On sait depuis fin juillet qu’il quitte la délégation française à l’Organisation maritime internationale (OMI) dont il faisait partie depuis 2006 et où, rattaché à la sous-direction de la sécurité maritime à la Direction des Affaires Maritimes, il a suivi les travaux du très médiatique Comité de la protection du milieu marin (MEPC) et du technique Comité de la sécurité maritime (MSC), et de deux de leurs sous-comités, le BLG (liquides et gaz en vrac) et le PPR (sous-comité sur la prévention et la lutte contre la pollution).
Après un intermède de deux ans en tant qu’adjoint au sous-directeur de la sécurité maritime, il rejoindra finalement en 2018 la représentation permanente de la France à l’OMI en tant qu'adjoint. Il vient d'être nommé directeur de cabinet du secrétariat général de l'OMI.
Antichambre des réglementations
C'est dans ces instances techniques de l’OMI que l'ex-chef du bureau de la réglementation et du contrôle de la sécurité et de la sûreté des navires dans l'administration française a consolidé cette réputation d’expertise technique.
Les comités et sous-comités sont les principaux instruments de l’OMI, là où s’édictent les règles auxquelles les États membres devront se conformer pour tout ce qui touche à l’environnement du navire (sécurité, construction, équipements, opérations, navigation, etc.).
Ils ont souvent été à l’origine de l’élaboration des grandes conventions internationales qui réglementent le transport maritime internationale, tel le MSC pour le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS).
Le MEPC, qui traite tout ce qui touche à la prévention et à la maîtrise de la pollution, a également été à l’origine de grandes avancées, telle l’obligation de la double coque pour les pétroliers pour limiter le risque de pollution en cas d’accident. Il contrôle le respect de la Convention Marpol.
Au suivi de trois grandes conventions
Damien Chevallier a en particulier suivi, au sein de ces organes, les travaux relatifs à la mise en œuvre de la convention internationale sur la gestion des eaux de ballast (BWM).
Depuis son entrée en vigueur le 8 septembre 2017, les navires neufs doivent être équipés d’un système de filtrage des eaux qu’ils pompent et rejettent de façon à éviter les contaminations des organismes vivants.
Il était aussi de la partie pour la Convention de Hong Kong, autre sujet épineux qui encadre strictement le recyclage des navires.
Seize ans après son adoption par l'OMI, jamais ratifié faute du quorum atteint, le traité, rédigé sous l'égide de l'OMI, d’ONG, de l'Organisation internationale du travail (OIT) et des parties prenantes de la Convention de Bâle, a fait un bond en juillet avec l’adhésion du Bangladesh et du Liberia qui déclenche son entrée en vigueur.
Le règlement prendra effet en juin 2025. Sa promulgation pourrait être une solution à quelques « désordres » dans le recyclage. C’est du moins ce que soutiennent les organisations professionnelles, qui militent pour que les armateurs européens puissent continuer à démanteler en Asie où la ferraille se vend à des prix plus élevés qu’en Occident. Or, le Règlement de l'Union européenne sur le recyclage des navires (EU SRR) impose que les navires battant pavillon d’un État membre s'adressent à un site agrée par l’UE dont la liste ne compte pas de chantiers asiatiques.
Enfin, et surtout, le Français a été particulièrement concerné par la réduction des gaz à effet de serre, qui concerne LE grand sujet du secteur : la décarbonation.
Poste exposé
Damien Chevallier, dont les médias peuvent témoigner de sa capacité à décrypter et décoder les lignes de force et le langage créatif de l'OMI sur des sujets eminemment complexes voire techniquement abscons, va donc désormais occuper un des postes les plus exposés du secrétariat général (300 fonctionnaires) : la direction du cabinet. Avec l’Assemblée (composée des 175 États membres) et le Conseil (40 membres), le secrétariat général compose le trépied de fonctionnement de l’Organisation.
Les connaissances en droit et en réglementation internationaux ne suffiront pas. Il faudra du doigté pour maîtriser les environnements administratif, institutionnel, politique… de cette maison souvent critiquée pour ses processus lourds et lents.
Ingénieur en constructions navales militaires, l'administrateur des affaires maritimes a débuté sa carrière dans les bureaux d’étude et les chantiers de l’industrie navale militaire avant d'intégrer le centre de recherche et de la direction de programme du ministère de la Défense où il a notamment travaillé sur des projets de navires de surface et de sous-marins.
Recrutement en lien avec le nouveau secrétaire général
Depuis le 1er septembre, il est en poste alors même que sa nomination est sans doute en lien avec l’élection du nouveau secrétaire général Arsenio Antonio Dominguez Velasco à partir du 1er janvier 2024.
Le Conseil de l'OMI, qui s'est réuni en juillet, a retenu la candidature du Panaméen pour succéder à Kitack Lim pendant quatre ans.
Damien Chevallier et Arsenio Antonio Dominguez Velasco partagent quelques points. Ce dernier a rejoint le secrétariat de l'OMI en 2017, d'abord en tant que chef de cabinet de Kitack Lim, avant d'être nommé en 2020 directeur de la division administrative. Mais avant cela, il avait présidé le MEPC pendant trois ans et dirigé le groupe de travail du MSC.
Une décennie à enjeux
Arsenio Antonio Dominguez Velasco arrive à la tête du régulateur du transport maritime à l’aube d’une décennie capitale.
Sa fonction sera d’abord et avant tout celle d’un maître des horloges, l’urgence climatique dictant le tempo, avec une première ligne d’arrivée à franchir dès 2030.
Le MEPC 80, qui s’est tenue en juillet, a validé le principe d’une décarbonation complète (le « zéro nette émission » de la flotte mondiale) à horizon 2050.
Rien n’a en revanche vraiment été décidé concernant les mesures (techniques et économiques) pour permettre d'atteindre les objectifs de réduction, à savoir une norme sur les combustibles marins réglementant leur intensité carbone et un mécanisme de tarification des émissions carbone, quelle que soit sa forme.
L'OMI est, entre autres, bousculée sur son flanc européen. L’Union européenne de la présidente Ursula von der Leyen se montre bien plus proactive pour ancrer le transport maritime dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS, marché carbone).
La France parmi les États proactifs
La France fait partie des États qui soutiennent à l'OMI une ligne dure, celle qui ne veut pas transiger sur la conformité à l’Accord de Paris sur le climat.
À l’occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, que la France a organisé les 22 et 23 juin avec l’Inde, le président français Emmanuel Macron a tenté un coup, à quelques jours de la tenue du MEPC 80, en relançant les débats sur le principe d'une taxe mondiale climatique pour le transport maritime. Avec des chances minimes de succès, faut-il ajouter.
Adeline Descamps
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