Détroit de Gibraltar : bataille scandinave autour des compagnies de ferries

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Après le rachat de FRS Iberia par le danois DFDS en 2023, la compagnie maritime suédoise Stena Line a annoncé, le 10 avril dernier, la signature d’un accord en vue d’acquérir 49 % du capital de la compagnie marocaine de ferries Africa Morocco Link. Tous deux parient sur la réorganisation des chaînes d’approvisionnement et le développement du nearshoring.  

L’arrivée de Stena Line s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation du tour de table de la compagnie de ferries marocaine Africa Morocco Link (AML). Le 4 avril, la Compagnie de transports au Maroc (CTM) avait annoncé le rachat de la participation majoritaire de Bank of Africa (BOA) dans le capital d’AML (51 %).

Ces deux entités, CTM et BOA, font partie d’O Capital Group, l’un des plus grands groupes privés marocains, présent dans plusieurs secteurs et propriété de l’homme d’affaires marocain Othman Benjelloun.

Dans la foulée, la société grecque Attica Holdings a décidé de céder sa participation de 49 % dans le capital d'AML à Stena Line. La compagnie marocaine exploite une ligne entre Tanger Med et Algésiras avec 2 ro-pax : les Morocco Sun et Morocco Star (850 et 755 m de linéaire respectivement). La valeur de l’opération est de 49 M€, selon le communiqué publié par Attica Holdings, Stena Line n'ayant pas renseigné ce point. Le bouclage de l’opération reste subordonné à l’obtention du feu vert des autorités marocaines.

Intérêts manifestes pour le détroit de Gibraltar

Cet investissement intervient après l’annonce, en septembre 2023, du rachat de FRS Iberia, filiale du groupe allemand FRS, une opération qui a reçu le feu vert de la CNMC, l’autorité espagnole de la concurrence, en décembre 2023.

Basée à Tarifa, la société est leader sur le marché des ferries sur le détroit avec une part de marché de 30 %. Elle est la seule à exploiter trois lignes (Algésiras-Tanger Med, Algésiras-Ceuta et Tarifa-Tanger Ville) avec sept navires (2 ro-pax, 1 ro-ro et 4 catamarans) et 4,4 km de linéaire. Le ratio passagers/fret, un indicateur clé, est de 50/50.

Cet intérêt s’explique principalement par la forte dynamique du fret dans le détroit de Gibraltar. Le trafic de véhicules (camions, remorques et semi-remorques) entre le port d’Algésiras et le Maroc est passé de 276 664 unités à 463 434 entre 2014 et 2022, soit un bond de 67,5 % en huit ans. En 2023, le volume a fléchi de 1,1% (458 466) mais les deux premiers mois de 2024 montrent une nette reprise (+ 12,1 %). L’axe Algésiras-Tanger Med représente 94 % des flux.

Raccourcissement des chaînes logistiques

Les exportations marocaines vers l’Espagne et le reste de l’Europe (produits agricoles, textile, automobiles, électronique, etc.) ne cessent de progresser. Mais le raccourcissement des chaînes logistiques depuis le Covid et le développement du nearshoring contribuent également à l’explication.

En 2023, le groupe Inditex (Zara, Stradivarius, Oysho, etc.) a accru le nombre de ses fournisseurs au Maroc (+ 18 %, 216 entreprises en tout) tout en réduisant son réseau en Chine (- 9 %, 367).

Et les flux ne sont pas à sens unique : les usines de Renault en Espagne livrent des moteurs et des boîtes de vitesse à celles de Melloussa, près de Tanger, et de Casablanca, dont la production est destinée essentiellement à l’exportation.

Les prévisions tablent sur une poursuite de la hausse du trafic qui pourrait atteindre le cap des 600 000 véhicules transportés en 2025. Lors de la journée annuelle du Shortsea Promotion Centre Spain (SPC-Spain), organisée à Huelva le 28 novembre 2023, Alvaro Rodríguez Dapena, président de Puertos del Estado, l’entité de tutelle des ports de commerce espagnols, n’a pas hésité à dresser un parallèle avec le développement du trafic de camions entre la France et l’Espagne au cours des vingt dernières années. « On vit une situation similaire avec l’Afrique du nord, principalement le Maroc, avec le développement du trafic ro-ro et ro-pax »; a-t-il expliqué.

Une forte concurrence

Les Scandinaves sont bien décidés à prendre leur part de ce gâteau qui s’annonce très appétissant. En début d’année, DFDS a « relooké » les navires de FRS et a positionné le Patria Seaways (1 800 m de linéaire), sur l’axe Algésiras-Tanger Med.

Stena Lina n’a pas encore fait connaître ses projets mais dispose d’un atout clé : le partenariat avec le groupe d’Othman Benjelloun, un acteur économique puissant et qui dispose de bonnes relations avec l’État marocain.

La bataille sera féroce car les autres acteurs du marché, les espagnols Armas Trasmediterránea et Baleària, sont bien décidés à ne pas perdre de terrain. Sans oublier la concurrence nouvelle, et inattendue, du conteneur. De manière très audacieuse, le groupe Maersk, présent à Algésiras et à Tanger Med, a lancé en septembre 2023, le Morocco Bridge. Cette solution propose non seulement un service conteneurs régulier (trois fréquences/semaine) entre les deux ports mais également des pré et post acheminements terrestres et ferroviaires, au Maroc, en Espagne mais aussi en France, via Barcelone, dans le cadre de sa stratégie « porte à porte ».

En 2023, le trafic entre les deux ports a atteint 10 000 EVP (+ 30 %). Le géant danois veut aussi sa part du gâteau du nearshoring.

Daniel Solano

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