Cargill ouvre la voie au méthanol dans le vrac sec

Le géant américain des produits agricoles s'est associé à un homologue japonais pour commander deux vraquiers kamsarmax au méthanol. Cargill entend faire la démonstration que les vraquiers au méthanol, bien que 15 % plus chers à la construction, peuvent être une option viable, y compris dans ce marché de prix qu’est le vrac sec.

Maersk est de moins en moins isolé dans son attachement au carburant alternatif et résolument vert qu’est le méthanol, dont la flotte atteint, à ce stade des commandes, 19 unités (bicarburant) sans les options. Dans son environnement de marché, le premier entrant sur le chemin de crête du carburant-star de demain a été plus récemment rejoint par CMA CGM, avec deux séries dual fuel de 15 000 EVP dont on sait pas bien s’il s’agit de conversions d’engagements préalables au GNL, et par Cosco, qui n’a pas fait dans la demi-mesure en investissant dans douze porte-conteneurs de 24 000 EVP, après avoir longtemps tenu à la discrétion ses convictions quant à la propulsion de demain.

Parmi tous les segments du transport maritime, le porte-conteneur était jusqu’à présent le plus ouvert aux intérêts du nouveau carburant. 

Cargill, grand négociant de matières premières, associée à son homologue japonaise Mitsui & Co, ouvre une autre brèche en commandant deux vraquiers au méthanol. Les kamsarmax ont été confiés au constructeur japonais Tsuineshi Shipbuilding pour une livraison prévue durant le dernier trimestre 2025 pour le premier et au début 2026 pour le deuxième. 

Lire aussi : Le méthanol creuse son sillon

L’économique cédant le pas à l’écologique

Jan Dieleman, le CEO de Cargill Ocean Transportation, est aussi le président de Sea Cargo Charter, cette organisation lancée en octobre 2020 et portée par dix-sept chargeurs*, parmi les plus importants affréteurs de navires. Elle a fait beaucoup parler d’elle ces deux dernières années en raison des engagements de ses membres à intégrer dans leurs politiques d’achats de transport des critères environnementaux et à publier les émissions annuelles des navires qu’ils font exploiter.

Si la Sea Cargo Charter s’est alignée sur les objectifs de l'OMI, pourtant jugés peu ambitieux, de l’OMI (réduire de moitié les émissions d'ici 2050 par rapport à l'année de référence 2008), ils ont toutefois créé leur propre système de déclaration des émissions de gaz à effet de serre (GES), hors cadre institutionnel et sans concertation avec les principaux concernés : les armateurs.

Au-delà, ils se sont contraints à ne plus faire du prix le seul critère d’appréciation, l’économique cédant un peu de terrain à l’écologique.

Enrôler le secteur du vrac sec

« Le transport maritime devra passer à des carburants sans carbone pour atteindre ses objectifs de décarbonisation. Le méthanol est la solution la plus aboutie sur le plan technologique parmi les options décarbonées et nous voulions faire quelque chose maintenant pour faire avancer le secteur », a justifié le dirigeant, qui entend faire la démonstration d’une voie viable pour les vraquiers bicarburant au méthanol, espérant créer un effet d’enrôlement.

Cargill est le premier entrant sur le marché du vraquier au méthanol. Le surcoût du navire, estimé à 15 % par rapport à un vraquier propulsé aux carburants conventionnels, n’est pas neutre pour ce marché fragmenté et de prix. Selon les analystes, la théorie de la prime à l’entrant vaut que si les navires sont déployés sur des routes tarifées (comme celles entrant dans le cadre du système européen d'échange de quotas d'émission, où la tarification du carbone est déjà prise en compte) et/ou si les clients sont prêts à payer un peu plus en échange d'un « certificat vert ».

Faire baisser les prix

Cargill rejoint la logique de Maersk, qui a répondu à un autre principe très connu dans le marketing – le dilemme de l’œuf et la poule –, en s’engageant par des contrats d’achat de long terme de méthanol.

L’armateur danois de porte-conteneurs, qui a signé à ce jour avec une dizaine de fournisseurs, a annoncé il y a quelques jours avoir pris une participation, via son fonds capital-risque Maersk Growth, dans une startup allemande C1 Green Chemicals, dont la technologie de catalyse permet la production de masse de méthanol vert. Ce faisant, elle devrait contribuer à rendre le carburant alternatif plus compétitif par rapport à ses équivalents fossiles.

Selon la société de classification DNV, le méthanol, bien qu’encore loin du GNL en termes de prises de commandes, a été le deuxième carburant le plus plébiscité en 2022 avec 35 unités, ce qui porte actuellement la flotte à 82 navires.

Adeline Descamps

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15