En marge du sommet annuel du G7, qui s’est tenu du 19 au 21 mai à Hiroshima, au Japon, au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement des sept économies les plus développées (Canada, France, États-Unis, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni) devaient entre autres discuter des moyens pour tordre un peu plus l’économie russe, les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé des sanctions supplémentaires.
Alors même que l'UE finalise son 11e train de sanctions, le département d'État américain a annoncé avoir placé sur liste noire « plus de 300 personnalités, entreprises, navires et avions, à travers l'Europe, le Moyen-Orient et l'Asie ».
Les autorités américaines – départements d'État, du Commerce et du Trésor –, justifient ce nouveau tour de vis par la volonté de saper toutes sources de revenus énergétiques de la Russie mais aussi d'épingler les pratiques visant à échapper aux sanctions.
Rosatom ciblé
Au sein des nouvelles entités inscrites sont ciblées toutes les activités susceptibles d’être impliquées dans la capacité du pays à produire et à exporter dans une série de secteurs, dont une bonne partie dans les domaines énergétique et maritime, notamment la construction navale, les équipements pour l’exploitation minière, l’ingénierie…
La Federal state unitary enterprise hydrographic, filiale à 100 % de Rosatom qui fournit des services de dragage au projet Vostok Oil dans la région arctique, se trouve ainsi sanctionnée avec ses quatre navires.
Dans le viseur du département d'État américain, le fournisseur de services de forage Inkomneft, le constructeur naval Samusskiy Sudostroitelno Sudoremontniy Zavod, qui a construit jusqu'à dix navires pour le transport maritime dans l'Arctique, et cinq autres entreprises impliquées dans le développement du port arctique d'Indiga.
Céréales et minerais dans le viseur
Dans le même temps, le ministère américain des Affaires étrangères a proscrit Polimetall, la holding russe d'un important producteur d'or et d'argent.
Sont aussi ciblées des entreprises suspectées d’utiliser des sociétés écrans, de falsifier des documents et d’exploiter des « techniques d'évasion maritime » pour détourner des variétés ukrainiennes vers l’origine russe. Une réaction aux vols de céréales en Ukraine dont les autorités américaines affirment détenir des preuves.
Pawell Shipping, le propriétaire enregistré d’un navire de marchandises diverses, battant pavillon syrien, est ainsi présumé avoir participé à ce commerce de manipulation.
71 entités à l'exportation
Aussi, le département du Commerce a imposé des contrôles à l'exportation à 71 entités.
Le bureau du contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor a pour sa part mis à l’index plus d'une douzaine d'institutions de recherche et d'enseignement, parmi lesquels Gazprom VNIIGAZ, le principal centre de recherche de Gazprom, et de Gazpromneft NNGGF, qui propose des services technologiques pour le forage de puits.
Sun Ship Management et ses liens avec Sovcomflot
De son côté, le ministère britannique des Affaires étrangères a consigné neuf organisations liées à Rosatom, dont Umatex, un producteur de matériaux composites à base de fibres de carbone susceptibles d'être utilisés à des fins militaires.
Suivant l'exemple de l'UE, qui cherche à limiter les importations de GNL russe, épargné jusqu’à présent par les mesures visant le pétrole et les produis pétroliers, les autorités outre-Manche ont sanctionné Sun Ship Management pour ses liens avec Sovcomflot, la plus grande compagnie pétrolière d'État de Russie. Sun Ship Management gère, depuis Dubaï, une flotte de 86 pétroliers d'une capacité totale de 8,3 millions de tpl.
Le GNL toujours à l'étude
Les importations de gaz naturel russe par gazoduc dans l'UE se sont évaporées depuis l'invasion de l'Ukraine, mais les compagnies européennes importent plus de gaz naturel liquéfié russe que jamais auparavant. En 2021, les importations de GNL en provenance de Russie se sont élevées à environ 16 milliards de m3 contre 22 milliards en 2022. En totale contradiction avec l’objectif initial avancé : réduire la dépendance à l'égard de l'énergie russe en diversifiant le sourcing.
Les 27 États membres planchent depuis plusieurs semaines sur un mécanisme qui permettrait de corriger cette anomalie sans passer par le processus difficile de l'instauration de nouvelles sanctions.
La flotte dite opaque toujours en ligne de mire
La Commission européenne pourrait en outre, dans le cadre du 11e paquet de sanctions, prendre des mesures contre les pratiques de dissimulation d'opérations illicites, à commencer par les transferts de pétrole en haute mer opérés par des navires de façon opaque, en plein essor depuis l’invasion de l’Ukraine.
Sachant par ailleurs que plusieurs États, dont l'Espagne, ont fait pression sur l'Organisation maritime internationale (OMI) en avril pour qu'elle inscrive ce sujet à l’ordre du jour de la prochaine session du Comité de protection du milieu marin (MEPC 80 en juillet).
Lorsque la question a été évoquée, la président de l’UE, Ursula Von der Leyen, avait indiqué travailler en étroite collaboration avec le G7 sur ce point. Rien n’est en tout cas sorti du sommet annuel à ce stade. Une décision que les exploitants de navires appréhendent notamment en raison de la complexité juridique des textes et des décrets d'application. Si tant est que l’opération soit légalement et techniquement possible.
L'iran jamais loin de l'ostracisation américaine
Washington a également sanctionné la compagnie maritime Khazar Sea Shipping Lines (qui fait partie de l'Islamic Republic of Iran Shipping Lines, la plus grande compagnie du pays) en raison de « ses liens de plus en plus étroits entre la Russie et l'Iran »
Ils ne sont plus à prouver. La semaine dernière, le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien Ebrahim Raisi se sont engagés dans le financement (1,6 Md$) de la construction du dernier tronçon ferroviaire du vaste projet de corridor de transport Nord-Sud destiné à relier l'Inde, l'Iran, la Russie, l'Azerbaïdjan et d'autres pays par voie ferroviaire et maritime. Une nouvelle route qui, selon le président russe, pourrait rivaliser avec le canal de Suez.
La voie ferrée Rasht-Astara, longue de 162 km le long de la côte de la mer Caspienne, est à l'étude depuis 2000, retardé à plusieurs reprises faute de financement.
Associé à une liaison maritime traversant la Caspienne entre l'Iran et la Volga, le corridor ferroviaire doit améliorer la connectivité entre les ports russes de la mer Baltique aux ports iraniens de l'océan Indien et du Golfe, surtout le principal port à conteneurs Bandar Abbas. Ce faisant, il offre une nouvelle voie pour échapper aux sanctions occidentales sur les échanges russes.
Parallèlement, le même jour, la Russie et l'Iran ont également convenu de faciliter le dédouanement rapide des cargaisons transfrontalières. « L'augmentation du nombre de marchandises échangées dans ce corridor, y compris les produits technologiques, entraînera une hausse du volume des transactions commerciales », a précisé à cette occasion Ruslan Davydov, chef du service fédéral des Douanes en Russie.
Adeline Descamps