La conjoncture envoie des signes de reprise bien que fragile du fait d'une extrême volatilité devenue monnaie courante ces derniers mois.
En Chine et aux États-Unis, les importations et les exportations se sont remises sur les rails d’une dynamique même si les économistes redoutent les effets mondiaux de la surcapacité manufacturière chinoise et ne croient pas à la robustesse de la reprise américaine.
La situation de la zone Euro prête moins le flanc aux incertitudes. Elle reste en territoire négatif. La demande est toujours grippée. Les indices sont récessifs et l’activité manufacturière est dans un ventre mou. L’inflation verrouille toutes les sphères de l'économie et même la confiance des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) dans un repli des prix ne parvient à convaincre les analystes.
Signes d'amélioration continue
Sur le marché du conteneur, les signes d’amélioration pour le conteneur se multiplient en revanche. Un peu plus de 15 MEVP ont été transportés en mars, en hausse de 16 % par rapport à février et de 5,1 % par rapport au même mois de l'an dernier. La part des navires inactifs se réduit actuellement à quelque 100 000 EVP, soit 0,3 % de la flotte mondiale.
Les taux de fret ont bondi de 16 % selon l’indice Drewry la semaine dernière et le SCFI, qui reflète les prix au comptant pour le fret conteneurisé au départ de de Shanghai vers une vingtaine de destinations, s'est enflammé (+ 19 %) pour atteindre un pic, observé pour la dernière fois il y a 20 mois.
Le renchérissement a concerné toutes les routes long-courrier. Les raisons de cet accès de fièvre ne sont cependant pas très claires. La panique du marché face à une éventuelle problématique de capacité du fait des perturbations en mer Rouge, la congestion portuaire qui absorberait 1,6 MEVP, soit un peu plus de 5 % de la flotte mondiale, les déclarations des transporteurs sur la baisse de leur offre sur certaines liaisons (ce que Linerlytica dément), la forte demande américaine, dont témoigne la hausse des taux spot sur le transpacifique, pourraient avoir mis le marché en mode surchauffe.
Tarifs en hausse
Les tarifs pour les affrètements de courte durée suivent le mouvement, nourris par une demande croissante. « L'évolution du marché de l'affrètement de porte-conteneurs a été étonnante au cours des deux dernières semaines, avec le retour de taux d'affrètement très élevés rappelant, d'une certaine manière, les jours euphoriques post-Covid de 2021-2022 », reconnaît le spécialiste de la ligne régulière Alphaliner.
Quelques cas en témoignent en effet : CMA CGM a fixé le tout neuf TS Dubai de 7 092 EVP, pour une courte période de 2 à 3 mois, à 80 000 $/jour, soit deux fois plus que son prix normalisé, certes pour une période plus longue. « Le taux reflète évidemment les spécifications élevées du navire, sa disponibilité rapide et la courte durée de l'affrètement, mais il en dit long sur la fermeté actuelle du marché », ajoute l’analyste.
Compte tenu de cette évolution, Alphaliner a même réévalué de 3 000 $ son taux d'affrètement pour le tonnage standard de 8 500 EVP, passant de 48 000 à 51 000 $ par jour pour une location contractée sur un an.
46 000 $ pour un panamax
Dans les panamax standard (4 000-5 299 EVP), très courus par les armateurs pour leur grande opérationnalité, 46 000 $ ont été facturés pour une location de deux mois, témoignant de l’aptitude des transporteurs à payer une prime pour s'assurer un de ces navires.
CMA CGM, encore, aurait payé 46 000 $ pour obtenir le CSL Manhattan de 5 039 EVP, réservé pour deux à trois mois. Ces unités se facturent en principe autour de 27 000 $, mais là encore, pour des périodes de moins d’un an.
Plus étonnant encore, un 3 500 EVP a été négocié à près de 40 000 $ par jour, certes pour un emploi de 40 à 50 jours.
Offre limitée
À vrai dire, le marché de l'affrètement de porte-conteneurs n’a fait que se renforcer ces derniers mois alors que les exploitants semblaient se débattre avec leur surcapacité. La situation de crise en mer Rouge et la reprise de la demande sur certains itinéraires ont exacerbé cette tendance mais avant cela, le secteur ne manifestait pas les signes d’un grand affaiblissement.
Le manque d’offre n'y est pas étranger. La vente de plus de 750 navires par les armateurs non exploitants au cours des quatre dernières années a considérablement réduit la flotte disponible à l’affrètement, indique Alphaliner dans sa note. La majorité des contrats porte sur des navires de petite et moyenne taille parce que l'offre dans les grandes unités est quasiment inexistante.
En conséquence, avec pratiquement aucun tonnage disponible sur une base spot et pratiquement aucune construction neuve à venir, les taux d'affrètement ont toute latitude pour prendre leurs aises Le seul bémol reste la déferlante des 300 porte-conteneurs attendus d'ici la fin de l'année pour une capacité totale de près de 2 MEVP. Plus d'1 MEVP ont déjà été livrés au cours du premier trimestre.
Costamare, 97 % de sa flotte placée cette année
Autre indicateur témoin de la situation. Le propriétaire américain de navires Costamare (68 porte-conteneurs et 39 vraquiers au 31 mars) a annoncé un résultat net (hors ventes de navires) de 75,2 M$ pour le premier trimestre, contre 46,5 M$ il y a un an.
Ses revenus ont augmenté de 89 %, à 470,2 M$ par rapport à l'année précédente, en raison en partie de l'augmentation des taux d'affrètement plus élevés sur ses porte-conteneurs et ses vraquiers.
À l’issue du premier trimestre, l’armateur non-exploitant a indiqué avoir 97 % et 80 % de sa flotte de porte-conteneurs placée pour 2024 et 2025, ayant sécurisé 2,3 Md$ de revenus contractuels pour une durée moyenne d'environ 3,4 ans.
Adeline Descamps
>>> Lire aussi
Les exportations et importations conteneurisées rompent avec le statu quo
Renchérissement subit des taux de fret de 16 % la semaine dernière