Des changements structurels dans la flotte mondiale de porte-conteneurs

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Le MSC Tessa

Crédit photo MSC Tessa ©allaboutbelgaum
Arrivée des porte-conteneurs ultra-larges, émergence de carburants inéprouvés, nouvelle phase dans les alliances, surcapacité à gérer, montée en puissance de la propriété au détriment de l'affrètement, c'est un saut vers l'inconnu qui s'offre au secteur du conteneur. A une échelle de temps accélérée.

En toute connaissance de cause – le ralentissement de la demande de transport –, les « armateurs ont toujours envie de commander de nouveaux porte-conteneurs », s’étonne faussement Niels Rasmussen, analyste du transport maritime au sein de l’organisation maritime Bimco, à laquelle adhèrent les exploitants de navires, tous segments confondus (2/3 du tonnage mondial). L’économiste fait référence au carnet de commandes contracté ces trente derniers mois, atteignant en l'état 8,61 MEVP, soit près de 29 % de la capacité en exploitation, presque l’équivalent de la capacité des flottes combinées des deux leaders mondiaux, Maersk et MSC.

Cette confiance inconditionnelle en l’avenir a été récemment manifestée de façon médiatique mais avec certaines libertés avec la réalité. Á l’occasion de la visite du chef d’État français en Chine, accompagné d'une délégation d'entreprises dont faisait partie Rodolphe Saadé, le PDG du groupe CMA CGM, a été annoncée une mirifique commande de porte-conteneurs – « jamais passée par l'industrie chinoise de la construction navale » –, d'une valeur de plus de 3 Md$, dont la plupart au méthanol. Si la valeur et le nombre ne sont pas sujets à caution, il s’agit de commandes déjà passées et officialisées pour l’occasion.

Une flotte mondiale de 30 MEVP

Ainsi l’équivalent de 5,03 MEVP doit être livré entre cette année et 2024 mais à peine 1 MEVP est promis la casse. Pour la première fois, la flotte mondiale pourrait donc bien dépasser les 30 MEVP, soit une augmentation de 16 % par rapport aux 6 567 navires qui circulent actuellement avec une capacité de près de 26,77 MEVP (source Alphaliner).

Il est difficile de savoir si les monstres d’acier vont respecter le planning de ventes à la ferraille mais d’ores et déjà il y un retard à l’allumage, les ventes pour démolition ayant progressé à un rythme plus lent que prévu au cours des premiers mois de l'année, avec seulement 28 porte-conteneurs de 500 EVP (48 555 EVP au total) contractés pour le recyclage depuis le 1er janvier, selon Alphaliner. C’est néanmoins une grande avancée par rapport à 2022 où aucun navire n’avait fait à cette époque de l'année l'ultime voyage.

L'équilibre entre l'offre et la demande tient pourtant à ce fil ténu : le rapport entre départs (à la casse) et nouvelles arrivées. En clair, tout se joue ou presque dans la jauge des navires qui pourront répondre aux réglementations environnementales dont les exigences vont se durcir à un rythme aussi cadencé.

Arrivée des 24 000 EVP

Plus inquiétant, les vieux navires résistent encore au départ à la retraite. L'âge moyen des navires cédés est particulièrement élevé, de 28 ans, et 80 % se concentrent dans la gamme des 1 000-2 000 EVP (23 unités). « Cette situation s'explique principalement par la vigueur inattendue du marché de l'affrètement, certains armateurs souhaitant prolonger la vie commerciale de navires qui auraient autrement été mis au rebut », indique Niels Rasmussen. Dans le même temps, MSC et OOCL réceptionnent à grande vitesse, presqu’un par semaine, les plus de 24 000 EVP, qui chasseront sans doute et de façon progressive les plus petits et les plus anciens vers des lignes régionales. De sorte que les géants vont coloniser les grands marchés phares Est-Ouest.

Cohabitation de plusieurs carburants

Pour le Bimco, l'ensemble de ces éléments sont de nature à modifier la structure de la flotte de porte-conteneurs au cours des prochaines années, notamment du fait de l’introduction de carburants alternatifs alors que devraient cohabiter pas moins de cinq types de carburants. Les commandes de porte-conteneurs avec des carburants alternatifs atteignaient en début d’année le taux impressionnant de 40 %, selon Alphaliner.

« Plus de la moitié de la capacité en commande concerne des navires avec un certain niveau de préparation aux carburants alternatifs, contre seulement 10 % dans la flotte actuelle. Les premiers navires utilisant du méthanol seront livrés prochainement et les ceux prêts pour l'ammoniac seront également lancés. Cinq carburants différents pourraient être utilisés : le fuel à faible teneur en soufre et à haute teneur en soufre, le GNL, le méthanol et l'ammoniac », ajoute Niels Rasmussen. À mesure que l'utilisation de carburants alternatifs augmentera, il deviendra de plus en plus difficile d'établir une référence tarifaire unique et pertinente pour les marchés de l'affrètement à temps et des actifs, poursuit-il.

Nouvelle donne pour le marché de l'affrètement à temps

Aussi, du fait de ce carnet de commande massif et des achats compulsifs sur le marché S&P, qui relèvent pour une grande part de l’engouement des armateurs-exploitants, le marché de l'affrètement à temps pourrait s’en trouver modifié. « Avec l'augmentation de la part de propriété, les opérateurs n'auront plus aussi mécaniquement recours aux affrètements pour ajuster rapidement la capacité de leur flotte ».

Il y a dix ans, la part des propriétaires-exploitants dans la capacité de la flotte ne dépassait en effet pas les 50 %. Elle est remontée depuis à 61 %. Ce pourcentage devrait être porté à 65 % dans les années à venir, toujours selon le Bimco.

Les méthaniers aussi

Les porte-conteneurs ne sont pas les seuls à mobiliser actuellement les cales, et ce au moins jusqu’à 2025-2026. Les méthaniers font aussi les belles heures des constructeurs sud-coréens et dans une moindre mesure des Chinois qui montent en puissance sur ce marché et ont remporté 51 contrats de méthaniers l'an dernier.

Le courtier Braemar, qui fait de la période 2021-22 la plus active pour l'industrie mondiale de la construction navale depuis les booms de 2006-08 et 2013-15, estime cependant que le niveau de prix des nouvelles constructions (260 M$ pour une unité standard) dissuade certains propriétaires de passer de nouvelles commandes, jugées trop spéculatives. La flotte mondiale de ces navires très sophistiqués augmentera néanmoins de 36 % d'ici à 2027. Mais jusqu'à présent, les transporteurs de GNL sont plutôt concernés par le manque que par l’excès. Le courtier BRS, dans son rapport annuel, soutient que 168 méthaniers supplémentaires seront nécessaires dans les sept prochaines années.

Adeline Descamps

 

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