Cunard, la plus vieille compagnie de croisière et de transatlantique encore en activité, a été la première du groupe Carnival à annoncer qu’elle resterait à quai jusqu’en 2021. Certains de ses navires auront donc été inactifs pendant un an avant de reprendre le service. Elle bouscule par ailleurs son offre. Elle n’est pas la seule.
S'adapter ou couler ? L'incertitude quant à l'accès aux ports et l’éventualité de restrictions supplémentaires ou prolongées dans le temps ont forcé deux des compagnies de croisière du groupe Carnival Corp. à rester à quai jusqu'en 2021 et pour certaines destinations jusqu'à la mi-2021. La suspension mondiale aura alors duré un an.
L’historique Cunard, plus vieille compagnie (fondée en 1840) transatlantique encore en activité, a été la première à jouer les prolongations jusqu’à l’année prochaine alors que la plupart des compagnies de croisières ont pour l’heure annulé des départs prévus sur l’année 2020. Cunard a également révisé ses futures opérations. Les croisières au long cours, au départ de l'Angleterre vers l'Australie, l'Asie et le monde entier, et à bord notamment des Queen Mary 2, Queen Elizabeth et Queen Victoria, font les frais de cette révision.
Décision douloureuse pour le Queen Elizabeth
Ainsi, le Queen Elizabeth n’opérera sur ses destinations habituelles jusqu'au 25 mars 2021, le Queen Mary 2 jusqu'au 18 avril 2021 et le Queen Victoria jusqu'au 16 mai 2021. Parmi les voyages annulés figurent notamment les Tours du monde. La compagnie ne prévoit pas de les reprogrammer avant janvier 2022.
La décision la plus douloureuse concerne le Queen Elizabeth, qui devait retourner en Asie, en Australie, au Japon et en Alaska. Toutes les croisières prévues sur ces marchés sont annulées jusqu'au 13 décembre 2021. Cunard prévoit de se recentrer sur les croisières européennes et sur des séjours de plus courte durée. Le Queen Elizabeth trouvera un nouvel emploi au départ de Southampton pour des navigations entre trois et 14 nuits de navigation, puis en Méditerranée au départ de Barcelone.
Quête de confiance du client
Holland America a également annulé ses longs séjours, dont la croisière mondiale qui devait partir en janvier prochain. En juillet, la compagnie a du se resigner à vendre quatre navires pour trouver des liquidités. Autre compagnie de croisière de Carnival Corp., Princess Cruises s’est enchâssé dans les pas de ses consoeurs, annulant une croisière mondiale et une croisière autour de l'Amérique du Sud. Toutes les trois estiment reconnaissent que les « voyageurs peuvent hésiter à faire les longues croisières qui les emmènent loin de chez eux » .
Croisières : MSC se jette à l'eau
Comment l'industrie des croisières va-t-elle se remettre du covid ?
Symbolique, le 16 août, le MSC Grandiosa est le premier navire de la flotte MSC Croisières a avoir repris la mer au départ d’un port italien après près de six mois d’arrêt. Pour cette première phase de reprise des opérations, les deux fleurons de MSC Croisières, initialement prévus pour opérer en Méditerranée cet été – le MSC Grandiosa et MSC Magnifica en Méditerranée orientale –, n'accueilleront que des passagers résidant dans les pays de l’espace Schengen. L’évenement n’est pas anodin. L’enjeu est multiple pour les acteurs européens de la croisière. Il s’agira de faire la démonstration que la croisière peut reprendre du service sans fracas alors que l’armateur norvégien Hurtigruten, qui avait défriché la voie, a déjà dû renoncer après avoir détecté des premières contaminations au coronavirus sur des dizaines de passagers et membres d’équipage.
Il faudra par ailleurs restaurer la confiance du passager alors que la crise sanitaire a placé le paquebot dans un statut de nid à virus et fait de la croisière une destination mortelle. Les images relayées par tous les médias montrant les navires errer en mer parce qu’aucun port ne voulait les accueillir ont été dévastatrices pour cette jeune industrie, qui avec 25 millions de croisiéristes gagnés en 25 ans, était promise à un avenir radieux il y a encore quelques mois.
L’enjeu est aussi économique et financier alors que le secteur doit déjà déplorer la faillite de deux compagnies, l’Espagnole Pullmantur et la Britannique CMV. Aux États-Unis, où la quasi-totalité des paquebots est à quai, le spectre d’une année blanche hypothèque un demi-million d’emplois directs et indirects et coûterait quelque 50 Md$.
Croisières Covid
Quelques jours à peine après ce départ, MSC devait se résigner à reporter la reprise du MSC Magnifica, faute de réservations.
Quoi qu’il en soit, les quelques entreprises qui ont mis à l’eau quelques paquebots éclaireurs ont eu la main lourde sur les protocoles : arrivée aux terminaux de croisière à des heures fixes, contrôle régulier des voyageurs par des vérifications de température, examens médicaux, questionnaires de santé et test par écouvillonnage, assainissement des bagages à main et des bagages en soute. Tous les passagers de MSC ont reçu un bracelet connecté afin de limiter les contacts à bord du navire. « Il contribuera à faciliter la recherche de contact en cas d’infection », fait valoir l’entreprise.
D'autres compagnies de croisières – TUI Cruises et Hapag Lloyd – ont expérimenté des voyages inauguraux « sans escales » (donc sans escale en ville) et soumis leurs clients à des contrôles par image thermique avant l'embarquement, réduit leur accueil, le nombre de tables dans les restaurants, aux événements sportifs et au divertissement…
Pour ajouter à la douleur du secteur, le Foreign and Commonwealth Office a interdit et/ou recommandé aux plus âges d’éviter la croisière. La triple sanction pour le secteur : ils forment le noyau dur de la clientèle, sont les plus fidèles à ce mode de voyager et le Royaume Uni est un des marchés sources européens de la croisière.
Adeline Descamps