Des taux de fret à 20 000 $

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En mai, pour la première fois dans l’histoire du conteneur, les taux de fret spot avaient percé un premier plafond de verre en dépassant les 10 000 $ pour le transport d’une boîte de 40 pieds. Pour certains, il ne fait désormais plus de doute que le cap des 20 000 $ sera aisément franchi. Il a déjà été constaté sur les routes transpacifiques à la faveur de batailles d’enchères entre chargeurs.

« La différence entre le marché du transport maritime par conteneurs de cette année et celui des cinq dernières années est devenue flagrante : les taux spot battent record inflationniste après record inflationniste », indiquait Drewry dans son Logistics Executive Briefing en date d’avril. Trois mois plus tard, les faits lui donnent raison. Les taux spot ont encore augmenté d'environ 70 %. L’analyste s’attend désormais à ce qu’ils s’établissent à près de 20 000 $ sur certaines lignes. Ce dont plus personne ne s’émeut, excepté ceux qui doivent régler la facture, ni ne s’étonne. « Nous sommes désormais habitués à voir des taux de croissance annuels à trois chiffres pour les taux spot sur la plupart des grandes lignes maritimes. Le fait que cela ne soit plus choquant est une preuve supplémentaire, si nécessaire, que le marché est vraiment fou en ce moment », note le même consultant dans son rapport Container Forecaster qu’il vient de publier.

Dix-huit mois après le déferlement de la pandémie, les coûts du fret conteneurisé continuent de voguer à des niveaux record. Pour la première fois dans l’histoire du conteneur, les taux de fret spot entre Shanghai et Rotterdam avaient percé un premier plafond de verre en mai : celui des 10 000 $ pour le transport d’une boîte de 40 pieds (FEU). L'indice Drewry World Container Index avait pointé l’exploit : il en coûtait alors 10 174 $ pour le transport d’un conteneur 40 pieds sur l'une des routes pourtant les plus concurrentielles, soit un bond de 485 % par rapport à l'année précédente.

L’indice composite, qui prend en compte huit des principaux taux de transport maritime dans le monde, avait alors augmenté de 293 % par rapport à l'année précédente pour atteindre 6 257 $. Cet indice avait également réalisé un record en dépassant les 5 000 $ pour la première fois en 2021.

Prévisibles mais spectaculaires

C’était tout à fait prévisible au regard de la montée de façon discontinue des prix qui, selon les routes, carburent à des allures folles, entre 300 et 500 %. Pour autant, ils détonnent car, entre 2016 et 2020, les tarifs des conteneurs, bien que fluctuants, n’ont jamais dépassé les 3 000 $.

Cette fois, le transport maritime s’apprêterait donc à transgresser une autre limite : celle des 20 000 $/FEU. A fortiori avec l'entrée en vigueur des augmentations générales des taux (GRI). Certains l’ont déjà constaté.

Selon Platts, pour les expéditions de l'Asie du Nord vers la côte Est des États-Unis, les taux de fret oscilleraient dans une large fourchette comprise entre 15 000 à 25 000 $/FEU « selon l'urgence et l'historique de la compagnie maritime avec le client ».

De l’Asie du Sud-Est vers la côte Est de l'Amérique du Nord, ils peuvent aussi atteindre jusqu’à 23 000 $/FEU, toujours selon Platts, et plus proches de 15 000 à 17 000 $/FEU vers la côte Ouest de l'Amérique du Nord, mais en hausse de près de 3 000 $ par rapport à la semaine précédente pour les deux routes.

Transport maritime : haute saison et perturbations prolongées

23 000 à 24 000 $ en porte-à-porte

Dans son rapport Container Forecaster, Drewry indiquait par ailleurs que tous les indicateurs de référence, que ce soit l'indice Drewry, le SFCI ou le Freightos Baltic, étaient biaisés. Car ils saisissent généralement les prix de réservation au comptant offerts environ une semaine avant le départ prévu d'un navire. Or certains transporteurs offrent des créneaux de dernière minute sous la pression de certains clients ou... par stratégie commerciale. Les transporteurs, déterminés à saisir pleinement l’opportunité du moment, manœuvrent aussi pour gérer une demande particulièrement élevée et tirer parti des taux les plus lucratifs.

Particulièrement stressés à l’approche de la haute saison et des fêtes de fin d’année, craignant de ne pas être livrés à temps, les chargeurs notamment américains se livrent à une « guerre d'enchères ». Dans ces conditions, certains tarifs peuvent donc atteindre 23 000 ou 24 000 $ (en porte-à-porte).

« Nous savons que les transporteurs facturent des primes supplémentaires pour donner la priorité au chargement d'une réservation tardive avant les cargaisons normales facturées au taux FAK », révèle le consultant.

Les chargeurs sont donc confrontés à des négociations de plus en plus unilatérales et même les contrats signés ne sont plus une garantie, indiquait Patrik Berglund, le PDG de Xeneta, la plateforme d'analyse du marché et de comparaison des taux de fret aérien et maritime, dans une note en date de mai. Nul n’est désormais à l’abri des rollovers (conteneurs chargés sur un autre porte-conteneurs que celui prévu initialement), selon lui, et tous s’exposent à des accords dénoncés en dernière minute.

Conteneurs : l'improbable traversée des six premiers mois de l'année

Taux de fret extrêmes partout

En avril, Drewry a introduit le concept de « taux de fret extrêmes » pour décrire ces tarifs qui sont au moins 50 % plus élevés que la moyenne historique sur cinq ans et ce, sur trois mois consécutifs. Cette distinction permet ainsi de ne pas les confondre avec le fret de haute saison ou les taux ponctuels. « Depuis juillet, nous observons des taux de fret extrêmes non seulement sur les routes transpacifiques en direction de l'est et de l'Asie vers l'Europe en direction de l'ouest, mais aussi sur toutes les routes transpacifiques, Asie-Europe et transatlantiques en amont et en aval. »

Ces « primes » par rapport à la moyenne historique sur cinq ans observent des croissances de 84 %, pour Rotterdam à Shanghai, à 391 %, pour Shanghai à Rotterdam, entre 7 000 et 10 000 $/FEU sur les principales routes d'Asie. « Pour les produits de faible valeur, cela ne peut être absorbée par les chargeurs », alerte le consultant, convaincu que ces coûts de transport extrêmes vont coûter quelques points aux exportations de certains pays. 

Avec la prochaine haute saison sur les routes asiatiques, Drewry s'attend à ce que les taux spot et les pénuries de capacité sous-jacentes deviennent encore plus aigus. Les taux de fret moyens (spot et contractuels) sur l'ensemble des trafics mondiaux devraient augmenter d'environ 50 % en 2021, prédit-il.

Ce serait alors une première dans le transport maritime par conteneurs et elle pourrait coïncider avec une autre gageure : les bénéfices des transporteurs pourraient être proches de 100 Md$ si les taux de fret se maitiennent à leur niveau actuel jusqu’à la fin de l’année.

Adeline Descamps

 

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