Conteneur : la vente de HMM empile les déconvenues

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Seul Hapag-Lloyd réunit les conditions financières et l’expérience pour acquérir HMM. Mais sa candidature est une tuile pour l'exécutif sud-coréen.

Crédit photo ©Michael J Palmer-Shutterstock/Hapag-Lloyd
La mise en vente d'une participation de 40 % du huitième armateur mondial de porte-conteneurs bute sur plusieurs obstacles. Pas de grands chaebols sud-coréens et une soumission internationale indésirable, celle de Hapag-Lloyd. Le seul qui ait pourtant la trésorerie nécessaire.

Mauvais timing pour la privatisation partielle de HMM, numéro huit mondial dans le transport maritime de conteneurs avec 2,9 % de parts de marché mondial. La sous-performance de la compagnie sud-coréenne – le résultat net du transporteur maritime sud-coréen a chuté de 89 % au deuxième trimestre par rapport à l'année précédente –, et la morosité actuelle du secteur ne sont pas des alliés pour favoriser dans de bonnes conditions la vente de la participation des deux banques publiques propriétaires, les 20,98 % de la Korea Development Bank (KDB) et les 19,96 % de la Korea Ocean Business Corp (KOBC).

Après de longs mois de valses hésitations, la procédure de sa privatisation a été mise sur rail en juillet avec la désignation de la banque d'investissement Samsung Securities pour trouver un acquéreur. L’imminence des échéances concernant la dette et les obligations de la compagnie maritime a sans doute aussi joué un rôle (le taux d'intérêt sur les obligations doit doubler en octobre).

Les candidats avaient jusqu'au 21 août pour soumettre une offre en vue d'acquérir les 40 % au prix de 4 Md$. Mais au vu de la tournure de la procédure, l’affaire pourrait se solder par... une annulation de l'affaire.

Décote et manque d'intérêt

Depuis le lancement de la procédure, le prix de l'action a chuté de 10 %, et une fois les soumissionnaires connus, la valeur du transporteur a encore chuté de 5 %.

Le prix de l'action de HMM n'a jamais été aussi bas depuis décembre 2021, date à laquelle SM Group a commencé à acquérir des actions de HMM. À la décote par rapport aux prévisions s’ajoute un manque d’intérêt évident dont témoigne le nombre relativement limité d'offres reçues et l’absence des grands chaebols sud-coréens parmi les soumissionnaires.

Quatre candidats en lice

Le premier tour d'appel d'offres a validé trois propositions nationales et une internationale avec la candidature surprise de l'allemand Hapag-Lloyd.

Le grand conglomérat Hyundai Motor Group et le quatrième producteur mondial d'acier Posco, pressentis, se sont abstenus tandis que SM Group, propriétaire du 26e exploitant mondial de porte-conteneurs, déjà actionnaire à hauteur de 6,56 %, n’a finalement pas soumis d'offre. Le groupe présidé par Woo Oh-hyun, réputé pour avoir redressé les entreprises qu’il a acquises, avait indiqué qu’il ferait une offre pour son compatriote à condition que l’opération n’excède pas une valeur de 3,5 Md$.

Global Sae-A associé à IMM Private Equity, qui détient Hyundai LNG Shipping, faisait également partie de ceux qui se montraient intéressés lors de l’appel d’offres mais aucune proposition n’a été formulée.

Finalement, au rang des entreprises nationales, figurent Harim Group, qui détient l’exploitant de vraquiers Pan Ocean et plusieurs actifs dans le domaine agroalimentaire, Dongwon, autre grand groupe agroalimentaire familial dans les produits de la mer et notamment investi dans le Dongwon Pusan Container Terminal, et LX Group, dans l’électronique.

Aucun avec l'assise financière nécessaire

Or aucun ne semble avoir la trésorerie nécessaire pour réunir les fonds d'acquisition si bien qu’ils pourraient avoir à contracter des emprunts et à faire face ensuite à des charges trop importantes.

Selon les médias locaux, les soumissionnaires seraient déjà en train de se structurer des consortiums. Ainsi, Harim pourrait contracter avec le fonds d'investissement privé JKL Partners avec lequel il avait déjà réussi à redresser Pan Ocean en 2015. Dongwon envisagerait de s’associer à la Korea Investment Holdings et LX de s’appuyer sur des investisseurs financiers.

Un item du cahier des charges inquiète par ailleurs les candidats : KDB prépare des accords entre l'acquéreur et les actionnaires afin d'empêcher le versement de dividendes importants après l'acquisition.

Hapag-Lloyd, candidat surprise

In fine, seul Hapag-Lloyd réunit les conditions financières avec ses liquidités s'élevant à un peu moins de 7 Md$ et l’expérience : l’armateur allemand de porte-conteneurs a largement participé à la consolidation du transport maritime de conteneurs.

Après avoir raté sa compatriote Hamburg Süd, absorbée par AP Møller Maersk, il a mis la main sur la chilienne (CSAV) en 2014 et le transporteur du Golfe, United Arab Shipping Co (UASC) en 2017.

Pour autant, cette candidature semble indésirable pour l’exécutif sud-coréen, hermétique aux intérêts étrangers dès lors qu'il s'agit d'actifs stratégiques pour l'économie sud-coréenne, très dépendante des exportations.

Échec de l'offre préliminaire ?

Nombreux sont ceux qui spéculent sur un échec de la vente et un scénario à la DSME (le constructeur sud-coréen racheté par Hanwha). Pour cette opération qui se présentait dans les mêmes termes, un acheteur « privilégié » a été recherché avant de passer à une vente aux enchères publiques et ainsi écarter les candidatures mal venues.

C’est aussi ce que l’exécutif sud-coréen a tenté de faire en poussant la candidature de HMM pour acquérir le transporteur de gaz LNG Huyndai alors qu'une vingtaine d'offres émanaient d’intérêts étrangers, liste ensuite réduite à quatre (États-Unis, Royaume-Uni, Danemark et Grèce).

Hapag-Lloyd, coincé

Les motivations de Hapag-Lloyd sont lisibles. La compagnie allemande se trouve dans une position délicate, distancé en termes de capacités par le quatuor de tête, MSC, Maersk, CMA CGM et Cosco et talonné par les sixième et septième mondiaux, ONE et Evergreen.

Sans réaction, Hapag-Lloyd pourrait être éjecté du Top 5. En devenant actionnaire de HMM, son partenaire au sein de THE Alliance, le transporteur allemand pourrait renforcer sa présence sur le trade Est-Ouest et le transpacifique.

Une vraie force d'appoint

Dans la présentation de sa stratégie quinquennale en juillet 2022, HMM, qui exploite 280 porte-conteneurs, avait indiqué qu’elle allait investir 11,46 Md$ pour porter sa capacité à 1,2 MEVP.

Le numéro huit mondial a réceptionné 12 nouveaux navires de 23 000 EVP et huit de 15 000 EVP en 2020 et 2021. Cette force d’appoint au moment où le marché en manquait cruellement lui a permis de sortir ses résultats financiers du rouge vermillon qui avait coloré pas moins de 16 exercices trimestriels consécutifs.

En février, la compagnie a encore passé commande de neuf porte-conteneurs de 9 000 EVP au méthanol, les livraisons s'échelonnant entre mi-2025 et 2026.

HMM fait partie de ces compagnies qui ont largement bénéficié de la générosité publique. Le fleuron national est sous le contrôle de l'État depuis 2016, année traumatique pour le secteur avec la faillite de l'iconique Hanjin Shipping. Elle avait été sauvée de la banqeroute à l’aide de banques publiques d’investissement quand la compagnie s’appelait encore Hyundai Merchant Marine. Depuis, elle a été renfloué à plusieurs reprises

Adeline Descamps

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