Idéalement placés aux abords immédiats du cœur économique de l'Europe, Rotterdam, Anvers, Hambourg n'ont guère de concurrents susceptibles de menacer leur position en tête des ports européens. Ils bénéficient à la fois d'un solide hinterland et d'une conséquente activité de transbordement qui leur donnent une assise des plus confortables.
« Les principaux ports européens sont dans leur grande majorité des ports multifonctions même si quelques situations spécifiques existent comme les ports rouliers notamment dans les détroits (Calais, Dublin ou Rostock) ou les ports pétroliers tels Milford-Haven ou Skoldvik », notent Arnaud Serry et Ronan Kerbiriou. Les chercheurs à l'Université Le Havre Normandie viennent de publier une étude sur le trafic des ports européens.
Zeebrugge de retour dans le jeu
Leur évolution au cours de la décennie 2009-2019 est à l'avenant : + 37 % à Rotterdam pour atteindre 14,8 MEVP, + 45 % à Anvers pour 11,9 MEVP. Seul Hambourg, à 9,3 MEVP, accuse un recul de 6 % dû à la crise de 2008 et à la récession qui s'en est suivie en Russie et dans les pays Baltes, alors qu'une grande partie de ses transbordements concerne précisément cette région.
L'étude rappelle aussi l'instabilité des positions et donne en exemple Zeebrugge qui « après des années 2000 assez fastes, a connu pendant quelques années des difficultés avec ses opérateurs conteneurs ». Une partie de son trafic s’est reporté sur Anvers. « Depuis 2017, Zeebrugge regagne des parts de marché sur le range et revient dans le jeu mais reste dans le bas de classement. »
Usages intra-européens
Certes, la route domine toujours le transport des marchandises en Europe. Mais l'étude menée par Arnaud Serry et Ronan Kerbiriou rappelle « l’intérêt croissant, aux niveaux nationaux et communautaire, pour le transport maritime, et notamment pour ses usages intra-européens ». En tonne-kilomètre, il représente aujourd'hui environ 40 % de ces échanges.
Certains pays en donnent une claire illustration avec une part de plus en plus grande de leurs trafics assurée par la mer. Estonie, Pays-Bas et Portugal tiennent ici le haut du palmarès avec plus de 35 % de leurs échanges par la voie maritime. Viennent ensuite Lettonie, Lituanie, Danemark, Belgique, Irlande, Italie et Grèce qui se situent dans une fourchette de 26 à 35 %.
Émergence des ports de Méditerranée
Même si les ports du Range nord dominent sans contestation le trafic des conteneurs, les vingt dernières années ont aussi vu émerger les ports de Méditerranée. « En effet, on estime qu’en Méditerranée circule près de la moitié des boîtes convoyées », souligne l'étude. « De ce fait, des terminaux dont l’activité est portée par les activités de transbordement ont vu le jour et se sont rapidement développés : Algésiras, Gioia Tauro, Malte, Valence, ou plus récemment Le Pirée et Tanger-Med. »
Vers l'Europe centrale et orientale
Arnaud Serry insiste cependant sur le fait que leur forte croissance n'est pas adossée à un hinterland aussi riche et actif que celui des ports du nord de l'Europe. « L'atout économique du maritime pour amener les conteneurs dans les usines est indéniable dans le Range nord. »
En revanche, il n'existe pas de liaisons massifiées entre la Méditerranée et l'arrière-pays européen. La concurrence des ports du sud n'est donc pas (encore) une véritable menace mais grignote tout de même des parts de marché sur le transbordement. La question pourrait toutefois se poser pour l'Europe centrale et orientale, dont les liaisons ferroviaires de mettent en place avec les ports de Méditerranée grâce au soutien politique et financier de l'UE.
Myriam Guillemaud Silenko