CMA CGM Air Cargo suspend les vols de deux appareils aux États-Unis

Article réservé aux abonnés

Faut-il voir dans la « suspension temporaire » des opérations de CMA CGM aux États-Unis quelques signes avant-coureurs d’une conjoncture que les exploitants anticipent plus âpre que prévu ? Le groupe français de transport et logistique, qui a lancé CMA CGM Air Cargo en 2021, a cessé la vente des espaces pour son compte propre et loué deux de ses appareils à l'expressiste DHL et à la division cargo de Qatar Airways.

En fin d’année, les tarifs du fret aérien ont rejoint leurs équivalents maritimes dans la spirale descendante : ils ont perdu de l’altitude. La liste des crises s'allongeant, avec quarante nuances de récession, « cela pourrait inciter les transporteurs à repenser leurs investissements, prédit Niall van de Wouw, analyste en chef du fret aérien chez Xeneta, une société de services numériques dans le maritime. L’économiste paraît convaincu que « lorsque les bénéfices diminueront en mer et que les transporteurs atteindront le seuil de rentabilité ou enregistreront une perte, ils réexamineront ces activités », et par ailleurs qu’il y aura, à un moment à un autre, un recentrage sur leur cœur de métier, qu’il est toujours plus facile à gérer en périodes de turbulences.

Miroir aux alouettes ?

Faut-il voir dans la « suspension temporaire » des opérations de CMA CGM aux États-Unis quelques signes avant-coureurs de cette tendance anticipée ?

Après quelques mois d’opérations, CMA CGM Air Cargo, la jeune compagnie aérienne de l’armateur français de porte-conteneurs, a suspendu ses ventes d’espaces commerciaux vers Chicago et Atlanta depuis l'Europe pour louer les avions à European Air Transport, une compagnie aérienne de fret enregistrée auprès de DHL Express, et à Qatar Airways Cargo (auquel elle avait acheté les quatre premiers A330-200F d’occasion), a révélé le média américain FreightWaves. Une décision que le groupe a confirmé sans autres commentaires.

Hors commandes (deux B777 et quatre A350F livrés entre 2024 et 2026), et en dehors de l’alliance de partage avec Air France-KLM, dont l’armateur français est désormais le premier actionnaire privé, CMA CGM Air Cargo a six appareils tout-cargo en opération dont les quatre A330-200F, qui doivent d’ici février avoir rejoint la base de Paris-CDG alors qu’ils opéraient jusqu’à présent depuis le hub d’Air Belgium à Liège, CMA CGM ayant confié ses opérations à la compagnie belge avant de créer sa propre compagnie. Les deux 777F sont déjà basés à CDG.

Selon les informations de Freightwaves, un 777F et un A330F sont actuellement en service pour la division cargo de Qatar Airways et deux A330 pour le compte de DHL express. Des données corroborées par FlightRadar24, équivalent aérien de MarineTraffic ou de VesselFinder.

Réorganisation

Les deux Airbus sous contrat avec Air Belgium opèrent entre Bruxelles et le hub nord-américain de DHL près de Cincinnati ainsi que la plateforme régionale de Miami, plutôt de façon régulière (sept entre le 10 et 17 décembre).

Le Airbus et le Boeing, qui opèrent pour la division fret de la compagnie qatarie, relient Bruxelles ou divers aéroports européens (Londres, Prague, Budapest, Saragosse…) à Doha. Le deuxième B777F est en opération conformément à son plan de vol (Paris-Hong Kong). Le quatrième a fait récemment un aller-retour entre Paris-Le Caire.

Perte d’altitude

En 2022, les compagnies maritimes ont accéléré sur le changement d’aiguillage en tissant leur toile aérienne. Avec un trésor de guerre s’estimant en dizaines de milliards de dollars accumulés ces deux dernières années grâce à des taux de fret qui ont défié les cieux, ils ont l’aisance financière pour mettre en œuvre leur stratégie de « logistique intégrée ». Les lignes d’horizon n’ont plus de frontières. Elles se brouillent en un continuum air-mer-terre.

Les leaders du secteur – MSC, Maersk, CMA CGM – ont été, sur ce plan, hyperactifs l’an dernier. Pour s’affranchir des cycles inhérents au fret maritime alternant baisse et hausse des volumes, elles ont réservé une bonne partie de leurs substantiels bénéfices à la logistique à terre, secteur à plus forte marge – stockage, entreposage, logistique contractuelle – mais aussi au fret aérien, un territoire au ticket d’entrée particulièrement élevé et au niveau d’expertise tel qu’il éjecte rapidement les aventurières.

Pour se prémunir des aléas du cycle, elles ne trouveront pas forcément refuge dans le fret aérien, qui n’y est pas étanche et où les marges bénéficiaires sont d’ordinaire faibles. Le transport aérien de marchandises a connu un temps exceptionnellement lucratif durant la pandémie lorsque les avions passagers étaient cloués au sol et alors que le transport maritime connaissait une grande pagaille avec des pénuries de conteneurs, des annulations d’escales et de départs, des ports dépassés, un transport terrestre sous la contrainte des confinements et de la pénurie de chauffeurs routiers. 

Outre le défaut de services dans un secteur où la fiabilité est une loi d’airain, la décision de CMA CGM est un mauvais signal pour l’ensemble des compagnies maritimes qui se lancées dans cette nouvelle aventure. L’échec de l’une d’entre elles retentira inévitablement sur la crédibilité des autres…

Adeline Descamps

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15