« Le marché a été calme ces dernières semaines car la plupart des réservations de Noël ont été faites, mais les semaines à venir seront intéressantes car les chargeurs vont se précipiter avant le Nouvel An lunaire », indique un transitaire qui travaille avec la Chine.
La trêve des taux de fret spot aura été en effet de courte durée. Ils sont indéniablement repartis à la hausse ces derniers jours. L’indice de référence, mesurant les tarifs de transport pour un conteneur au départ de Shanghai et pour une vingtaine de destinations, a encore augmenté de 2,7 % la semaine dernière pour atteindre 4 727,06 points. Il y avait eu un affaiblissement au mois d'octobre, en amont et en aval de la Golden week, semaine de jours fériés en Chine.
L’émergence d’Omicron n’y est sans doute pas étrangère. Alors que certains signes de rééquilibrage de l'offre et de la demande suggéraient une stabilisation de la situation, l’intrusion d’un nouveau variant vient rebattre les cartes et imposer un nouveau test de résistance à la chaîne d’approvisionnement mondiale. La seule évocation du virus convoque immédiatement des images de perturbations massives, en amont et en aval et dans toutes les régions du monde. Actuellement, le secteur portuaire et maritime se débat pour en limiter les conséquences : exportations entravées, pénurie de matières premières et composants clés pour les secteurs industriels, arriérés de commandes prolongés pour les produits de base…
127 porte-conteneurs dans la baie de San Pedro
Autre baromètre du désordre, le principal écheveau portuaire mondial – la congestion dans les ports de la côte ouest-américaine – ne semble pas se dénouer en dépit de toutes les mesures prises pour atténuer les impacts. L’administration Biden y a manié avec orfèvre la carotte et le bâton à l’encontre des transporteurs maritimes et des autorités portuaires. Mais la méthode semble faillible.
En fin de semaine dernière, 40 porte-conteneurs attendaient un poste d'amarrage dans un rayon de 65 km autour des ports de Los Angeles et de Long Beach. Il y avait également 56 autres en attente plus loin en mer selon Marine Exchange of Southern California. Le fournisseur de données pointe en outre 31 porte-conteneurs aux postes d'amarrage des terminaux, ce qui porte le total à 127. Ainsi, loin de se résorber, le nombre total de porte-conteneurs à quai ou en attente est en hausse de 25 % par rapport à début novembre, de 41 % par rapport à début octobre et de 79 % par rapport à début septembre.
Les taux de fret tout compris vers l'Amérique du Nord au départ de la Chine se sont renforcés au cours de la semaine qui s'est terminée le 3 décembre, selon les indicateurs de Platts. Mais les tarifs les plus élevés se situaient principalement entre 12 000 et 14 000 $ par conteneurs de 40 pieds (FEU) vers la côte ouest des États-Unis et entre 16 000 et 18 000 $ vers la côte est.
Deux déterminants clefs
Alors que la plupart des marchandises de Noël sont déjà à destination ou en transit, toute l’attention se porte désormais sur deux événements clefs, tous deux en Chine : le Nouvel An lunaire, début février (tendance saisonnière normale) et les Jeux olympiques d'hiver à Pékin, durant le même mois. La demande devrait inéluctablement repartir à la hausse en décembre, les chargeurs se préparant à exporter leurs marchandises avant le Nouvel An lunaire.
Entre Asie-Europe, les transitaires s'attendent à ce que les prix augmentent en conséquence à la fin du mois de janvier sous l’effet d’une demande subite de transport avant une accalmie de près de trois semaines au cours desquelles les exportations de la Chine devraient ralentir. Le scénario d’une détente lente et progressive des tarifs de transport de conteneurs, au fur et à mesure que l’étau des contraintes logistiques va se desserrer, font de plus en plus de convaincus chez les acteurs du marché. Mais cela ne se fera pas sans l’économie de blank sailing, indiquent-ils.
Le rationnement de l'électricité en Chine ne plaide pourtant pas en cette faveur, les arriérés dans les carnets de commande s'accumulant. Selon les indicateurs, il devrait persister tout au long de la saison hivernale, qui s'étend jusqu'en janvier.
Surtaxes durables
À vrai dire, plus personne ne s’aventure dans les projections assurées tant les facteurs influençant l’offre et la demande sont aléatoires et surtout échappent à ceux qui en subissent aujourd’hui les conséquences, les transporteurs comme les transitaires ou les chargeurs. Personne n’a prise sur la pénurie de main d’œuvre, de châssis aux États-Unis, de camions et de chauffeurs routiers en Europe, sur la difficulté de renvoyer les conteneurs vides vers les hubs d'exportation asiatiques, sur les inondations qui ont noyé les réseaux ferroviaires, sur les typhons qui ont entrainé la fermeture des ports asiatiques...
Les déséquilibres à tous les niveaux soutiennent des prix élevés. Et même quand les taux de fret ont marqué la pause, la baisse n’était pas ostentatoire. Les surtaxes restent aussi en vigueur et pourraient régner tout au long du premier semestre de 2022, selon les sources, tout comme les tarifs premium pour obtenir un chargement en temps voulu.
Des primes apparaîtraient d’ailleurs pour des exportations prioritaires vers la Méditerranée, indiquent certains transitaires. Les réservations en FAK sur la route Asie-Europe semblent dominer et les prix ont même tendance à baisser, bien qu’étant à des niveaux élevés (autour de 15 à 16 000 $ par conteneurs de 40 pieds, selon Platts). De l’Asie vers le Royaume-Uni, le Platts Container Rate s’est incliné de 500 $ en une semaine, évalué à 17 250 $/FEU le 3 décembre. Le fret à destination de l’Europe du Nord a également baissé, clôturant la semaine dernière à 15 750 $/FEU.
Adeline Descamps