Le tribunal de commerce de Marseille a rendu un jugement favorable le 14 décembre au plan de restructuration de Bourbon Maritime. Place désormais à la restructuration financière et capitalistique du groupe. Deux nouveaux actionnaires font leur entrée au capital. Une centaine de navires devrait être cédés.
Tout en durcissant les conditions de marché offshore pétrolier et gazier, la crise sanitaire aura aussi, pour Bourbon Maritime, dilaté le temps et étiré « façon élastique » la procédure de redressement judiciaire ouverte en août 2019. En application des ordonnances gouvernementales adoptées pour faire face aux conséquences de la pandémie sur le droit des entreprises en difficulté, les greffes de Marseille avaient autorisé le renouvellement exceptionnel de la période d'observation. L'administration du dossier aura donc duré 16 mois. Non sans effets. Pendant ce temps, les mesures de restructuration « ont permis de réduire considérablement le passif à apurer de 6,644 Md€ », indique le jugement du tribunal de commerce.
Le passif initialement déclaré était en effet de 7,85 Md€. Il serait désormais de 1,206 Md€. Le dossier Bourbon devient ainsi un cas typique d'une restructuration financière pure sachant que le groupe a, de surcroît, obtenu plus de 30 M€ de Prêt garanti par l'État (PGE).
Un très long parcours
On rembobine. Il y a un an, par un jugement en date du 23 décembre 2019, le tribunal de commerce de Marseille a acté la cession des actifs de Bourbon Corp. et de Bourbon Maritime – qui avaient été placés en redressement judiciaire quelques mois auparavant, en août – à la Société phocéenne de participations (SPP), une nouvelle entité créée par les établissements bancaires créanciers des deux tiers de la dette, alors estimée à 2,7 Md€. La Société Générale (majoritaire), BNP Paribas, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel Alpes Provence, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Paris et d'Île de France, CM-CIC Investissement SCR, Crédit Lyonnais, Natixis deviennent effectivement actionnaires du groupe le 2 janvier 2020. Pour Jacques de Chateauvieux, l’actionnaire historique et homme-orchestre de la construction d’un groupe international positionné sur les services maritimes à l’offshore pétrolier, ce changement signe son retrait définitif.
Le nouvel actionnaire de Bourbon fait appel à des industriels
Nouvelle gouvernance
Pour remettre l'entreprise sur les rails, les nouveaux actionnaires entendent convertir 1,4 Md€ de dettes en capital et 300 M€ en obligations. L’offre intègre en outre 150 M€ d’apport en liquidités.
En termes de gouvernance, la nouvelle entité a été dotée d’un conseil de surveillance et d’un directoire. L’organe en charge de la stratégie est présidée par Jean Peyrelevade, ancien PDG du Crédit lyonnais et composée de profils capés du secteur maritime, parmi lesquels l’ancien CEO de Maersk Supply, Carsten Plougmann Anderssen, ou encore le PDG de Subsea7 Jean Cahuzac. Le directoire est confié à Gaël Bodénès aidé de Thierry Hochoa. Le premier est le directeur général délégué du groupe depuis septembre 2017. Le second l'a rejoint en août 2018 pour assumer les fonctions de directeur général adjoint en charge des Finances. En tant que tel, il a été chargé de piloter le projet de structuration financière des trois sociétés autonomes (Bourbon Marine & Logistics ; Bourbon Mobility ; Bourbon Subsea Services) créées dans le cadre du plan stratégique de relance baptisé « Bourbon In Motion ».
Deux nouveaux actionnaires
Les 23 octobre et 18 novembre 2020, les administrateurs judiciaires Frédéric Abitbol et Alexandre Bonetto ont présenté leur rapport sur la situation de l'entreprise ainsi que le projet de plan de redressement négocié avec l’ensemble des créanciers dans le cadre des 57 procédures de conciliation ouvertes. Seul un d’entre eux a émis un avis défavorable (condition qui n’était pas suspensive).
Selon ce programme et le prononcé du jugement, Bourbon doit donc désormais rembourser sans délais 100 % des dettes fiscales, sociales et fournisseurs. Le passif sera apuré par des obligations remboursables en action (ORA) d'ici le 31 décembre donnant droit au capital de la SPP. « Les accords signés avec les créanciers entraînent une réduction de plus de 1,5 Md€ de l’endettement du groupe qui passe de 2,648 à 1,065 Md€, indique le communiqué de presse envoyé ce 16 décembre. Des ORA pour un montant de 228 M€ seront émises par la SPP et pourront être converties en actions dès fin 2021 selon les conditions actuelles de marché. La conversion de la majeure partie de cet endettement en capitaux propres renforce de façon significative le bilan du groupe. En outre, ces accords prévoient l’apport de nouveaux financements à hauteur de 150 M€ et remboursables sur trois ans. »
Sans plus tarder, deux nouveaux actionnaires (à nouveau financiers) rejoignent le conseil administration – ICBCL et Standard Chartered Bank – à hauteur de 18 et 10 %, respectivement. Les autres créanciers ayant accepté de convertir une partie de leur dette en capital détiendront le reste du capital. La flotte sera redimensionnée de façon à se limiter, fin 2021, à moins de 350 navires. Soit une centaine de navires en moins.
Réelle reprise en 2022
Depuis 2015, Bourbon est confronté à une violente contraction du marché des services offshore. La crise sanitaire, qui a provoqué la déroute des marchés pétroliers et conduit les majors à sabrer dans leurs dépenses n’a rien arrangé. La société marseillaise avait lancé, en février 2018, son plan « Bourbon in motion ». Représentant un investissement total de 75 M€ sur trois ans, il doit faire évoluer ses business models vers plus de services (logistique intégrée, projets clés en main, tels l’installation de parcs éoliens). En s’appuyant sur des innovations technologiques (positionnement dynamique, maintenance prédictive, équipements surveillés en continu….), Bourbon promet notamment de réduire les coûts d’exploitation de 25 %. Le programme Smart Shipping, qui connectera plus de 130 navires à l’horizon 2022, doit servir cet objectif.
Si le premier trimestre de l'année a été plutôt satisfaisant, note Gaël Bodénès, une baisse d'environ 22 à 23 % du chiffre d'affaires est envisagée pour l'exercice 2020 par rapport à 2019 tandis que 2021 ne « devrait pas marquer un rehaussement notable ». Le dirigeant place le curseur d'une « réelle reprise » plutôt en 2022.
Bourbon n'est pas un cas isolé. Plusieurs compagnies du secteur offshore sont en difficulté et ont également procédé, ces dernières années, à des restructurations à l’instar de Solstad Offshore, Dof, Siem Offshore...
Adeline Descamps