Conteneur : retour sur une année d'évolution de taux de fret

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En un an, le panorama aura bien changé pour la ligne conteneurisée. La manifestation la plus remarquable demeure la descente en piqué des taux de fret au second semestre après un décrochage progressif dès la fin du premier trimestre. Il y a un an, beaucoup se demandaient jusqu’où les prix pouvaient grimper alors qu'ils semblaient inoxydables. Aujourd’hui, les mêmes se demandent jusqu’à quelle profondeur ils peuvent forer.

Au terme d’un voyage de deux ans dans un endroit où les lois physiques n’ont plus cours, les taux de fret ont quitté leur orbite et ont fini par toucher terre en 2022, où les attendait un triple comité d’accueil : énergie, inflation, géopolitique.

La crise énergétique provoquée par la guerre en mer Noire, l’inflation indomptable, l'économie mondiale aux frontières de la récession et la détérioration de la situation économique de la Chine ont sifflé la fin de partie. Sans rétrofusées pour ralentir le mouvement avant l’atterrissage, les taux de fret ont été secoués dans tous les sens durant les tout derniers mois de l’année alors que le premier semestre les avait ménagés.

L'indice SCFI (Shanghai Containerized Freight Index), qui suit les prix au comptant du fret conteneurisé de Shanghai vers un grand nombre de destinations mondiales, a démarré l’année 2022 à 5 109,60 points, alors en hausse de 78 % par rapport à 2021. Il a atterri à 1 107,55 à l’extrême limite de l’année, après 28 semaines consécutives de désescalade. Dans un singulier mimétisme, cette dernière évolution le place à un niveau inférieur de 78 % à décembre 2021. A l'aube de la nouvelle année, il semblait toutefois se stabiliser.

De 9 302 à 2 000 $

L’indice de Drewry, le World Container Index (WCI), a terminé sa course annuelle à 2 120 $ alors qu’il s’établissait à 9 302 $ un an auparavant. Il faut désormais compter 1 992 $ pour transporter un conteneur de 40 pieds entre Shanghai et Los Angeles, contre 10 221 $ le 30 décembre 2021. Il n’est désormais plus qu’à 557 $ au-dessus de son niveau de fin décembre 2019. Vers la côte Est, où la congestion persistante a permis de contenir la descente en piqué, les prix sont passés de 13 094 à 3 889 $.

Partant d’un niveau similaire (13 642 $) sur la route entre le premier port mondial et son équivalent européen Rotterdam, l’atterrissage est plus rude, à 1 706 $. La Méditerranée, comme la côte est-américaine, a été un peu plus épargnée par la chute, passant de 12 832 à 2 879 $ entre décembre 2021 et 2022. Les routes méditerranéennes et transatlantiques ont offert un petit îlot de résistance qui pourrait n’être que temporaire au regard de la capacité qui y sera déployée dans les semaines à venir.

Selon Sea-Intelligence, depuis la mi-décembre 2022, la ligne Europe du Nord-côte Est américaine serait exploitée avec un tonnage supérieur de 20 % au niveau de 2019. Et à la mi-février 2023, ce tonnage devrait encore augmenter de 30 %. La capacité depuis la Méditerranée devrait aussi être supérieure en janvier-février 2023 de 25 % par rapport à 2019.

Tractations sur les prix

Si le spot a touché le fond, la baisse de la demande mondiale a également emmené les taux contractuels vers les bas-fonds. Le China Containerized Freight Index (CCFI, qui reflète les taux négociés avec les transporteurs maritimes), après avoir atteint un sommet (3 587 points) le 11 février 2022, n’était plus que de 1 307 points en décembre. À l’été 2022, les courbes des deux types de contrats se sont croisées, si bien que les prix contractés sur une longue durée se sont retrouvés bien moins intéressants que ceux du marché flottant, au grand dam des chargeurs qui avaient basculé de l’un à l’autre pour sécuriser de l’espace à bord à prix compétitif.

Retour de manivelle pour les transporteurs, la plupart des contrats Asie-Europe parviennent à leur terme le 1er janvier tandis qu’entre Asie et Etats-Unis, ils expirent le 1er mai. La grand-messe annuelle du transport maritime de conteneurs TPM, moment clé pour les tractations entre chargeurs et compagnies, devrait donner la tonalité des tarifs.

Les nouveaux contrats négociés entre ces deux échéances ou ceux existants renégociés à mi-parcours (les chargeurs souhaitant transférer davantage de volumes vers le spot), ont déjà acté une baisse drastique des prix. « Nous avons dû nous asseoir et revoir la tarification pour préserver notre clientèle et nos volumes », avait reconnu Xavier Destriau, directeur financier de ZIM à l’occasion des résultats du troisième trimestre. Le seul parmi les transporteurs à l’admettre d’ailleurs.

Dans le dernier sondage réalisé par Xeneta auprès de ses clients chargeurs, 12 % ont reconnu avoir cherché à transférer des volumes vers le marché à court terme, 27 % ont renégocié les contrats à long terme existants ou prévoient de le faire au cours du premier trimestre 2023.

Quant à la durée des contrats à venir, 14 % des sondés ont déclaré qu'ils négociaient pour une durée de trois à six mois, 21 % pour un an avec des ajustements trimestriels, tandis qu’un peu moins d’un tiers entendait préserver la durée annuelle.

Inversion des rapports de force 

« Les indicateurs laissent présager des baisses de taux considérables par rapport aux niveaux actuels, et plusieurs des principaux marchés d’Asie prévoient de nouveaux contrats à long terme beaucoup plus proches des taux de référence au comptant actuellement très bas », estime Patrik Berglund, le PDG de Xeneta.

Il peut difficilement en être autrement. Lorsque les négociations entre chargeurs et transporteurs se sont conclues pour le transpacifique par exemple, route où les taux de fret ont été les plus élevés, elles l’ont été sur la base d’une moyenne comprise entre 6 500 et 8 500 $ par conteneurs de 40 pieds, selon les conditions et les engagements de volume.

Des premières évaluations font état de taux compris dans une fourchette entre 1 500 $ et 3 500 $. Le prix ne sera pas le seul facteur en discussion. L'an dernier, dans une indéniable position de force, les transporteurs ont imposé leurs exigences, en termes de volumes minimaux, de pénalités et de clauses contractuelles. Le pouvoir de négociation a changé de camp mais les transporteurs seront néanmoins sur les talons pour parvenir à imposer des conditions exécutoires.

Le facteur Chine

Baisse des taux spot, renégociation des taux contractuels, arrivée massive de nouveaux navires sur le marché, chute drastique de la demande de transport, les ennuis volent en escadrilles pour les transporteurs. Même la congestion, qui a entretenu savamment pendant deux ans les tarifs au zénith, a déserté.

Direction outre-Atlantique, dans le point de congestion le plus important au monde. Alors que le 9 janvier 2022, 109 porte-conteneurs attendaient au large de Los Angeles/Long Beach, et environ 150 au large de tous les ports américains, il n’y en a plus sur la côte ouest tandis que l’embouteillage est en passe de disparaître également sur la côte Est.

Dans le passage à vide qui s’annonce, le facteur Chine n’est pas le moindre. Si un doute persistait encore sur son rôle névralgique, le coronavirus l’a terrassé. La Chine est essentielle au monde et au transport maritime en tant que première source mondiale de produits manufacturés (conteneur), plus grand importateur de matières premières (vrac sec), plus grand affréteur de pétroliers et deuxième acheteur de GNL (vracs liquides). Ses usines construisent plus de 90 % des conteneurs en circulation dans le monde. Elle possède sept des dix premiers ports à conteneurs du monde.

Zone d’ombre

Quand la seconde puissance mondiale chancelle, le transport maritime chavire. Or Pékin a connu en 2022 les premières heures difficiles de son histoire économique. Le fonctionnement au ralenti de la locomotive portuaire mondiale Shanghai a également pesé sur le commerce mondial. Mais le géant chinois a démontré à plusieurs reprises sa diligence à réagir quand une de ses filières est menacée.

Le Fonds monétaire international prévoit une croissance de son PIB de seulement 3,2 % cette année, loin des 8,1 % de 2021 et encore davantage des croissances à deux chiffres auxquelles elle avait habitué ses obligés. En 2022, sa politique radicale à l’égard du virus a mis à mal sa robuste machine de production et d’exportation. Mais le géant chinois a démontré à plusieurs reprises sa diligence à réagir quand une de ses filières est menacée.

« La seule certitude que l’on ait pour 2023 est la grande incertitude » est la citation qui a eu le plus de succès en 2022. Elle est valable pour toutes les parties à une nuance près : les compagnies maritimes entrent dans cette zone d’ombre avec une aisance financière qui autorise une certaine sérénité.

Adeline Descamps

 

 

 

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