Turquie.
Selon Alphaliner, dont les estimations diffèrent de celles de Sea-Intelligence, la flotte de porte-conteneurs s’établissait à 2,72 MEVP fin mai, ce qui équivaut à 11,6 % de la capacité totale de la flotte. Soit 551 unités. Même si l'on exclut les 64 porte-conteneurs (571 858 EVP) en cours de retrofit, la flotte en inactivité est au-dessus de la barre des 2 MEVP
Les douze plus grands transporteurs ne vivent toutefois pas la situation dans une situation comparable, note le spécialiste des lignes maritimes. Ainsi la compagnie chinoise Wan Hai a moins de 2 % de sa flotte immobilisée. Le transporteur français CMA CGM a une faible part de ses navires à quai (2,3 %). Maersk, Evergreen, Hapag-Lloyd, Cosco et ZIM ont entre 6 et 10 % de leur flotte hors du marché. Plus marquée, la part de la flotte inactive de HMM, PIL, Yang Ming, MSC et de ONE oscille de 32 % à 11,6 %.
Les annulations de services atteignent un palier
Une certaine fébrilité
Sea-Intelligence soutient que les suppressions de traversées ou d’escales sont sur le point d’atteindre un pic. Le consultant a même constaté une réinitialisation de certains services plus vite que ce qui était initialement prévu.
Pour le mois de juin, Alphaliner prévoit aussi une capacité hebdomadaire moyenne de 10 % supérieure à celle de mai. « Afin de tirer parti de la demande plus forte que prévu, Zim lance un nouveau service express transpacifique entre l'Extrême-Orient et la côte ouest américaine », en veut-il pour preuve.
Cependant, les transporteurs restent prudents dans l'évaluation du niveau de la demande, traduisant une fébrilité face aux nombreuses inconnues. Ainsi, Maersk et MSC, associé au sein de 2M, ont prolongé la suspension de leur service commun entre Asie du Sud-Est et côte est États-Unis (TP-11/Elephant) jusqu'à la fin juillet. THE Alliance a en revanche réactivé sa boucle PS5 entre l'Asie et la côte ouest américaine alors que Hapag-Lloyd, HMM, ONE et Yang Ming avaient prévu de la suspendre jusqu'à fin juin.
Maersk et MSC, les deux leaders mondiaux du transport maritime conteneurisé, ont en outre annoncé que leurs services AE-20/Dragon (Extrême-Orient-Méditerranée) et AE-2/Swan (Extrême-Orient-Nord Europe), suspendus en avril, ne seraient pas rétablis, la faiblesse de la demande ne le justifiant pas.
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Retour à la vie pour l’affrètement
Le marché de l'affrètement semble aussi retrouver des couleurs. Il a été remarquablement actif ces derniers jours, avec un nombre élevé d'affrètements conclus dans certaines catégories de navires. « La nouvelle demande a été importante, les affréteurs offrant des emplois de plus longue durée, dans l'espoir que le marché puisse atteindre son point le plus bas », décrypte Alphaliner. La demande pour les gros tonnages (5 500 EVP et plus), qui s'était presque entièrement tarie, reprend mais plus lentement : un 6 800 EVP a trouvé un emploi de 24 mois tandis qu'un tonnage de 9 000 EVP a été fixé pour l'affrètement à long terme.
Pour autant, la surcapacité, qui reste élevée dans de nombreux segments, maintient les taux d'affrètement sous pression quand bien même « certains affréteurs seraient prêts à payer plus cher pour obtenir certains navires spécifiques ». En attendant, la descende a été brutale. Le taux d'affrètement à temps de 6 à 12 mois pour un porte-conteneurs de 8 500 EVP, actuellement négocié à 16 000 $/j, a fondu de moitié par rapport à fin janvier. Le moment reste toutefois propice aux affréteurs opportunistes. La pléthore de tonnages disponibles offre de nombreuses possibilités d'acquérir des navires de qualité à des prix attractifs.
Des taux de fret qui ne disent pas toute la vérité
Paradoxe apparent. Si l’économie mondiale est en récession, les taux de fret spot sont restés relativement élevés, limitant la casse pour les transporteurs de conteneurs, qui ont pu bénéficier par ailleurs de l’effondremnent des cours pétroliers. Le coût de soute ne s’en est que mieux porté. Les taux spot des ports principaux de l'Est de la Chine vers les ports de la côte Ouest des États-Unis étaient de 1 837 $/EVP le 1er juin, soit une augmentation de 5 % par rapport à la semaine précédente.
L’organisation internationale maritime Bimco soutient néanmoins que « les taux spot ne révèlent pas toute la vérité sur l'état du marché des porte-conteneurs. Dans le transport maritime de conteneurs, les recettes doivent être considérées non seulement à la lumière des taux de fret, mais aussi des volumes transportés. De ce fait, il est évident que bien que les taux de fret au comptant restent artificiellement élevés, les transporteurs subissent encore des pertes substantielles ».
Pour autant, la remarquable gestion de la capacité par les transporteurs semble avoir fonctionné. « Dans la pratique, il est extrêmement difficile de réintroduire de la capacité tout en maintenant des taux élevés, et il est donc probable que le nombre de navires sans emplois restera élevé jusqu'à la fin 2020 », modère le Bimco.
Adeline Descamps