Le 4e armateur mondial dans le transport de conteneurs a lancé ce 12 février son OPA sur Ceva Logistics, visant à prendre le contrôle exclusif du logisticien suisse. La Commission européenne a par ailleurs donné le feu vert à l’opération jugée sans conséquences du point de vue de la concurrence.
Le secteur de la logistique bouillonne. En marge des tentatives du groupe danois de logistique DSV (N°7 selon Dynamar) de mettre la main sur un des 10 premiers « numéros » mondiaux de logistique – une tentative avortée sur Ceva Logistics, un essai non transformé à ce jour sur l’entreprise suisse de logistique Panalpina – CMA CGM finalise sa démarche à l’égard de Ceva.
Il lance ce 12 février son offre amicale sur les titres du groupe suisse pour prendre le contrôle exclusif du capital. L’armateur basé à Marseille avait dû précipiter en octobre sa montée au capital de Ceva à hauteur de 33 % (contre 24,99 % acquis en avril 2018), une opération certes prévue mais pas dans ce timing. L’offre de rachat lancée par DSV avait contraint CMA CGM et Ceva à « pousser plus loin leur accord de partenariat ».
Du point de vue financier, CMA CGM ouvre son offre à 30 francs suisses CHF (26,34 €). Le groupe français précise qu’il dispose de l’approbation de son conseil d’administration et que « cette offre correspond à une valorisation supérieure de 12,2 % à la moyenne de cotation des 60 derniers jours et de 62,9 % par rapport à la valeur de 18,42 CHF, en date du 10 octobre 2018, dernier jour de cotation avant l’annonce d’une proposition d’acquisition non sollicitée par un tiers ». L’offre valoriserait donc la Suisse à environ 1,5 milliard CHF (soit 1,32 Md€) pour 100 % du capital.
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Quel projet pour Ceva ?
Sur un plan plus stratégique, l’opération illustre le processus d’intégration verticale auquel se prêtent actuellement les grands armements, visant à élargir le spectre de leur champ d’activité en développant une offre logistique et de services complémentaire au transport de façon à maîtriser la chaîne de transport de bout en bout.
« C’est un mouvement majeur dans notre histoire. Une fois la prise de contrôle effective, cela fera de CMA CGM un groupe de 100 000 collaborateurs réalisant plus de 30 Md$ de chiffre d’affaires », s'enthousiasme CMA CGM dans un communiqué.
Quant à son projet pour Ceva, il avait été (un peu) précisé en novembre (cf.Le projet industriel de Ceva Logistics à horizon 2021). Il y était question de la poursuite du redressement de l'entreprise (endettée) et le retour à la rentabilité, notamment par la diversification sectorielle et géographique, via la consolidation d'une nouvelle offre dans des activités à plus forte valeur ajoutée (logistique de la chaîne du froid, Sea Full Container Load, Less than Container Load, opérations douanières), des secteurs à plus forte croissance (e-commerce, distribution) et dans des zones géographiques à potentiel (Asie, Moyen Orient, Afrique).
Le logisticien devrait en outre gagner en productivité et réaliser des économies d’échelle en tirant profit du back office du groupe CMA CGM et de ses forces commerciales. Les activités logistiques de l’armateur, CC Log lui seront aussi apportées. « Très présente sur les marchés en croissance comme l'Inde, la Chine, l'Australie et les États-Unis », la filiale logistique du transporteur, (1 200 salariés dans 32 pays) réalise un chiffre d’affaires de 630 M$ pour un résultat opérationnel de 16 M$. L’ensemble consolidé CC Log/Ceva prévoit d'atteindre le million d’EVP à horizon 2021 (contre 170 000 EVP à ce jour) et un chiffre d’affaires de 9 Md$ en 2021 contre 7 milliards avant cet IPO et un Ebitda ajusté compris entre 470 et 490 M$ contre 260 M$ en 2018.
Qui aux commandes ?
Nicolas Sartini, qui a dirigé entre 2016 et 2018 et redressé NOL/APL, acquis par CMA CGM en juin 2016, a été nommé le 1er janvier prochain directeur des opérations et directeur général adjoint de Ceva logistics aux côtés de Xavier Urbain, son directeur général.
Dans un entretien de ce jour aux Échos, Rodolphe Saadé estime pouvoir atteindre au minimum 50 % des titres. Aux manettes depuis 2017 du groupe créé par son père Jacques Saadé, le dirigeant « qui a inscrit la logistique comme un axe majeur de sa stratégie de développement », précise que l’opération sera « notamment financée par de la dette avec les banques qui nous accompagnent depuis des années ». Il dit « avoir étudié plusieurs dossiers, aux États-Unis, en Asie, en Europe pour finalement trouver que Ceva répondait au mieux à nos attentes », laquelle resterait une entité indépendante avec sa marque.
Feu vert des autorités européennes
La Commission européenne a par ailleurs donné son feu vert à l’opération, estimant « que le projet d'acquisition ne soulèverait aucun problème de concurrence, compte tenu de son impact limité sur la structure des marchés du transport de fret, du transport maritime à courte distance et du transport maritime de conteneurs », dans un communiqué publié le 7 février.
--- Adeline Descamps ---