Depuis deux décennies, on veut mettre définitivement les navires conventionnels qui transportent des produits frais et périssables au frigo. Mais la guerre froide avec les porte-conteneurs n’a pas encore livré la dernière bataille. Ils résistent même s’ils ont cédé, chaque année, un peu plus de terrain face au rouleau compresseur de la conteneurisation. Après avoir disposé d’une part de marché de 60 % en 2000, les navires conventionnels en détiennent moins de 30 % aujourd’hui.
2020 avait toutefois fait exception. L’an dernier, le conteneur réfrigéré a cessé de prendre des parts de marché à la faveur la crise sanitaire. 2021 devrait s’inscrire dans la même lignée. En raison de la pénurie de porte-conteneurs et des boîtes, de la flambée des taux de fret, des perturbations qui ont détourné les marchandises de leurs ports de destination, de l’engorgement portuaire qui s’est traduit par l’application de surestaries, les conventionnels connaissent un regain d’intérêt.
En 2020, par exemple, deux fois plus de navires conventionnels en sortie d'Afrique du Sud avaient fait escale à Rotterdam pour la saison des agrumes, selon le consultant néerlandais Dynamar, auteur d’une étude annuelle au marché mondial du reefer dans le transport maritime (Dynamar Reefer Analysis Market Structure Conventional Containers).
Les 15 premiers opérateurs contrôlent 54 % de la capacité mondiale
Pour autant, l’embellie n’est qu’éphèmère. Leur déclin semble inéluctable. Le nombre de ports mondiaux en mesure de les accueillir continue de s’élaguer. Les capacités reefers des porte-conteneurs ne cessent de croître avec la croissance mondiale de la flotte.
Au 1er juillet 2020, les 5 300 porte-conteneurs en service totalisaient une capacité de 23,47 MEVP dont 2,48 millions de prises frigorifiques Maersk revendique un parc de 380 000 conteneurs réfrigérés et le transport de près d'un sur quatre dans le monde. Avec le leader mondial de la ligne conteneurisée, MSC, CMA CGM, Cosco, ONE et Hapag-Lloyd contrôlent plus de 75 % de la capacité frigorifique conteneurisée.
S’il y a une donnée que le conventionnel partage avec le porte-conteneur, c’est bien la concentration du marché. En cette fin d’année, les quinze plus grands opérateurs mondiaux détiennent 54 % de la capacité mondiale (211 navires et 2,46 millions de m3 d’espaces frigorifiques) sur un total de 548 navires (capacité de 49 510 EVP).
Baltic Shipping toujours en tête
Avec 10,3 % du marché mondial, le danois Baltic Shipping, via sa filiale Cool Carriers, reste le premier opérateur mondial, place ravie il y a quelques années à Seatrade. Après avoir vu ses parts de marché s’effriter jusqu’en 2019, l’anversois récupère de l’aplomb (7,9 % en 2020 mais 8,4 % aujourd’hui) à la faveur de son acquisition du britannique Geest Line via une joint-venture avec le conglomérat Jamaica Producers.
Parmi les évolutions notables dans le Top 5 ces dernières années, la course aux parts de marché à laquelle se livrent Green Sea (5,5 %) et l’Allemand Frigoship (7,4 %), permutant les places ces dernières années. Jusqu’à présent l’allemand avait tendance à être relégué mais il a repris de l’ascendant au point de se hisser du 6e au 3e rang mondial en moins de trois ans.
Source : Sur la base des données de Dynamar
Africa Express Line remonte dans le classement
Africa Express Line, filiale du groupe marseillais Compagnie fruitière, gravit aussi les échelons dans le palmarès mondial, désormais fixé à la 6e place avec 3 % de parts de marché.
La compagnie, dont l’actionnaire est un néogociant de denrées périssables, n’est pas un cas isolé. Parmi les premiers opérateurs mondiaux, cinq assurent le transport de leur maison mère : outre Africa Express Line, Cosiarma (Orsero Group), Great White Fleet (Chiquita), Dole Ocean Cargo Express (Dole) et Network Shipping (Del Monte). Avec une capacité consolidée de 482 000 m3, leur part s'élève désormais à 9,5 %. Parmi eux, Great White Fleet, qui s'est débarrassé de son dernier navire conventionnel il y a quelques années, a effectué un retour sur le marché.
Adeline Descamps