Covid-19 : Le coup de grâce pour le vrac sec

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Le coup de frein porté à l’activité industrielle chinoise affecte directement le transport de matières premières, à commencer par le charbon et le minerai de fer en provenance du Brésil ou d’Australie, dont sont gourmandes les centrales électriques et aciéries chinoises. Le BDI touche son plus bas niveau.

Vorace en matières premières, la Chine engloutit 35 % des importations de vrac sec par voie maritime et consomme près de 40 % de la production mondiale de métaux. Étant donné la forte dépendance de ce marché à la demande chinoise, « le vrac sec devrait être le plus durement touché », indique le Bimco (Baltic and International Maritime Council) dans une réactualisation d’un premier état des lieux réalisé il y a quinze jours (Global shipping holds its breath as the coronavirus continues to spread). Le virus porte en effet un coup de canif supplémentaire au segment, que la mise en œuvre de la réglementation de l'OMI 2020 et le ralentissement saisonnier des échanges pendant le nouvel an chinois avaient déjà mis à l’épreuve.

La situation s’est rapidement matérialisée dans les taux de fret. Mi-février, le Baltic Dry Index (BDI), l'indice qui reflète chaque jour les tarifs pratiqués sur les vingt routes de transport en vrac de matières sèches jugées représentatives du marché, a dégringolé de 80 % depuis son pic du mois d’août. Nonobstant un effet de base – l’anticipation de la basse saison gonfle la demande en fin d'année, entraînant les indices vers le haut, accentuant « l’effet chute » dans la période qui suit –, le vrac sec touche néanmoins son point le plus bas depuis 2016.

©Bimco – Global shipping holds its breath as the coronavirus continues to spread

Revenu journalier à 2 735 $

Et les navires, qui assurent le transport du charbon et du minerai de fer destinés à la production d'acier chinoise, souffrent tout particulièrement. L’indice des capesize (100 000 à 199 900 t) navigue de fait en territoire négatif depuis fin janvier. Le segment sort à peine du choc provoqué l’an dernier par la fermeture de mines de fer brésiliennes du géant brésilien Vale suite à la rupture d’un barrage de résidus à Corrego do Feijao dans le sud-est du Brésil. Il est en outre fragilisé par la mise en œuvre de la réglementation IMO 2020 sur la teneur en soufre des carburants marins. Les navires équipés de scrubbers, qui leur permettent de conserver un carburant à haute teneur en soufre, profitent à plein des prix actuellement bas du HFO à 3,5 %. Ceux qui ont fait le choix des nouveaux carburants, à moins de 0,5 %, subissent actuellement un surcoût de 75 %. 

« L'indice en lui-même ne donne que peu d'informations utiles, modère Peter Sand, analyste en chef des transports maritimes au sein du Bimco, qui préfère s’en tenir au « salaire » journalier moyen. Celui des capesize s 'établissait à 2 735 $ par jour le 20 février 2020 ».

Stocks d'acier au plus haut

L’armateur de vraquiers Louis Dreyfus Armateurs, rompu au mouvement de roulis de ce marché « diaboliquement versatile », selon l’expression de Philippe Louis-Dreyfus, a notamment suspendu les relèves d'équipages en Chine et n'autorise plus ses marins à descendre à terre, ce qui perturbe considérablement les escales. L'australien BHP, plus grand producteur mondial de minerais, a prévenu que sa production serait affectée, à moins que l'épidémie ne soit contenue d'ici à fin mars.

En attendant, les stocks d'acier de la Chine ont plus que doublé depuis la mi-janvier. Selon la China Iron and Steel Industry Association (CISA), l’inventaire des cinq principaux produits sidérurgiques s'élève actuellement à environ 34,28 Mt, dépassant le niveau historique de 25,3 Mt atteint en mars 2018. Les aciéries vont en outre être confrontées à des difficultés pour expédier toutes leurs commandes à l'exportation en mars.

Le gonflement des stocks va inévitablement mettre la pression sur les prix du minerai de fer, la Chine pesant environ pour 65 % dans les importations mondiales. La plupart des aciéries chinoises ont réagi en ajustant à la baisse leur production, si bien que seules 38 cargaisons ont été comptabilisées en février par rapport aux 62 à la même période l'année dernière, d’après les relevés du Bimco, qui représente en tonnage la plus importante association mondiale d’armateurs.

Production en repli de 15 % 

Citant le Commodore Research, l’organisation indique en outre que la combustion de charbon dans six grandes centrales électriques a diminué de 51 % depuis le 1er janvier 2020. Les analystes estiment à cet égard que pour tenir son objectif de croissance du PIB à 6 %, Pékin pourrait donner la priorité à la production nationale plutôt qu'aux importations de charbon. Adam Kent, directeur général de MSI, évalue le repli des importations chinoises de charbon à environ 6 % en 2020.

Pour l’heure, les impacts sur les pays très dépendants de la Chine, à l'image du Chili, qui extrait presque un tiers du cuivre mondial, ou du Brésil, premier producteur mondial de soja, ne sont pas encore finement analysés.

La China Nonferrous Metals Industry Association a indiqué que les fonderies chinoises réduiront leur production de plus de 15 % en février par rapport à janvier et que la production de mars pourrait également être affectée, sans mentionner le tonnage pour la production de janvier. En décembre, elle avait atteint un record mensuel de 930 000 t. « Les entreprises de transformation du cuivre en aval dans le Sud et l'Est de la Chine ont reporté leur retour au travail au 10 février, mais certaines entreprises chinoises ne redémarreront qu'après le 15 février ».

Pour tous, la question qui les hante demeure la même que celle qui se posait au début de l’épidémie : quand la Chine va-t-elle (vraiment) se remettre au travail ? Seul moyen de « graisser » les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Adeline Descamps

 

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