Le groupe italien de construction navale Fincantieri a annoncé le décès de celui qui incarna l’entreprise pendant une vingtaine d’années. Giuseppe Bono était entré en 2002 chez le constructeur naval italien à l'âge de 58 ans, après une carrière dans l'industrie.
Le dirigeant calabrais avait pris sa retraite en mai dernier, à l’âge de 78 ans, après que le gouvernement italien – la société Fintecna, contrôlée par le ministère italien de l’Économie, est actionnaire à hauteur de 71,64 % du capital –, a décidé de ne pas renouveler son mandat, invoquant son âge. Pierroberto Folgierio avait alors été désigné pour lui succéder à la direction générale tandis que Claudio Graziano a remplacé Giampiero Massolo à la présidence du conseil d’administration.
Pluie d’hommages
« L'Italie pleure la mort de Giuseppe Bono, guide historique de Fincantieri et figure de proue de l'industrie italienne », a réagi la Première ministre Giorgia Meloni sur les réseaux sociaux évoquant une « perte douloureuse pour toute la nation ».
Le président de la République Sergio Mattarella, les ministres Guido Crosetto (Défense), Giancarlo Giorgetti (Économie et Finances) et Adolfo Urso (Développement économique), mais aussi le secrétaire de la CGIL (Confédération italienne du travail) Maurizio Landini, nombreux sont les hommages qui lui ont été rendus.
Jusqu’au 12 novembre, jour des obsèques, les drapeaux ont été mis en berne au siège du groupe à Trieste et l'entreprise a observé une minute de silence à midi le 9 novembre. « Pour célébrer la contribution de Giuseppe Bono à la vie de l'entreprise, la salle du conseil d'administration du siège de la société, sera dédiée à sa mémoire. Une bourse d'études sera également activée en son nom pour commémorer les valeurs de formation et de dévouement au travail, qui ont toujours distingué son travail », indique l’entreprise.
Deux réussites...
Sous sa présidence, pas moins de 80 navires de croisière auront été livrés dans les chantiers du groupe. Giuseppe Bono est incontestablement l’artisan du développement de la construction de paquebots dont il fera un des leaders de son secteur (41 % du marché mondial). Fincantieri construit désormais pour la plupart des marques (Virgin, Viking Ocean Cruises, Norwegian Cruise Line, Oceania Cruises, MSC Croisières, Explora Journeys, Princess Cruises, TUI Cruises...)
Il est aussi l’homme-orchestre de la privatisation, bien que partielle, de Fincantieri en juillet 2014 (29 %) et de l’acquisition en 2013 du norvégien Vard (ex-STX), constructeur de brise-glaces, de navires spécialisés, paquebots et plateformes offshore dont les sept chantiers sont répartis en Norvège (Aukra, Brattvåg, Brevik, Langsten et Søviknes), en Roumanie (Brăila, Tulcea) et au Vietnam (Vũng Tàu).
…et un échec
En revanche, le projet de cession des Chantiers de l'Atlantique à l’Italien – un dossier ouvert depuis 2017 prévoyant que Fincantieri prenne 50 % du capital, plus 1 % supplémentaire prêté par l'État français, actionnaire à 84,3 %, qui se réserve le droit de le reprendre si le groupe italien ne respecte pas ses engagements –, a définitivement capoté en janvier 2021 à l’issue d’un long cheminement qui a repoussé à quatre reprises la date l’accord de vente et d'achat.
Si des raisons administratives ont été évoquées (des éléments qui n’ont pas été remis à la Commission européenne dans les temps), il semblerait surtout que la volonté politique n’était plus. Le sujet relève du caractère stratégique. Les grands paquebots représentent le seul domaine qui échappe encore à la redoutable concurrence des chantiers navals chinois, sud-coréens et japonais, maîtres du monde dans la construction de navires. Trois chantiers se partagent le marché : le français Chantiers de l'Atlantique, l’italien Fincantieri et l'allemand Meyer Werft. Le rapprochement entre Fincantieri avec le grand groupe de construction navale chinois CSSC n’a pas aidé.
Un carnet de commandes de 24 Md$
Aujourd’hui, l’activité de l’italien se répartit entre la construction navale civile (65 %) et le militaire (35 %). Les paquebots de croisière sont l’affaire des chantiers de Monfalcone, Marghera, Sestri Ponente et Ancône, ainsi que de ceux de Vard en Norvège et au Vietnam, tandis que les sites de Castellammare di Stabia et Ancône sont plutôt spécialisés dans les ferries. Muggiano et Riva Trigoso en Italie ainsi que Fincantieri Bay Shipbuilding et Marinette Marine aux États-Unis ont en charge les bâtiments militaires (porte-hélicoptères d’assaut, corvettes, frégates du programme européen FREMM...).
Giuseppe Bono a quitté le groupe en mai dernier en laissant un carnet de commandes d’une valeur de 24 Md$.
A.D.