Conteneurs : surtaxes élevées à prévoir cet été

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Les compagnies annoncent des surtaxes sur leurs services transpacifiques en direction de l’Est pour le mois d’août. Les lignes transatlantiques en direction de l'Ouest seront également soumises à de nouveaux « peak season surcharge » en raison de la congestion des ports et de la réaffectation des capacités de transport.
Les armateurs ne semblent pas démentir les augures de conjoncture qui tablent encore pour quelques mois sur une persistance de la demande d'importations en Amérique du Nord. Ils signifient aussi que l'espace disponible sur les navires au départ de l'Asie reste une denrée rare. 

À ce niveau de déphasage entre l’offre et la demande, les mesures sont radicales et unilatérales. Il y a peu de place pour les négociations entre les prestataires et leurs clients sur d’éventuelles augmentations de surtaxe et de taux nominés. « Pas de place », rectifie un des auteurs des quelques indices de référence du marché alors que les engagements de quantité minimale indiqués dans les contrats ne seraient même pas respectés, pestent les transitaires.

4 000 $ de VAD

« En raison de la persistance d'une demande extraordinaire de la part de la Chine et des défis opérationnels qui en résultent tout au long de la chaîne de transport, Hapag-Lloyd mettra en place une surcharge de valeur ajoutée [value added surcharge] pour toutes les marchandises transportées dans le cadre de nos directives FAK régulières », indique l'armateur allemand dans une adresse à ses clients le 16 juillet.  

La surtaxe entrera en vigueur le 15 août 2021 et elle est particulièrement élevée : 4 000 $ pour les conteneurs de 20 EVP et 5 000 $ pour ceux de 40 pieds (FEU) entre de Chine vers l'Amérique du Nord (États-Unis et Canada) 

Cette surcharge n'affectera pas les contrats à moyen ou long terme et est destinée à remplacer d'autres surcharges ad hoc telles que le SGF (Shipment Guarantee Fee), précise la compagnie.

Cette surtaxe dépasse à elle seule le coût total du fret par conteneur de l'Asie du Nord à la côte est de l'Amérique depuis juillet 2017 jusqu'à il y a début juin, a calculé Platts. Son indice, Platts Container Rate (PCR) 5 était de 8 600 $/FEU le 16 juillet. Idem vers la côte ouest de l'Amérique du Nord depuis au moins juillet 2017, le PCR13 étant à 7 400 $/UTF le 16 juillet. 

Pares-feux

Hapag-Lloyd n’est pas le seul à avoir allumé tous les pares-feux pour couvrir ses frais alors que la haute saison, qui s'étend d'août à novembre, pointe son nez. À cette époque de l’année, les détaillants se réapprovisionnent avant les fêtes de fin d'année. Mais le coronavirus a fait exploser tous les plannings. La Golden Week, le nouvel an Lunaire et autres temps forts qui rythment d’ordinaire le marché ont volé en éclats. La trajectoire de la demande est aujourd’hui linéaire mais à des niveaux élevés.  

Cette année, le réassort des détaillants, notamment américains, a été largement anticipé du fait de la forte congestion de la chaîne d'approvisionnement.  

Surcharge de congestion de 5 000 $

Les clients transpacifiques de ZIM ont reçu dernièrement un avis les informant qu'une surcharge de congestion (CGS) entrerait en vigueur à partir du 6 août, ce qui viendra surenchérir de 5 000 $ les coûts de transport entre l'Asie de l'Est et les États-Unis, à la fois sur une base de 20 et 40 EVP. 

Le numéro deux mondial MSC imposera également une surcharge de congestion de 1 000 $/EVP de l'Asie orientale vers les États-Unis et le Canada à partir du 1er septembre. Cette mesure s'ajoute aux surtaxes de haute saison (PSS) imposées déjà pour cette route depuis le mois de mars et qui ont été augmentées de 2 500 $/FEU en juin.

PSS sur la plupart des lignes

ONE, dont le siège est à Singapour, a annoncé un PSS pour l'Asie de l'Est, à l'exclusion de la Chine, vers l'Amérique du Nord de 2 000 $/FEU à compter du 1er août. Le PSS de la Chine vers l'Amérique du Nord sera de 1 000 $/FEU. Les lignes transatlantiques en direction de l'ouest ne sont pas épargnées.  

ONE a mis en place un PSS de 3 000 $/FEU qui entrera en vigueur le 4 août pour les envois de l'Europe vers la côte Est des États-Unis, tandis que la compagnie française CMA CGM a annoncé un PSS de 1 250 $/FEU pour l'Europe du Nord vers la côte Est des États-Unis et la côte du Golfe du Mexique à partir du 4 août. 

L’Europe à la traîne

Sur le plan opérationnel, les porte-conteneurs restent très sollicités et les taux de fret gardent leur vigueur stratosphérique. La conjoncture s’y prête et la Banque mondiale n’y apporte aucune nuance.

Dans son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales, elle évoque la plus forte croissance mondiale post-récession depuis 80 ans, relevant ses prévisions de croissance pour 2021 de 1,5 point à 5,6 %, la Chine flirtant avec les 8,5 % et les États-Unis avec les 6,8 %. L'Europe a été à la traîne de l'élan de stimulation des États-Unis, mais la Banque centrale européenne pourrait lui donner du souffle avec de nouvelles orientations monétaires, Christine Lagarde « teasant » dans les médias qu'il y aurait des « changements intéressants ». 

En attendant la normalisation

En attendant, les carnets de commandes des porte-conteneurs équivalent désormais à environ 21% de la flotte en exploitation. Les achats et ventes n’ont jamais été à un niveau élevé avec plus de 300 transactions enregistrées.  

« Le temps que l'offre de navires supplémentaires arrive sur le marché à partir de 2023 et/ou que les pénuries actuelles se rééquilibrent avec la normalisation de la demande, il semble que les propriétaires de conteneurs disposent d'une marge de manœuvre prolongée pour profiter de la hausse », indique le courtier Intermodal. 

Le rapport Seafarer Workforce 2021 réalisé par l’ICS (Chambre internationale de la marine marchande) et le Bimco (fédération d’armateurs et d’exploitants de flotte, tous segments confondus) établit trois scénarios de développement de la flotte. Dans le cas de croissance faible, il y aura en moyenne 567 navires entrant dans la flotte chaque année. Dans un profil de croissance stable, la flotte augmentera à un rythme plus lent et devrait avoir un taux de croissance annuel de 0,75 %. Si le commerce mondial est dynamique, la flotte mondiale devrait dépasser 80 000 navires en 2025, avec un taux de croissance annuel de 1,75 %.  

Plein les gaz

Faute de porte-conteneurs disponibles sur le marché, dans l’attente des livraisons, mais sans perdre une miette du marché, il reste une solution : mettre les gaz au risque de réduire à néant tous les efforts consentis ces dernières années à pratiquer le slow steaming (navigation lente) pour réduire les émissions polluantes générées par la combustion des navires. Et au risque aussi de faire exploser la facture du bunker, à laquelle les transporteurs veillent d’ordinaire avec un sens aigu de la parcimonie.  

C'est exactement ce qu'ils font, à en croire VesselsValue et les données du système d'identification automatique (AIS) sur la position des navires de MarineTraffic : les porte-conteneurs se déplacent plus rapidement.  

D’après VesselsValue, la vitesse moyenne mondiale des porte-conteneurs a augmenté à 14,9 nœuds ces dernières semaines, égalant les sommets de 2017-18 et frôlant la moyenne mensuelle la plus élevée depuis 2012. La vitesse est en hausse de 6 % sur une base annuelle.

 Pour les plus grandes unités (10 à 15 000 EVP) opérant sur les lignes Est-Ouest, la vitesse moyenne mondiale repérée ce moi-ci est de 16,5-16,6 nœuds. Sur les services transpacifiques, elle est encore plus élevée selon VesselsValue, à 17,8 nœuds. De plus en plus de porte-conteneurs naviguant à 24 nœuds ont été repérés sur la route transpacifique par le système AIS.  

L’accélération permet-elle de libérer de l'offre supplémentaire ?

La navigation lente a certes du sens quand le cours du baril est élevé ou pour absorber la surcapacité. Un trajet de neuf semaines l'Asie et l'Europe du Nord s’étire avec le slow steaming jusqu'à 12 semaines. Or, la donne actuelle n’est précisément pas à la surcapacité…

L’accélération permet-elle de libérer de l'offre supplémentaire ? Sans doute mais peut-être avec un niveau de congestion qui, dans certains ports, contraint les navires à attendre jusqu’à une semaine pour avoir un poste à quai… « Si vous accélérez juste pour attendre dans un port, quelle différence cela fait-il vraiment ? » note Alan Murphy, à la tête de la société Sea-Intelligence.

Adeline Descamps


 

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