Depuis quelques semaines, la problématique de la relève et du changement d’équipage, qui s’est révélée à l’usage des contraintes sanitaires, fait l’objet d’un suivi. Pour mieux maîtriser une situation qui leur échappe car engendrée par des décisions gouvernementales (restrictions de déplacement, suspension du trafic aérien, exigences de quarantaines, etc.), dix sociétés de gestion de flotte* ont développé un outil de suivi des évolutions et de la durée des contrats de travail des équipages.
Cette initiative a été lancée dans le cadre de la déclaration de Neptune, un engagement collectif signé en mai dernier par 800 organisations du secteur du transport maritime. Cette mobilisation relativement récente n’est que la dernière d’une longue série mais aucune d’entre elles n’est parvenue à atteindre ni but ni cible. À quelques exceptions près, les États restent sourds à l’appel de la mer. Pourtant, les médias généralistes ont commencé à s’y intéresser et ont relayé des situations de précarité et de grande détresse de ceux qui sont à bord.
En signant le texte, les signataires s’engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour opérer les relèves et veiller à ce que les marins puissent exercer leur mission dans des conditions décentes. Les marins ont été particulièrement malmenés par la crise sanitaire et l’indifférence dont ils ont fait l’objet alors qu’ils n’ont cessé d’être entravés dans l’exercice de leurs fonctions. La plupart des armateurs et propriétaires de flotte sont conscients que ces conditions d’emploi sont une bombe à retardement. À plus forte raison dans un contexte de pénurie d’emploi.
Les contrats expirés en forte hausse
En se basant sur les données consolidées des gestionnaires de navires (90 000 marins actuellement au tableau de bord), l’outil suit l’évolution des contrats de travail, régis par une convention internationale qui fixe la limite légale à onze mois. L’édition du troisième baromètre, qui s’appuie sur les données de mai, indique une nouvelle détérioration alors que les pays lèvent progressivement les barrières et desserrent l’étau.
La part de marins dont le contrat a expiré est désormais de 8,8 % contre 7,2 % un mois plus tôt. Le premier indice publié (en avril) faisait état de 5,8 % de contrats dépassés. La proportion de ceux qui officient depuis plus de onze mois a glissé de 0,4 % à 1 %, ce qui correspond à une augmentation relative de 150 %, indique un communiqué de presse du Forum maritime mondial.
Taux de vaccination faible
Les taux de vaccination dans les principaux pays « fournisseurs » d'équipage restent faibles et les tentatives d'adoption d'un plan mondial de vaccination des marins n'ont toujours pas porté leurs fruits. La carence en doses de certains pays ou un difficile accès peuvent aussi expliquer cette nouvelle dégradation.
L’apparition de nouveaux clusters en Asie, qui a conduit à émettre de nouvelles restrictions et à annuler des vols, continue de perturber la mobilité des gens de mer. Aux Philippines, pays fournisseur clé de marins, les vols réguliers ont été contraints. Le gouvernement philippin a notamment interdit l’entrée de marins en provenance des Émirats arabes unis, d'Oman, du Népal, du Bangladesh, du Sri Lanka et du Pakistan. L'Inde, quant à elle, a prolongé l'interdiction des vols internationaux de passagers jusqu'au 31 juillet.
La pénurie de marins est une autre menace. Certaines compagnies maritimes offriraient des salaires de 10 à 20 % supérieurs aux niveaux moyens du marché, d’autres proposent une prime de recrutement élevée. 85 % des marchandises dans le monde empruntent la mer, convient-il de rappeler.
Adeline Descamps
*Anglo-Eastern, Bernhard Schulte, Columbia Shipmanagement, Fleet Management, OSM, Synergy Marine, Thome, V.Group, Wallem et Wilhelmsen Ship Management.